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4.04/5 (sur 12 notes)

Biographie :

Wilfried Lignier, sociologue, est chargé de recherche au CNRS (CESSP, Paris). Il a notamment publié La Petite Noblesse de l’intelligence (La Découverte, 2012) et, avec Julie Pagis, L’Enfance de l’ordre (Seuil, 2017).

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Rencontre avec Wilfried Lignier autour de la société est en nous. Comment le monde social engendre des individus paru aux éditions du Seuil. Rencontre organisée avec Sciences Po Toulouse et animée par Éric Darras Wilfried Lignier est chargé de recherche au CNRS (CESSP, Paris). Il a notamment publié La Petite Noblesse de l'intelligence (La Découverte, 2012) . Au Seuil, il a publié L'Enfance de l'ordre (2017, avec Julie Pagis) ainsi que Prendre. Naissance d'une pratique sociale élémentaire (2019). -- 18/01/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER

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[sur la musique]

La racialisation de l’habitus repose ainsi en partie sur cette logique sociale qui associe les habitudes objectivement variées des groupes sociaux, leur hiérarchisation du fait de la domination symbolique et matérielle réalisée par les groupes sociaux majoritaires, et finalement l’inégalité des expériences quotidiennes, sociogénétiquement décisives, qui en découle pour les membres de chacun de ces groupes. Cette logique sociale se perpétue aux âges plus avancés.

On peut prendre l’exemple des pratiques musicales, dans l’adolescence et la jeunesse – ce qui est, du reste, une occasion de saisir la racialisation dans son versant plus immédiatement symbolique. À partir du début du XXe siècle, la musique s’est historiquement organisée suivant une opposition majeure entre musiques noires (plutôt dansantes, rythmées, authentiques, « actuelles ») et musiques blanches (plutôt introspectives, mélodiques, sophistiquées, « classiques »). Aujourd’hui, dans nombre de sociétés, le lien entre appartenance ethnoraciale et tendances musicales est puissant, à tel point qu’il s’avère possible, d’après certaines études expérimentales, de deviner la couleur de peau (autodéclarée) d’un auditeur anonyme à partir des seules informations sur les morceaux qu’il écoute. La musique est donc racialement structurée ; et c’est pour cette raison qu’elle s’avère racialement structurante. Il ne suffit pas de dire, par exemple, que « Radiohead est un truc de Blancs » (ou Pink Floyd, ou Orelsan). Il faudrait plus justement dire que c’est en écoutant à longueur de journée ce genre racialement distinctif de musique (ou son équivalent structural, dans une autre société, à une autre époque) que des adolescents et des jeunes deviennent blancs, ou du moins contribuent pratiquement à se générer comme tels. Cela est vrai non seulement parce que, comme on le sait, les goûts, les choix esthétiques sont au fondement de la distinction des groupes entre eux, ici ethnoraciaux, mais aussi parce que les pratiques culturelles exprimées dans l’interaction contribuent au renforcement des liens internes, au sein de chaque groupe distingué (ici, entre Blancs). Concrètement, connaître Radiohead, avoir envie d’en discuter, d’en écouter avec d’autres, oriente tendanciellement vers des sociabilités blanches (et sans doute aussi vers les adolescents et les jeunes des classes moyennes). Mais il y a plus : ce genre de musique contribue à entretenir ou à engendrer, comme c’est toujours le cas, des dispositions plus générales, non strictement musicales. La blanchité que Pink Floyd, Radiohead, Orelsan soutiennent en nous, c’est aussi possiblement une façon de s’habiller et de se coiffer (comme les membres – blancs – du groupe, pourquoi pas ?), une façon d’aimer (avec une tendance au romantisme), ou encore de se positionner politiquement (un engagement minimal faisant partie des propriétés de base de ces styles musicaux, comme il a pu l’être du free jazz à une époque antérieure). Là encore, ce n’est pas qu’une différence de style – musical, esthétique, moral, politique – qui s’élabore, mais une hiérarchie. Que les uns aient le sentiment de toucher au subtil et au sublime en écoutant telle musique implique structuralement qu’ils renvoient les autres au simplisme, à la vulgarité.
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L’habituation sociale a pour partie des sources anciennes et diffuses. On peine alors à l’associer à des activités situées dans le temps et dans l’espace. Il s’agit plutôt de choses que nous pensons, que nous faisons, parce qu’« on » les pense, les fait, en général, par défaut, sans s’en rendre compte, dans notre société ou dans notre groupe social particulier. On peut parler d’habituation institutionnelle. C’est, pour reprendre l’exemple du premier chapitre, cette habituation qui nous fait penser spontanément au marteau lorsqu’on nous demande de citer un outil. Pour qu’il en soit ainsi, nous n’avons pas nécessairement été en contact récurrent avec des lots d’outils, parmi lesquels se trouvaient très souvent (plus souvent) des marteaux ; ou encore, nous n’avons pas nécessairement utilisé (ou vu utiliser) un marteau chacune des fois où nous avons pu être engagé dans du bricolage (même si cela est possible et contribue alors aussi à notre habituation). C’est beaucoup plus sûrement l’exposition diffuse et constante à des institutions qui a des effets d’habituation sur nous : la multitude de marteaux rendus présents, par exemple, par le langage du quotidien, les histoires, les représentations imagées, les chansons en circulation dans le monde qui est le nôtre, etc. Sur Google, que l’on peut par extrême simplification tenir pour une image déformée de l’univers symbolique institué, l’entrée « marteau » donne environ 20 millions de résultats, soit bien plus, par exemple, que l’entrée « tenaille » (environ 1 million de résultats) – un outil auquel on pense, de fait, moins spontanément. Dans ces résultats, il y a des usages métaphoriques, figurés (« Être complètement marteau »), qui, comme dans la vie quotidienne, contribuent encore à faire exister davantage en nous cet outil-là plutôt qu’un autre. Ce qui s’institue avec une chose (ici, un outil remarquable), ce n’est du reste peut-être pas tant une matière et une forme singulière (la composition de bois et de métal qui fait le marteau) ou même une activité spécifique (taper pour enfoncer, dans le cadre précis du bricolage), qu’un schème d’action (« marteler » au sens large, ce qui se fait autant avec un clou qu’avec une idée) – schème abstrait et générique qui peut être métaphoriquement transposé à un grand nombre de contextes pratiques.

