Ce que tu m'as dit l'autre jour, dans mon champ, ça tient toujours ? Zhao Zhen réfléchit avant de parler : Pourquoi ça ne tiendrait pas ? ça tient toujours. Lao Dan lui dit : Je n'ai pas d'argent, je n'ai que deux mu de choux. Zhao Zhen répliqua : Alors ce sera tes deux mu. Derrière son dos, comme d'habitude, les mains de Lao Dan tremblotaient de temps à autre. A cet instant précis, elles se figèrent. Il regarda le visage de Zhao Zhen de bas en haut comme s'il ne l'avait jamais vu. Il n'aurait pas pu penser, que même au comble du bonheur, Zhao Zhen resterait toujours aussi lucide.
- Ces jours-ci, je te croyais heureux et disposé à me demander un peu moins.
- Qu'est-ce que tu racontes, c'est mon gagne-pain.
- Alors j'ai planté mes choux pour rien ?
- Mais tu les échanges contre une femme.
-Hmm, hmm, mes choux. Bon, c'est entendu. Je reviens la chercher dans deux jours.
- Ma femme est en couches, je veux que Huanhuan s'occupe d'elle pendant quelques jours.
- Tu ne peux pas avoir les choux et l'argent des choux, tu es d'accord ?
- Tu pourras venir la chercher. Durant la journée, Huanhuan viendra chez moi pour s'occuper de ma femme et le soir elle ira dormir chez toi, ça te va ?
- Une fois arrivée chez moi, elle fera partie de ma famille. Tu la rémunéreras, d'accord ?
- Si je te demande moins de choux, ça te va ? Sinon, tant pis pour mes couilles.
- Alors on fait comme tu dis, bougre d'âne.
L'affaire était conclue, mais Lao Dan ne se sentait pas bien comme s'il avait des papillons dans l'estomac. Le lendemain, on le vit se rendre très tôt chez le chef du village, les mains derrière le dos.
- Zhao Zhen, tu es là ! J'ai mangé trop de bouillie, mon ventre souffre d'être gonflé. Quand on mange, on ne pense qu'à manger encore plus, et après on en souffre. Les hommes sont tous des misérables. Assieds-toi.
Zhao Zhen dit : Je ne m'assieds pas. On dit que Dadan veut me tuer. Es-tu au courant ? Ma Lin répondit : Tout ce que je sais, c'est que Dadan tue des chiens. Je lui ai demandé pourquoi, il m'a dit qu'il se sentait déprimé. C'est pour se donner du baume au coeur qu'il tue des chiens. Zhao Zhen dit : S'il veut me tuer pour de bon, que puis-je faire ? J'ai trouvé des femmes pour tous les célibataires du village. Même si je n'ai pas fait de grandes choses, j'ai malgré tout peiné, n'est-ce pas ? Ma Lin répondit : Il est difficile de juger les conflits de famille, même pour les magistrats les plus intègres et équitables. Dadan n'a pas dit qu'il allait te tuer, il m'est difficile d'intervenir. Zhao Zhen dit : Même la femme de Dadan, c'est moi qui l'ai ramenée. Ma Lin dit : Avec ta mauvaise conscience, que vas-tu faire ? Zhao Zhen répondit : Si tu ne t'en occupes pas, ne pense plus à me demander de ramener des femmes, même si j'en ramène, je ne les proposerai pas au village des Deux Ravins. Ma Lin dit : A présent, les célibataires ont presque tous une femme, s'il en manque une ou deux, ce n'est pas grave, la descendance du village est assurée. Sans compter que lorsque tu ramènes des femmes, tu ne fais jamais de rabais, tu profites indûment de la situation. D'ailleurs, d'où vient l'argent avec lequel tu as fait construire ta grande maison ? Zhao Zhen répondit : A t'écouter, j'ai l'impression d'entendre des pets. Ma Lin dit : J'ai trop mangé. J'ai vraiment envie d'en lâcher un. Va-t'en.
Zhao Zhen rapporta les propos de Ma Lin à sa femme. Elle dit : Ma Lin ne mérite pas d'être notre chef, c'est une boulette de merde.
Le trafiquant Zhao Zhen surprit les villageois, il apparut subitement avec huit rats. Il s'était rendu une fois de plus dans les montagnes du nord et avait ramené une femme pour un célibataire du village.
- Ecartez-vous, écartez-vous, mes rats arrivent, disait Zhao Zhen en marchant le visage imbu de fierté. Les huit rats trottinaient alignés côte à côte, les passants poussaient des cris de frayeur excessifs.