J’ai beaucoup apprécié ce roman à la construction particulière. Nous avons en effet une alternance entre des scènes issues d’une audience du grand jury, lors de laquelle Andy est interrogé en tant que témoins par le procureur, Neal Logiudice (qu’il a lui-même formé), et les souvenirs d’Andy depuis le meurtre, jusqu’à la conclusion du procès. Il revient également sur son propre passé. Lorsqu’il relate ses souvenirs, il se montre tout à fait sincère, lors de l’audience un peu moins.
Quoi qu’il en soit, cette construction permet de lever le voile petit à petit sur ce meurtre et les preuves qui l’entourent. Pourtant, les choses ne s’éclairent pas pour autant, et les doutes sont de plus en plus importants. Personnellement, j’ai été totalement sous tension, happée par ce mystère et aux prises avec mes doutes, essayant de me forger mon intime conviction. Autant vous le dire, je n’y suis pas parvenue, et la fin du roman ne nous apporte aucune certitude. En tout cas, cette fin est très forte, une vraie claque, je n’ai rien vu venir. Préparez-vous à être remué !
Ce roman laisse un peu de côté l’accusé, Jacob. Je l’ai parfois regretté, j’aurais aimé que l’on aille un peu plus loin dans l’ébauche de sa psychologie, le comprendre un peu mieux. Mais adopter uniquement le point de vue du père est un parti pris de l’auteur, et il fonctionne. Ce n’est pas l’histoire d’un accusé, mais l’histoire d’un père face à l’accusation de son fils, mené par une foi inébranlable dans ce dernier.
Un père qui, de plus, maîtrise les rouages de la justice (tout comme l'auteur, qui a été procureur) et les met en lumière pour nous. C’est un aspect vraiment très intéressant du roman, qui nous fait réfléchir sur le fonctionnement du système judiciaire américain, dans lequel les enquêtes se font uniquement à charge, et où l’accusé n’a pas droit à la parole. On frissonne devant la faillibilité de ce système, quand on sait qu’un certain nombre d’Etats condamnent à mort (mais pas le Massachussetts dont il est question ici).
Le personnage d’Andy est au cœur du roman, il le porte sur ses épaules. C’est un personnage qui m’a été rapidement très sympathique, un cinquantenaire très attaché à sa famille. Par instinct paternel, il n’hésite pas à renier certains principes de son métier, à se mettre en danger. Quelqu’un qui fait des erreurs, mais qui les assume, un être humain. Il a aussi un côté sombre, portant un héritage familial qu’il n’assume pas, il lui fait pourtant face au nom de son fils.
Jacob reste extrêmement énigmatique à nos yeux. Il y a un très intéressant passage psychologique à son sujet, mais l’auteur n’ira pas plus loin, et le lecteur ne peut pas prétendre savoir qui est cet adolescent, tout comme ses propres parents n’y parviennent pas. Il reste à nos yeux fascinant et mystérieux, et jamais le doute ne sera levé à son sujet. Quant à Laurie, c’est une femme meurtrie, qui dépérit sous les yeux de son mari. Contrairement à ce dernier, elle est sujette au doute, qu’elle peine à surmonter. J’ai peiné à m’attacher à elle, contrairement à son mari.
L’écriture de l’auteur est agréable, il nous fait très facilement entrer dans la tête de son personnage. Il alterne les dialogues, les interrogatoires, les descriptions et les passages narratifs, dans un bon équilibre. Il maîtrise sa narration, manie le suspense, maintient la tension, et instille parfois une petite dose d’humour bienvenue. C’est un roman très dense, 445 pages dans une police plutôt petite, et pourtant, cela passe bien, les pages se tournent avec aisance.
Ainsi, j’ai beaucoup apprécié ce polar très prenant dont j’ai tourné les pages de plus en plus vite, j’ai eu du mal à le lâcher. J’ai été touchée par cette figure de père jusqu’au-boutiste, et j’ai apprécié cette plongée au cœur du système judiciaire américain. Je ne peux donc que vous conseiller ce titre, en espérant que vous l’apprécierez tout autant que moi !
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