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Citation de chris49


Le premier indice d’un processus qui aboutit à la chute de la narration est le développement du roman au début des Temps modernes. Ce qui distingue le roman de la narration (et du genre épique au sens restreint), c’est ce fait qu'il dépend essentiellement du livre. Le roman ne peut se propager qu’à partir du moment où l’imprimerie est inventée. La tradition orale – héritage du genre épique – est autrement constituée que ce qui fait le fond du roman. Ce qui oppose le roman à toute autre forme de prose et avant tout à la narration, c'est qu'il ne procède pas de la tradition orale et ne saurait la rejoindre.
Ce que le narrateur raconte, il le tient de l'expérience, de la sienne propre ou d'une expérience communiquée. Et à son tour il en fait l'expérience de ceux qui écoutent son histoire. Le romancier, par contre, s'est confiné dans son isolement. Le roman s'est élaboré dans les profondeurs de l'individu solitaire, qui n'est plus capable de se prononcer de façon pertinente sur ce qui lui tient le plus à cœur, qui est lui-même privé de conseil et ne saurait en donner.
Le roman révèle la situation d’un homme qui ne reçoit ni ne donne aucun conseil. Écrire un roman, c'est faire ressortir par tous les moyens ce qu'il y a d'incommensurable dans la vie. Dans l'abondance même de la vie et par la représentation de cette abondance, le roman révèle la profonde aboulie du vivant. La première grande œuvre du genre, Don Quichotte, nous montre d'emblée comment la grandeur d’âme, l'audace, la serviabilité de l'homme le plus noble sont entièrement dénuées de bon conseil et ne contiennent pas la moindre étincelle de sagesse.

Le narrateur - V
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