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Critiques de William Schnabel (3)
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Lovecraft : Histoire d'un gentleman raciste

Il a été compliqué pendant très longtemps de trouver des travaux en français sur Lovecraft, je crois l'avoir déjà mentionné ailleurs. Le livre de Maurice Lévy, qui n'est plus édité, est quasiment introuvable, et c'est seulement depuis quelques années que ça commence à bouger dans l'édition française - chez ActuSF, pour être plus précise -, notamment avec la traduction de l'énorme biographie de Lovecraft de 2013 par T.S. Joshi, chercheur qui est devenu la référence absolue sur Lovecraft. Quelques autres ouvrages sont sortis, mais le corpus reste peu étoffé, aussi faut-il se rabattre sur ce qu'on trouve. Ma bibliothèque municipale disposant d'un livre intitulé Lovecraft : histoire d'un gentleman raciste, je me suis dit que le titre était probablement un chouïa racoleur, mais que le livre en question devait étudier Lovecraft de façon plus générale que sous l'angle du racisme. Pour une fois, j'aurais dû lire la quatrième de couverture... Bref, quand j'ouvre le livre, je découvre un premier chapitre intitulé "Qu'est-ce que le racisme". Là, je me dis que l'auteur me prend vaguement pour une conne. Second chapitre : "Comment devenir raciste". Troisième chapitre : "Lovecraft le raciste". Quatrième et dernier chapitre : "Racisme et fiction". Je suis étonnée que William Schnabel n'ait pas trouvé moyen d'ajouter "racisme" dans l'intitulé de la conclusion, mais en fait elle s'appelle juste "Conclusion", à mon grand désarroi. Et donc, je me dis que ce livre va à tous les coups me poser un gros problème, vu qu'étudier Lovecraft uniquement à l'aulne de son racisme (racisme avéré, soyons clairs), ben c'est pas très pertinent. C'est un truc qui m'agace tout le temps à propos de Barbey d'Aurevilly : on sait pas quoi dire de bien intéressant, et on se rabat joyeusement sur son catholicisme (alors qu'il a écrit des trucs absolument intolérables pour l'Église catholique, ce qui lui a d'ailleurs valu de gros soucis) et sur son royalisme. Oui mais non. C'est pas comme ça qu'on étudie l'œuvre de qui que ce soit. Et c'est moi qui suis plus républicaine que bien des critiques, et athée contrairement à pas mal d'entre eux, qui me sens obligée mettre les points sur les i ! Passons.





Et ce qui devait arriver arriva : ce livre s'est révélé inintéressant, parce qu'éminemment partial, que l'auteur a choisi de se coller des œillères, et qu'il opte pour une méthodologie extrêmement douteuse. Cela dit, ça fait un bon diptyque avec un autre ouvrage plus que médiocre que j'ai lu il y a des années - H.P. Lovecraft, le dieu silencieux, pour ne pas le nommer - et qui se terminait en une sorte de gros délire raciste. Je considère désormais que la boucle est bouclée, et que les deux versants de la critique lovecraftienne obsédée par le racisme ont été escaladés par mes soins - non sans souffrance, notez bien. Et voilà qu'à présent, il va me falloir expliquer tout ce qui ne colle pas dans ce bouquin de William Schnabel qui ne m'a rien appris, sinon que William Schnabel n'est pas un universitaire sérieux. Malheureusement, ce n'est pas le premier ouvrage éminemment médiocre écrit par un universitaire que je dois me farcir, ce qui constitue à mes yeux un énorme problème. Là encore, passons.





