Citations de Vincent Hauuy (236)
La mémoire provoque un mouvement de l’œil vers la droite, la réflexion vers la gauche ou vers le haut.
Le regard du docteur est rivé à l’écran vingt-sept pouces de son iMac. Ses lèvres pincées et la contraction de son front témoignent de l’intensité et sa concentration.
Et plus le nez busqué du docteur se soulève au rythme des grimaces qui ponctuent sa lecture, plus Noah perd de sa prestance.
Un raclement signale la fin de la lecture.
Le médecin se redresse sur sa chaise et le fixe quelques secondes. Une esquisse de sourire naît, puis meurt aussitôt à la commissure de ses lèvres.
L’heure est au verdict, la respiration de Noah se coupe.
Noah n’aime pas le docteur Walter Henry.
Ce n’est pas en raison des petits raclements de gorge qui émaillent chacune de ses phrases, ou encore pour cette manie qu’il a de balayer son crâne dégarni avec sa paume lorsqu’il cherche ses mots. Même son ton obséquieux le laisse indifférent.
Non, ce qu’il déteste chez ce reptile aux yeux de glace et à la figure vituline, ce sont les nouvelles qu’il apporte. Invariablement mauvaises et dissimulées avec maladresse dans ses propos souvent teintés d’une compassion simulée.
Et là, il attend qu’elles arrivent. Il craint que, phrase après phrase, mot après mot, elles ne le clouent à sa chaise et finissent par le briser.
Pas de cancer, s’il vous plaît, docteur Henry. Pas alors que je me reconstruis autour de Rachel, pas alors que j’ai enfin repris du service et redonné un sens à ma vie.
Et surtout pas avant que je ne l’attrape.
- Mademoiselle Lavallée, si je vous dis Nixon Shock, fin des accords de Bretton Woods et grande inflation, cela vous parle ?
Bien sûr, j’ai étudié l’histoire et l’économie des Etats-Unis à l’université. Le Nixon Shock date de 1971, il a fait du dollar une monnaie fiat en le coupant de son dernier lien avec l’or. L’inflation est venue après sa réélection, en 1972.
Stephen sourit et hoche la tête, comme le ferait un professeur satisfait de la réponse de son élève.
- Bien, car il est important de connaître le contexte économique pour mieux comprendre mon histoire.
Il réajuste ses lunettes d’une pression de l’index et croise les jambes.
- les six premières années de ma vie ont été formidables. Mon père dirigeait une entreprise d’import de produits de luxe – vins, parfums et maroquinerie – en provenance de la France et de l’Italie. Ma mère était une femme fantastique, la maman que tout enfant rêve d’avoir. Imaginez-vous la famille Cadwell comme le parfait cliché américain des années cinquante. Un patriarche travailleur qu’on ne voit qu’à la fin de la semaine et une femme au foyer dévouée qui s’occupe de la cuisine et du ménage. Dans ce contexte, j’avais tout pour m’épanouir. Des parents aimants qui ne s’engueulaient jamais, des week-ends passés avec eux dans les stades, j’avais même une grande salle de jeu où je pouvais accueillir mes amis et un train électrique gigantesque que j’avais construit avec mon père.
Stephen se dirige vers la cuisine et revient avec une boîte à biscuits en métal coincée sous son bras. Il la pose sur la table basse et reprend place dans le divan.
- Désolé, je n’ai rien d’autre à proposer.
- Ce n’est pas grave, je n’ai pas faim de toute façon.
Un mensonge qu’elle regrette aussitôt d’avoir prononcé.
Sophie, évite de mentir à ce type si tu veux avoir des réponses.
Stephen ne relève pas. Il saisit un biscuit dans la boîte et le porte à sa bouche. Il grimace.
- Trop cuit, mais je vais le manger quand même. Je n’aime pas le gâchis.
Sophie affiche un sourire de façade.
Je passe machinalement la main sur mon oreille. La douleur irradie malgré les antalgiques, J'ai échappé au remodelage à la Picasso, mais j'ai récolté l'autoportrait de Van Gogh...
Quand je regarde ce lever de soleil, je me dis qu'on a vraiment merdé quelque part. On avait tout, pourtant. Mais non, il a fallu qu'on finisse par scier la branche sur laquelle on avait posé notre cul.
Je ne vous comprends non plus. La planète crève et vous rêvez de bosser pour une émission à la con?
