Tu as cette force en toi qui fait que tu es différente et que, mieux que nous diriger, tu sauras nous guider.
Et il se retrouva projeté dans l’inconnu en une fraction de seconde.
Voilà le monde. Pendant des heures, il n’avait pas tenu à le découvrir, mais celui-ci s’imposait désormais à lui par de grosses gouttes glacées qui s’écrasaient sur sa nuque. Debout à son tour sur le muret, il observa le spectacle qu’embrassaient ses yeux écarquillés. Une ombre gigantesque recouvrait la rue ; l’obscurité de cette ville terne, noyée sous une pluie agressive, ne laissait que peu de place aux rayons du soleil. Son regard se heurta aux murs, de l’autre côté de la rue, assombris par de sinistres traînées noirâtres qui s’élevaient vers le ciel et resteraient à jamais les témoins intemporels des violents incendies qui avaient ravagé le quartier peu avant. De rares passants erraient, les pupilles vides, comme s’ils n’avaient d’autre but que celui d’arpenter les trottoirs jusqu’au crépuscule, quémandant de temps à autre une petite pièce que personne ne serait pourtant disposé à leur céder. Plus loin, les Bas-fonds baignaient dans un brouillard épais et nauséabond qui engloutissait tout sur son passage comme la gueule béante d’un hideux monstre. L’horizon se perdait déjà dans la noirceur d’une nuit trop sombre qui avait réuni ciel et terre.
Aucun Ekkarate n'osait la moindre réaction. Jamais ils n'auraient pu croire qu'un tel miracle puisse se produire. Accomplir l'Harmonie, ne faire qu'un avec cette force ancestrale à cause de laquelle ils courbaient l'échine depuis si longtemps. Les gigantesques ailes flamboyantes semblaient jaillir du dos même d'Heather et accentuait la majesté du spectacle.
Le loup noir releva la tête, la truffe vibrant dans l’air du crépuscule. Aux aguets, il observait le ciel se parer de nuages menaçants. Un épais brouillard se substitua à l’horizon flamboyant et répandait sa pâleur sur les dunes. La nuit devenait inquiétante. Ienzo frémit, absorbé lui aussi par cette vision cauchemardesque. Il tenta de se redresser, mais son corps, paralysé, ne lui répondait plus. L’animal couvrit à nouveau son protégé de son regard solennel. Miroir. Dans les yeux de la bête, le Newporter crut un instant y voir les siens ; les deux émeraudes de l’Akkaï étaient animées d’une détermination farouche teintée de mélancolie. Se battre, toujours. Volonté. Ils se contemplèrent avec respect, prenant conscience du lien puissant qui les unissait. Leur combat.
Ils ont besoin de toi. Tes faiblesses deviendront ta force.
…
Leur combat a commencé. Ta place est à leurs côtés. Honore-la. Sois celui que tu désires. Fais ce qui te semble juste.
Là sans vraiment l’être, se promener entre les ombres. N’être… rien. Et, pourtant, trouver sa place et exister. Il secoua vigoureusement la tête. Qui était-il pour oser le juger, lui qui venait à douter de son propre nom ?
C’est à l’Univers de décider de la Destinée des Hommes.
Vous n’êtes que des grains de poussière portés par le vent.
Le temps ne vous appartient pas.