En gros, cet essai repose sur le postulat suivant : les écrivains sont bourrés de frustrations, de désirs et de fantasmes (bref, ils sont comme tout le monde) qu'ils transposent dans leurs textes, ce qu'on peut prouver par la biographie (là, ça devient très douteux, et encore, vous ne savez pas le nom du premier auteur cité pour appuyer cette affirmation ; préparez-vous à un choc), Lovecraft n'échappant pas à la règle. Par conséquent, Lovecraft qui était raciste (ça ,au moins, on sait que c'est vrai)... n'a écrit que pour faire partager ses thèses racistes avec le public. Et voilà comment, en moins de 100 pages, on vide quasiment entièrement l'œuvre d'un écrivain de son contenu. Et à présent, je ne peux plus dire "Mais passons". Premier auteur qui se prêterait parfaitement à ce type d'analyse, pour le côté frustration/biographie : Shakespeare, je vous le donne en mille. Alors qu'il est bien connu, quand on s'intéresse un minimum à Shakespeare, qu'on sait justement peu de choses sur sa biographie. Et pourquoi citer Shakespeare ? Et pourquoi d'ailleurs cette histoire de rapports entre frustration et création ? Parce que Freud l'a écrit. Loin de moi l'idée de faire mon Michel Onfray et de cracher sur Freud, fondateur de la psychanalyse, ce qui n'est tout de même pas rien. Ce n'est pas pour autant que je considère que tout ce qu'a écrit Freud est forcément parole d'Évangile, et ce d'autant moins qu'il m'est arrivé de lire des textes de lui où il se montrait d'une mauvaise foi agaçante (cela dit, je ne suis pas une grande connaisseuse de Freud, loin s'en faut).





Le gros problème qui va se poser après quelques extraits de citations de Freud, c'est que Schnabel va nous faire de la psychanalyse à la petite semaine tout le long du bouquin. Or, si utiliser la psychanalyse comme prisme pour l'étude d'œuvres littéraires peut s'avérer intéressant, ça demande un minimum de délicatesse. Et utiliser la psychanalyse pour l'appliquer à l'étude de la biographie d'un écrivain, mort de surcroît (notamment afin de diagnostiquer une ou plusieurs pathologies), ça devient carrément périlleux, quand on ne tombe pas carrément dans le foutage de gueule. Chez Schnabel, on est dans le foutage de gueule (déjà, il n'est pas absolument pas psychanalyste), vu qu'il va jusqu'à se servir de citations de psychanalystes comme si elles étaient appliquées à Lovecraft, alors qu'à l'origine elles ne concernaient absolument pas Lovecraft. Pour une idée générale de la façon dont Schnabel manipule le discours psychanalytique, voici un exemple qui me paraît assez parlant. Il concerne la description des habitants d'Innsmouth dans une nouvelle extrêmement célèbre, habitants aux allures visqueuses et qui ont en gros des têtes de poissons, "ultime horreur, car Lovecraft abhorrait le poisson et les fruits de mer, symboles sexuels pour les freudiens." (p.83) Alors déjà, le coup du coquillage comme symbole sexuel, ça remonte à pas mal de siècles ; ensuite, le coup de la métaphore sexuelle, qui tendrait à démontrer que Lovecraft détestait le sexe (c'est dit encore ailleurs avec beaucoup de subtilité), non seulement c'est un cliché désolant, non seulement on s'en foutrait royalement si c'était prouvé (et ça ne l'est pas), mais en plus ça n'a aucun rapport avec le racisme de Lovecraft dans ses textes de fiction, ce qui est tout de même le sujet du chapitre et du paragraphe. J'ai un autre exemple en tête, mais comme je n'avais pas assez de marque-pages pour tous les passages problématiques du livre, je n'arrive pas à le retrouver. En tout cas, il y est question de Freud, de phallus (comme c'est original !) et des frustrations de Lovecraft. Allez, la suite (parce qu'on n'a pas fini...) !





