Pétersbourg
Aux malheurs pitoyables et monocordes
Tous s’adonnaient, à en être hébétés.
Moi seul, tentation mi-vivante encore,
J’errais parmi les tourmentés.
Les yeux tournés vers moi, ils oubliaient
Jusqu’à l’effervescence des théières.
Plaquées au poêle les bottes de feutre brûlaient,
Tous m’écoutaient lire mes vers.
Alors, dans la nuit de la tombe russe,
Je voyais une messagère en fleurs,
Et j’entendais la mélodie des muses
Dans les vents d’atroce fureur.
Tel un dément, en proie à mes visions,
J’allais à travers le canal glacé
Et, traînant un hareng nauséabond,
Glissais sur des marches brisées.
Passé le poème à travers la prose
Et tordu chaque vers le plus lyrique,
J’ai pu classiquement greffer une rose
Sur le sauvageon soviétique.
1926
/ traduit du russe par Henri Abril