Quand on a tout perdu, la perspective de la mort n'est plus un frein.
Une fois arrivé à destination, chaque binôme devra alors bâtir un abri à partir de ce qu'ils trouveront sur place. L'épreuve sera terminée à la fin de la construction ou à vingt-deux heures. Un jury jugera ensuite la qualité de votre construction et vous attribuera une note.
Il revoit les petits enfants aux yeux tristesvplonges dans une cuve, il ressent son angoisse lorsque les portes à double battant s'ouvrent et que son regard apeuré se pose sur la croix au centre de la chapelle. Il revit la douleur, les cris, et ressent la morsure des ombres affamées qui sans relâche, dans le vain espoir de combler les profondeurs insondables de leurs abysses, l'ont pillé, lui ôtant ce qu'il avait de plus précieux.
Amy, Richard, lui et même Liam. Quatre trajectoires de vie, quatre destins brisés.
Un brouillard humide et glacial les a enveloppés, a fini par pénétré leur chair, s’est infiltré dans leurs os. Des murmures, des vertiges, une sensation de se faire aspirer par l’intérieur, de ne pas être le bienvenu. Et ils sont partis sans pouvoir expliquer leur malaise ou leur inconfort de manière rationnelle.
Noah n’a aucun doute que les habitants ont dû aussi subir cette pression sourde pendant des mois, d’une manière insidieuse. Il peut aisément deviner ce qui s’est passé.
un drame violent, suffisamment marquant pour laisser une empreinte indélébile, s’est déroulé ici, sur cette propriété. Il ressent ce malaise avec une telle acuité que cela lui glace le sang, compresse sa poitrine et provoque des palpitations cardiaques.
Elle l'intrigue : elle a aligné une rangée de trombones devant elle, et là, elle s'amuse à tendre des élastiques entre ses doigts de squelette.
Il se demande qui elle peut bien être et quel âge elle peut avoir. Tremblay n'a fait aucune présentation pour le moment.
En revanche, il a trouvé un adjectif qui lui convient. Il sort son carnet et griffonne :
« Cachectique ».
Et puis il y a cette inconnue. Cette fille étrange dont il ne peut détacher son regard. On dirait une gamine avec son t-shirt de Metallica trop grand et son bonnet en laine vert qui plaque sa chevelure sur ses oreilles ; elle est d'une extrême maigreur. Mucoviscidose ? Peut-être, ou bien anorexique. Elle l'intrigue
Nous allons déménager. Mon mari va ouvrir un cabinet en province. Nous quittons Paris.
Monsieur Adam martèle sa semelle en hochant la tête. Je décèle quelques tressaillements au niveau de ses zygomatiques.
— Les déménagements peuvent effectivement être une grande source de stress, mais dans votre cas, c’est tout à fait mineur en comparaison avec ce que vous avez subi. Où allez-vous, sans indiscrétion ?
— Dans les Vosges, à Plainfaing.
— Je vois, dit-il les yeux levés vers le plafond couleur crème.
Non. Visiblement pas, si j’en juge son regard absent. Moi-même, j’ignorais l’existence de ce village aux abords du col du Bonhomme, ...
Monsieur Adam secoue lentement la tête.
— Je suis désolé d’évoquer le sujet, je sais que c’est douloureux, mais il faut dénouer ce lien émotionnel.
— Vous avez sans doute raison, mais c’est encore trop tôt pour moi. Pour le somnambulisme, peut-être est-ce dû à mon départ ?
Il laisse s’écouler quelques secondes avant de réagir.
— J’ai peur de ne pas bien comprendre. J’ai certainement dû manquer une étape.
Je frotte mes yeux embués.
Mes mains se crispent sur le tissu râpeux du divan.
Les larmes montent et ma gorge s’étrangle. Plusieurs images refluent de mes souvenirs d’enfance. Je la revois dans une petite robe bleue, chantant devant le miroir de la chambre de mes parents.
— Chez l’adulte, on associe souvent le somnambulisme à la nervosité ou l’anxiété. Enfant, vous deviez certainement avoir des terreurs nocturnes. Je dirais que…
À la façon dont il me fixe, on dirait surtout qu’il cherche à m’hypnotiser.
—… cela peut être dû à votre stress post-traumatique, ou bien à toute autre chose, qu’il nous faudra découvrir. D’ailleurs, vous venez d’évoquer votre sœur pour la première fois. Ce n’est pas anodin.