Au-delà de cette pseudo-psychanalyse employée par Schnabel (ce qui est déjà pas mal), l'ouvrage est bourré de divagations, d'affirmations non étayées et de répétitions sur le thème "Lovecraft était raciste" (au cas où on n'aurait pas compris que c'est le sujet, parce qu'on est trop bêtes). Je n'ai pas commencé par là, mais dans le premier chapitre, Schnabel nous explique ce qu'est le racisme. Le nazisme, c'est le racisme, le fascisme, c'est le racisme, les guerres bosniaques, c'est le racisme, l'oppression des Palestiniens par les Israéliens, c'est le racisme, et le capitalisme - même si Schnabel n'écrit pas le mot, pour une raison qu'on verra plus tard -, c'est le racisme (j'ai dû oublier deux ou trois trucs en passant). Du coup, j'ai envie de dire que le racisme, c'est un peu tout ce qui nous passe sous la main. Il précise tout de même, en disant que le racisme, c'est la haine de l'autre : bonjour la révélation ! À partir de là, toute la méthodologie déployée est forcément douteuse. William Schnabel ne va pas s'encombrer d'objectivité, ni du moindre sérieux. Ainsi, il dit que Lovecraft considérait ses lecteurs comme des gens cultivés, ce qui me paraît extrêmement discutable (mais il faudrait étudier la chose de près), vu que Lovecraft avait pas mal de mépris pour les pulps dans lesquels étaient publiées ses nouvelles (car il n'a jamais été publié en recueil de son vivant), et, il me semble, pour le lectorat de ces mêmes magazines. Donc je doute fort qu'il ait pris la majorité de ses lecteurs pour des érudits... Lorsqu'il est question de l'admiration que Lovecraft vouait à Hitler - on a effectivement des lettres de Lovecraft qui disent son admiration pour Hitler, mais il y en a d'autres, plus tardives, où ce qu'il dit sur Hitler est très différent -, aucune citation de Lovecraft en vue. Schnabel nous dit bien ce qu'on doit penser plutôt que de le citer : quand Lovecraft dit qu'il admire Hitler, c'est vrai, quand il dit plus tard que Hitler est abominable, on ne doit pas le croire. Même chose pour tout ce qui tempère les tendances les plus désagréables de Lovecraft dans sa correspondance : on doit croire qu'il est atrocement raciste (ce qu'il est, faut pas non plus se cacher les choses) quand il l'écrit à Untel, mais ne pas le croire quand il se met à changer de ton quelques années plus tard avec quelqu'un d'autre (comme Robert Howard, j'imagine, qui était un peu l'inverse de Lovecraft et qui a beaucoup correspondu avec lui).





Et il est très choquant de voir que William Schnabel ne s'appuie que sur des citations traduites en français (si j'avais fait ça en fac, je me serais fait massacrer par mes profs), et que, pire, il va citer "le mythe de Cthulhu" comme "l'œuvre mythique" de Lovecraft, alors que la nouvelle en question s'intitule en français L'appel de Cthulhu (n'importe qui sait ça), traduction littérale de The Call of Cthulhu, et que le fameux "mythe de Cthulhu" est une pure invention d'August Derleth, qui a publié Lovecraft après sa mort et, disons, réorganisé les textes de Lovecraft afin de les maintenir dans trois thématiques qui lui convenaient, mais qui posent de gros soucis pour la lecture de Lovecraft. De même, comment peut-on parler du cycle dit dunsanien de Lovecraft (ou cycle du rêve) en s'appuyant sur un recueil français dont certaines nouvelles sont illisibles tant la traduction est atroce, comment peut-on s'appuyer sur un recueil qui n'a jamais été du fait de Lovecraft mais d'un éditeur français, recueil en sus justement célèbre pour cette horrible traduction (c'est un cas d'école) ? Comment peut-on dire à l'envi que Lovecraft était raciste tout comme la plupart de ses autres concitoyens (et que je te parle du racisme aux États-Unis, comme si on n'était pas au courant - ah mais oui, c'est vrai qu'on est idiots, j'avais oublié), puis affirmer sans sourciller que ces mêmes citoyens étaient en revanche très attachés à la démocratie (d'où les lois racistes de l'époque, j'imagine) et dont la pensée n'avait strictement rien à voir avec l'idéologie nazie (d'où, évidemment, toutes les études d'historiens qui ont démontré l'inverse), et donc que Lovecraft se démarquaient complètement d'eux ?





