Cette pensée me brisait le cœur.
Dante roulait sur un chemin de terre, sifflotant une vieille chanson country qui passait à la radio à propos d’une fille qui tapait sur la voiture d’un pauvre gars avec une batte de baseball. Si j’avais été réellement avec lui, je lui aurais demandé de changer de station.
Je regardai par la fenêtre. Je connaissais le coin. Pendant un moment, j’avais cru que nous allions chez Payne. Nous étions en plein territoire McKnight. Mais quelques minutes plus tard, nous étions aux limites de leur propriété, près d’un court de tennis construit par Varick. J’étais passé devant plusieurs fois, mais je ne m’étais jamais arrêtée. Je ne jouais pas au tennis. Mais Scarlett, si. C’est pour ça que je crus un bref instant, que nous nous arrêtions pour la prendre. Puis, je me rendis compte qu’il était plus de vingt-trois heures, un dimanche soir.
Dante gara la voiture, coupa le contact et sortit sur le parking comme quelqu’un d’autre, un peu plus loin. Il me fallut quelques secondes pour identifier la voiture. C’était Payne. Que faisait-il là ?
La seconde d’après, je n’étais plus dans le véhicule, mais tout près de Dante...
Cassie rit.
-Eh bien, tu souris beaucoup plus dernièrement.
Coupant le moteur, il se pencha et embrassa Cassie.
-Parce que, depuis toi, j’ai de quoi être heureux.
Seigneur, quand il disait de telles choses, Cassie faisait tout ce qu’elle pouvait pour ne pas dire à Noah qu’elle tombait amoureuse de lui, mais elle devait résister pour le moment. S’il était nerveux d’être heureux, il paniquerait totalement si elle lui parlait de ses sentiments…
Elle n’avait pas faim, mais elle était déprimée et furieuse, et cela exigeait la garantie de la présence des deux hommes pour l’aider à se sentir mieux : Ben & Jerry.
— C’est un brin démodé, de venir nous demander ta main en premier.
Je restai bouche bée quelques secondes avant que mon grand-père n’éclate de rire.
— Détends-toi, Payne n’a pas demandé ta main ou n’importe quelle partie de ton corps d’ailleurs. Mais je suis content de savoir ce que tu penses de ça.
— Vraiment très marrant.
— Oui, je trouve. Ce que j’essayais de te dire avant que tu fasses ta petite crise paranoïaque à propos du mariage c’est que nous sommes maudits. Tous. Les McKnight et les Blackburn. Tant que les deux familles coexisteront, elles ne trouveront pas la paix. Payne et toi n’êtes pas les premiers à entamer une relation depuis Tristan et Annabelle. Vous ne serez pas les derniers. Mais je voulais te prévenir.
— Merci.
— Mais, poursuivit mon grand-père, je suppose que tu ne m’écouteras pas. Tu es une ado. Suivre les bons conseils est pathologiquement impossible pour toi.
— Tu peux être tellement gentil, papi.
— Je sais, mais tais-toi, veux-tu ? Tu me rappelles ta grand-mère. C’était une femme merveilleuse. Trop bien pour moi. Trop bien pour n’importe quel homme. Je suis désolée que tu n’aies pas pu la rencontrer. Tu l’aurais appréciée
C’était lui. Ce garçon dont je rêvais depuis que j’avais six ans. Il était très présent dans mes songes depuis quelque temps. Comme une chanson à succès. Il m’embrassait. Il me touchait. Nous étions assis sous un très joli saule pleureur et on discutait pendant des heures. Il serait mon premier. Je n’avais jamais embrassé un garçon encore, parce que j’aurais l’impression de le tromper, lui, que je n’avais jamais rencontré et dont je connaissais pourtant chaque centimètre du corps. Intimement.
Tous les hommes ne sont pas ainsi. Mon père ne l’était pas. Je sais que tu ne le seras jamais. Cole a besoin de comprendre qu’être un homme ne rend pas forcément violent.
Parfois, il semble amoureux de moi. Ne me demandez pas comment je le sais, mais son regard est alors plein d’amour et de joie. Tout à l’heure, j’ai fait l’un de ses rêves. Il ne peut pas s’empêcher de me toucher alors. C’est bizarre que je connaisse le moindre centimètre carré de son corps, mais que je n’aie aucune idée de son nom.
Ce qui compte, c’est ce que tu fais maintenant. Il est temps d’avancer. Je n’ai pas besoin que tu me montres ce que tu peux faire, parce que je sais de quoi tu es capable même si toi, tu ne le sais pas. Je pense que tu as besoin de le prouver à ta sœur et à ton neveu. Et clairement, tu as besoin de te le prouver à toi-même.
Je n’ai jamais eu peur des fantômes. Il n’y avait aucune raison. Ils apparaissaient, me parlaient. D’instinct, je savais qu’ils ne me feraient pas de mal. Certains étaient amusants. Ils pouvaient se révéler très gentils. D’autres m’agaçaient prodigieusement, mais ils ne m’ont jamais effrayée.
Certains croient peut-être que communiquer avec des esprits est effrayant. Rien n’est moins vrai. Je n’ai jamais eu peur des fantômes. Je dirais même que j’ai toujours trouvé plus facile de leur parler qu’aux vivants.