Citations de Virginie DeChamplain (70)
Valeureuse descendante de ces femmes-fleuves, j’ai des souvenirs qui m’appartiennent pas.
« Je cherche ma mère ma grand mère ma galaxie de femmes. Éparpillées dans le monde, j’essaie de les retracer«
Comment on fait pour s'évader quand
on est déjà à l'autre bout du monde ?
J'ai l'automne à l'envers/ En dedans au lieu d'en dehors
Ils savaient déjà qu'on avait de la visite. Je sais pas par où ça s'est ébruité, mais probablement que tout le village est déjà au courant. Probablement que ça interrogé, que ça se nourrit de cet éclat de mystère dans la monotonie des jours comme des mouches autour d'une carcasse.
Je me secoue. Maintenant la vie est ici. Dans cette craque en dehors du temps où j'habite avec Marco et Django, mon chien. Et un chat qui vient et repart quand il veut. Un chat venteux, un chat-tempête avec un oeil en cicatrice. Marco l'appelle Sac à puces. Il le menace du bout du gun quand il miaule tard des fois le soir. Mais je sais qu'il tirera jamais. Moi je l'appelle rien parce qu'il appartient à personne.
On nomme pas les choses qui nous appartiennent pas.
(pp.11-12)
Quand je crois que ça va mieux, ça recommence à aller mal. Y’a toujours quelque chose qui brise plus creux ou qui me pousse à m’enfuir.
Je la déshabille en l’embrassant. Blanche comme la lune dans mon salon. Je sais pas quoi faire elle. Avec son corps devant moi. J’ai le goût de pleurer tellement elle est belle. J’ai peur de la briser, de casser son visage d’oiseau et ses bras en porcelaine. J’ai envie de la laver. De la plonger dans un bain, dans le fleuve, de brosser la suie noire qui s’accroche à elle. Dans les plis de sa peau qui sont à moi. On respire en même temps. Nos souffles la même buée. La même brume.
Sa voix rauque.
- Touche-moi
Elle prend mes mains, les dépose sur ses hanches, les fait glisser jusqu’à ses seins jusqu’entre ses cuisses.
- Touche-moi. Touche-moi touche-moi touche-moi…
Je ferme les yeux dans son cou qui sent la boucane, l’emmène dans mon lit.
Les femmes de ma vie. On se succède sans se voir,comme des ombres qui courent devant les miroirs’ sacrent des coups de poing dedans et continuent leur route pour voir le monde.
Je regarde Ana. Ses yeux de feux de forêt. De rivières qui sont sorties de leur lit. Ses cheveux toujours mêlés. Ses mains qui tremblent subtilement. Je regarde les fêlures dans sa façade, cette façon qu’elle a de marcher avec les épaules trop droites. Comme si elle y pensait à chaque pas.
Ma mère était rentrée à la maison pour lui dire qu’elle était enceinte de moi. À la place, elle l’a trouvée morte sur la galerie. On aura partagé ça. La mort et la vie. Quelques mois à exister en même temps. Faut croire qu’on est de même, les femmes de la famille. On arrive pas à être ensemble
JE PENSE QUE JE SUIS BRISÉE.
J’ai l’automne à l’envers. En dedans au lieu d’en dehors. Humide, tiède dans le creux des joues. Du vent qui craque dans la cage thoracique.
C’est octobre.
Ma mère est morte et je n’ai pas encore pleuré.
« Je me réveille tous les matins essoufflée, essoufflée d’avoir tant couru et rien rêvé». (p. 67)
des fois j'aimerais ça me rappeler des choses que je me rappelle pas. Comme ma naissance. . La première chose que j'ai vue. La première chose qui m'a fait rire. qui m'a fait pleurer pour vrai. La première fois que j'ai eu mal. j'aimerais ça aussi avoir une photo mentale de moi pendant des moments importants pour pouvoir me les rappeler quand je vais être vieille.
Je prends pas la peine de me souvenir de moi.
Les cendres s’envolent dans le vent du nord, retombent sur les vagues. Si tout va bien, elles iront faire le tour du monde avant de revenir s’échouer ici.
Où tout nous ramène toujours.
JE DORS. Des heures et des jours et des heures et des jours encore. Le soleil se lève jamais et moi non plus. Je stagne. Je m’enracine. Dans le dortoir de l’auberge de jeunesse. Je dors pour dessoûler du décalage de ma mère du vent du froid de l’odeur de poisson. Je dors ensevelie sous la terre noire et la lave. Je dors silencieuse insensible aux gens aux saisons qui passent. Je me réveille des fois quand la pluie cogne dans la fenêtre à côté de ma tête, quand un employé de l’auberge vient me secouer pour voir si je suis encore en vie. J’ai perdu la notion du temps de la faim des fuseaux horaires. Je nage dans un sommeil sans rêve, un sommeil de fantôme, jusqu’à me fondre dans les draps. Jusqu’à ce que j’aie assez dormi pour des mois. Des années.
Raser tout comme après une pandémie, pour être sûr que ça revienne pas.
J’ai l’automne à l’envers. En dedans au lieu d’en dehors.
Humide, tiède, dans le creux des joues. Du vent qui craque dans la cage thoracique.
C’est octobre.
Ma mère est morte et j’ai pas encore pleuré.
J'appartiens à rien. A personne à nulle part.
La vie est ailleurs, mais je suis ici à surveiller tes rêves et j'ai envie de crier. De t'arracher de mes jupes et de te laisser là. De courir vers où la vie et le reste du monde vont.