En sus de tout ça, il y a des sujets que William Schnabel aborde de façon confuse, voire douteuse, et qui m'ont mise mal à l'aise parce qu'il n'y a pas moyen de savoir ce que l'auteur en pense vraiment. C'est le cas de Darwin et de sa théorie de l'évolution, ou encore de Nietzsche, qui sont cités de façon floue, ce qui pousse à les assimiler plus ou moins au racisme ou au nazisme. Idem pour l'athéisme ou l'anticapitalisme de Lovecraft, qui donnent la vague impression d'être considérés comme quelque chose de mauvais par Schnabel, alors qu'il a conspué le capitalisme dès le début de son livre, mais sans le nommer. Ce qui est beaucoup plus clair, en revanche, c'est que pour William Schnabel, on ne doit lire Lovecraft qu'avec l'intention de débusquer son racisme (comme s'il fallait faire des efforts pour ça ; faudrait vraiment être à la masse pour ne pas comprendre, en lisant les nouvelles de Lovecraft, qu'il était raciste). On ne doit voir dans les nouvelles et les romans de Lovecraft qu'un message raciste qu'il tient absolument à faire passer. En gros, toute la fiction de Lovecraft tient en un message, qui correspond au seul élément de programme du Rassemblement national : "Halte à l'immigration !" D'où les quelques exemples de nouvelles dont se sert Schnabel, en oubliant L'appel de Cthulhu, La couleur tombée du ciel, La quête onirique de Kadath, Les rats dans les murs, La musique d'Erich Zann, L'étrange maison haute dans la brume, et j'en passe. En oubliant des personnages emblématiques comme Cthulhu ou Nyarlathotep ! Du coup, oui, des nouvelles comme Horreur à Red Hook et La rue (la nouvelle la plus ouvertement raciste de Lovecraft que vous pourrez lire) conviennent très bien à ce que William Schnabel veut montrer, à savoir que Lovecraft était raciste. Sauf que choisir les quelques fictions les plus médiocres (et La rue est d'une rare médiocrité) d'un auteur, c'est déjà peu pertinent pour l'étudier. Et en choisir deux autres, parmi les meilleures, pour n'en tirer qu'une conclusion elle-même médiocre (sans réel argument pour ce qui est des Montagnes hallucinées et avec un argument que Christophe Thill a, lui, remis en cause pour ce qui est du Cauchemar d'Innsmouth), à savoir que Lovecraft était raciste, c'est se foutre de la tronche des lecteurs. Oui, Lovecraft était raciste. Et après ? Une fois qu'on a dit ça, on n'a pas dit grand-chose.





Ce que je conserve de la lecture de cet essai, c'est l'idée que William Schnabel, pour des raisons qui lui appartiennent, déteste Lovecraft et cherche à en dégoûter les autres, en s'asseyant sur toute méthodologie sérieuse ; je trouve ça absolument incompréhensible. Le pire, pour moi qui m'intéresse depuis des années aux thématiques de la dégénérescence et de l'hybridation dans les arts plastiques et dans la littérature, c'est qu'il y avait un vrai sujet à traiter. Mais pour ça, ça supposerait de remonter à la peur du métissage chez Delacroix ou chez Cordier, par exemple, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le racisme. Ça supposerait de s'intéresser à Darwin et aux délires (pour le meilleur ou pour le pire) sur l'hybridation que la publication de L'origine des espèces a provoqué dans l'imaginaire collectif. Ça supposerait de s'intéresser à la peur du métissage de Jules Verne, patente dans Les enfants du capitaine Grant, ou à l'horreur de l'hybridation chez Stevenson, dans une nouvelle comme Olalla. Bref, ça supposerait d'être un minimum sérieux et de bosser son sujet, et pas seulement d'utiliser des termes savants comme "tératologie".

