LA DAME EN BLEU - Virginie Burner-Lehner
Des médecins, des infirmières, des anesthésistes, venaient nous voir pour me saluer, simplement pour nous connaître. « C’est bien vous qui avez sauvé la vie de votre fille? C’est incroyable, votre histoire ! Quelques minutes en plus, et elle mourait. Vous avez été fantastique ! » (…) Je ne crois pas avoir été fantastique. J’ai écouté mon sixième sens de maman, tout simplement. Si seulement certains médecins écoutaient davantage les mamans et leurs petits patients…
Je me suis résolue à vivre avec la douleur. À ne plus jamais faire de manipulations [chiropracteur], ni de kinésithérapie souvent beaucoup trop violente ou inefficace. Toujours à essayer de m’en sortir par moi-même, en évitant les opiacés que je ne tolérais pas; les morphiniques qui me bloquaient les viscères et me faisaient voir les « éléphants roses », les anti-inflammatoires qui accentuaient les reflux gastriques…
À six ans, j’avais déjà une passion précoce pour la signification et la puissance des mots. (…) La force des mots, la façon dont nous les employons, fait de chacun d’entre nous un être unique. Et j’avais décidé très tôt que les mots seraient ma force, mon vecteur, mon pouvoir d’action.
(…) les handicaps réels qu’affronte quotidiennement une personne atteinte du S.E.D. et qui se bat constamment pour résister à toutes les attaques de la maladie… Son évaluation de la douleur en est totalement faussée, étant donné que le patient ne sait même plus ce que peut être « un corps indolore ». Je pense très sincèrement que lorsqu’un patient atteint du S.E.D. évalue l’intensité de sa douleur, on peut considérer qu’il faut rajouter deux points à son évaluation.
Le S.E.D. est un « champion » de l’isolement. Par la force de certaines situations, vous êtes contraints d’arrêter de travailler, vous ne pouvez même plus assumer les tâches qui relèvent du quotidien. (…) Impossible de venir au travail ou à l’école en faisant mine de rien ou bonne mine.
Notre corps a ses limites. Nos capacités à subir la douleur également. Quelquefois, l’ensemble de votre être dit « stop ».
Je sais que la vie n’a d’autre sens que l’amour qu’on éprouve pour ceux qui tiennent à nous et nous aiment. La vie n’a aucun sens si on vit pour soi-même.
Depuis ses hospitalisations, Bérénice ne dit plus sa douleur. Elle sait qu’il n’y a guère que sa sœur et moi qui comprenons ce qu’elle endure.
Il procède alors à la description de cette maladie, de son mode de transmission qui est autosomique dominant et à sa conviction que nous en étions atteintes, chacune avec des « expressions » certes différentes et des « dominantes » variant de l’une à l’autre, mais que le degré « d’imprégnation » génétique n’était pas le même chez chacune d’entre nous.
Quelque chose ne va pas chez nous. Pourquoi le diagnostic n’est-il jamais « clair et net »? On en arrive à envier les personnes qui savent qu’elles ont une maladie, même grave, mais qui savent comment se faire traiter.