L’habituation institutionnelle passe par notre mise en relation répétée, durable, souvent peu consciente, avec des réalités principalement abstraites et symboliques, quand bien même elles peuvent se présenter sous des formes plus cristallisées (images, sons, objets, etc.). Cette mise en relation est presque toujours fortement contrainte. Il est impossible que nous circulions de façon entièrement libre dans l’univers d’institutions légué par l’histoire collective : non pas seulement parce que l’on ne connaît toujours, de toute façon, qu’une petite partie de sa propre culture, mais aussi et surtout parce que notre habituation institutionnelle est objectivement réglée, voire dûment régulée.
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Ces enjeux pratiques sont de première importance dans le travail quotidien de « civilisation des corps » enfantins. Ils s’observent dans toutes les sociétés, et a fortiori dans toutes les familles, même si les buts précis visés sont variables : d’une façon ou d’une autre, les enfants, notamment les plus jeunes, sont constamment invités à faire la différence entre le sale et le propre, le sain et le malsain, le beau et le « moche », etc., et à agir, dans la pratique, en fonction de ces distinctions – éviter de se salir, ne pas s’exposer aux maladies, se présenter physiquement sous un jour favorable ou du moins acceptable, etc..
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Plutôt que de conclure au penchant réactionnaire des enfants ou de s’en étonner, on devrait se demander, au contraire, comment ces derniers pourraient être critiques ou méfiants envers un pouvoir et des autorités politiques en place, alors que le respect de l’autorité (parentale) est quotidiennement valorisé, que les enfants son récompensés quand ils s’en tiennent à l’ordre (familial, scolaire) et sanctionnés lorsqu’ils en viennent à le subvertir
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Notre intériorité, d’abord, est pour Bourdieu un habitus, c’est-à-dire un ensemble systématique de dispositions à agir d’une certaine façon plutôt que d’une autre. Ces dispositions correspondent davantage à des formes, des schèmes d’action, qu’à des types d’activités ou à des buts spécifiques. Cela leur permet d’opérer dans des contextes très variés, y compris dans des contextes inconnus.
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Tout l’enjeu d’une langue sociologique de l’intériorité consiste à spécifier ces interactions et ces institutions qui nous font ; à comprendre leur nature, leurs origines, leurs orientations relatives, leurs formes et leur efficacité respectives. Le questionnement s’affine.
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Wilfried : Maïa, tu savais à quoi ça renvoyait « gauche », « droite » [dans le questionnaire] ?
Maïa : Non.
Wilfried : Du coup, t’avais répondu quoi ?
Maïa : La droite.
Wilfried : Pour toi, tu veux dire ce que tu préfères ?
Maïa : Parce que je suis droitière.
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Le livre défend une thèse centrale. A l’origine des perceptions enfantines de l’ordre social, nous plaçons un phénomène de recyclage symbolique. Il consiste en un déplacement – socialement différentié – des schèmes de division et de hiérarchisation imposés aux enfants dans les contextes pratiques qu’ils connaissent le mieux (la vie domestique, la vie scolaire, la vie entre pairs), vers des domaines de la pratique qu’ils doivent davantage découvrir, dans lesquels ils sont moins directement engagés, et donc dans lesquels il leur appartient de se repérer
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Nous avons étudié la socialisation des subjectivités enfantines en nous centrant sur les enfants eux-mêmes. Mais ces enfants ne sont pas considérés dans notre recherche comme un point d’aboutissement ; notre but n’est pas prioritairement de restituer les points de vue enfantins ou, pire, le point de vue de l’Enfant sur la société. Les enfants sont au contraire pour nous un point de départ, à la fois méthodologique et théorique. Ce qu’ils disent et ce qu’ils pensent nous intéresse dans la mesure où il s’avère possible d’en proposer une genèse sociale
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Nous nous posons quant à nous le problème de façon ouverte : dans quelle mesure et comment les enfants parviennent-ils, au fil de leur vie quotidienne, à appréhender l’ordre social dans ses diverses dimensions, à s’y orienter, à classer et à se classer socialement ? Quels sont les moyens de classer dont les enfants disposent, quels critères privilégient-ils, quelles logiques de classement emploient-ils – et d’où peuvent-ils bien tenir tout cela ?
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