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Masques Dans le Miroir

Howard Phllips Lovecraft était connu pour sa nature ambigüe (on a pu dire de lui qu'il était étrange, raciste, asexué, solitaire...). C'est peut-être l'une des raisons pour laquelle son immense héritage littéraire tout autant que son personnage complexe continuent aujourd'hui de fasciner le public. Au regard de ce caractère singulier, le double, sujet inhérent à la littérature fantastique, prend inévitablement chez l'auteur une dimension particulière : la plupart de ses productions sont si profondémment empreintes de dualité qu'il est difficile de comprendre l'univers lovecraftien sans décodage. Les études sur Lovecraft ne manquent pas. Pourtant, le double lovecraftien n'avait encore jamais fait l'objet d'une étude approfondie. Grâce à Maques dans le miroir, William Schnabel spécialiste de littérature fantastique, entend remédier à ce manque par une analyse littéraire et psychanalytique du double lovecraftien à la lumière de l'oeuvre de l'auteur mais aussi à celle de ses correspondances personnelles.



Si l'oeuvre de Lovecraft est connue du public, c'est souvent par le biais de l'Appel de Chtulhu ou de L'affaire de Charles Dexter Ward (ce fût mon cas). Selon Schnabel, si l'oeuvre de l'auteur est digne d'intérêt, c'est finalement parce qu'elle " constitue une interrogation sur l'homme et sa place dans l'univers, sur l'homme et sa vraie nature, le rôle de la science, le monstrueux, la grandeur et les faiblesses de la civilisation, le temps, l'abîme..." p.13. Masques dans le miroir aborde la question du double lovecraftien au travers de la personnalité de l'auteur (pessimisme, angoisse, penchant pour la solitude, puritanisme, fort attachement aux racines familiales, rêverie), des événements (syphillis du père, mort du grand-père, castration de la mère, mariage avec une juive) et des faits (pureté raciale, crise nerveuse, révolution industrielle) qui l'ont durablement marqué : " Masques dans le miroir porte non seulement sur les représentations les plus évidents du double chez Lovecraft (les personnages dédoublés), mais aussi sur la relation intime, toujours manisfeste, entre l'auteur et ses narrateurs-protagonistes. Doubles métamorphiques, doubles oniriques, doubles par possession, doubles gémellaires et doubles monstrueux : les visages du double lovecraftien sont multiples. Les " monstres familiers " de Lovecraft semblent bien faire partie de son cercle intime : contraint de les côtoyer quotidiennement, il les a en quelque sorte apprivoisés. Les différents aspects de l'existence de Lovecraft reflètent dans ce miroir littéraire en autant d'images filtrées, condensées, déformées ou grossies, véritables métaphores obsessionnelles qui montrent à quel point les monstres lovecraftiens ne sont pas prisionniers de sa fiction : ils reflètent la richesse de sa pensée et les turbulences de son existence.". Cet extrait de la 4e de couverture traduit bien l'intention de William Schnabel. Cette incursion " archi-documentée" dans l'univers du double lovecraftien révèle au délà de toute considération purement littéraire, une nature profondémment pessimiste mais également rétrograde, qui a sensiblement marqué l'écriture de " l'écrivain de Providence ".



L'étude présente un intérêt certain. Cependant, j'aurais quelques réserves : s'il est vrai que la personnalité et la vie d'un auteur soient irrémédiablement indissociables de son oeuvre, il est lassant de constater la tentation de l'analyse psychanalytique. J'ai retrouvé dans cette étude beaucoup de points communs avec ce que je détestais en cours de français. A savoir des interprétations, des démonstrations et des conditionnels qui bien qu'ils soient argumentés, n'apportent finalement à mon sens, que peu de valeur dans la compréhension de l'oeuvre. Comme si l'inspiration créative de Lovecraft n'était quasiment mue que par l'inconscient freudien. Bien sûr, comprendre la psychologie d'un auteur permet d'en appréhender le travail mais je pense pour ma part, en tous cas je veux le croire, que Lovecraft obéissait avant tout à son instinct de création et que son énergie créatrice ne répondait forcément à l'expression de ses frustrations ou de ses angoisses. D'un point de vue littéraire, le double est un thème largement récurrent : Oscar Wilde (Le portrait de Dorian Gray), Kafka (La métamorphose), Dostoiesvki (Les possédés), Stevenson (Docteur Jekyll and Mister Hyde), se sont tous frottés au sujet et ont produit des textes aujourd'hui références en la matière. Mais quelles sont les raisons de cette fascination pour ce thème ? de cette phrase qui résume assez bien le constat sur nos propres rapports au double : " Depuis des millénaires, l'homme et son double sont indissociables. Les ethnologues ont montré la difficulté de se débarasser d'un contenu enraciné si profondémment dans l'inconscient collectif. Que cela soit sous forme de rêves ou de cauchemars, de revenants ou de fantômes, de l'âme ou de l'esprit, de la métamorphose ou de la possession démoniaque, de la vie ou de la mort, du ça ou du surmoi, de l'égo ou de l'alter égo, le double fait partie de notre existence de tous les jours. Ses pouvoirs sont donc considérables : il ne meurt pas avec le corps, il peut se métamorphoser, il peut quitter le corps pendant le sommeil pour faire des voyages extatiques, etc. Qu'il s'agisse de séjourner chez les dieux ou de descendre aux enfers, nous sommes tous fascinés par la catabase et les poètes plus particulièrement. Dans chacun de nous, il y a un Oprhée et un Phaéton." (p. 129-130), je concluerai en disant que Masques dans le miroir apporte sans aucun doute quelques clés de compréhension de l'oeuvre de Lovecraft mais l'essai n'est pas aussi instructif qu'il y parait : la dissection méticuleuse et " quasi-médicale " des textes par Schnabel gâche un peu la magie du mythe de Lovecraft (j'avoue ne pas m'être attardée sur certains passages dont la lecture m'a été fastidieuse) et j'ai trouvé certains passages longs. Ceci dit, cette analyse constitue un lien logique parfait avec le dernier numéro 21 du Visage vert que j'ai lu dernièrement et qui se consacre au sujet du masque. Lisez donc les deux ouvrages, si comme moi, vous vous intéressez à la question car vous y trouverez de nombreuses références toutes plus monstrueuses les unes que les autres...
Lien : https://embuscades-alcapone...
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Lovecraft : Histoire d'un gentleman raciste

Le sujet devait être abordé et Willian Schnabel, avec Lovecraft, histoire d’un gentleman raciste (La Clef d’Argent, 2003), résume assez bien ce que les « études lovecraftiennes » nous ont fait progressivement découvrir. Oui, Lovecraft était raciste, d’un racisme à la fois psychologique et socioculturel. Sur le plan psychologique, son racisme est celui d’un raté : un gamin confiné entre sa mère et ses tantes dans le souvenir d’une grandeur familiale disparue, qui n’ira pratiquement jamais à l’école, qui ratera son mariage et dont l’œuvre littéraire restera de son vivant tout à fait confidentielle/ Sur le plan socioculturel, Lovecraft baignait dans l’air du temps. Celui d’une Amérique qui luttait contre l’immigration, instaurait des quotas, défendait l’eugénisme pour prévenir le métissage et donc la dégénérescence de la race anglo-saxonne. On retrouvera tout cela dans sa fiction, l’Autre se transformant en monstre contre lequel il est difficile de lutter car l’essentiel du mal est déjà fait. Mais il ne faut pas non plus exagérer, la création lovecraftienne a bien d’autres composantes que la dégénérescence. Je pense notamment à celle du rêve, vecteur grâce auquel l’auteur nous ouvrira les portes conduisant à des mondes indicibles. Et comme l’écrivait Franck Périgny dans un numéro de Dragon & Microchips : « j’admire un écrivain raciste, sans honte, parce que ce n’est pas le raciste que j’admire, c’est l’écrivain. »
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