Yves Dangerfield

Dans ce roman historique qui se passe au 17ème siècle, Yves Dangerfield nous emmène à Saint Cyr, près de Versailles dans un domaine jouxtant le parc du château. C’est là que Madame de Maintenon a le projet d’édifier une école, une institution chargée de recevoir 250 jeunes filles issues de la noblesse pauvre et de leur offrir une éducation digne de ce nom. C’est à Mansart que les travaux sont confiés et une fois les bâtiments prêts, en 1686, 250 jeunes filles triées sur le volet sont adoptées par le roi et intègrent l’école.



Pour l’époque, Madame de Maintenon a des idées avancées sur l’éducation des femmes. Elle ne prétend pas se contenter de les instruire d’œuvres pieuses et de travaux d’aiguilles sous la direction de religieux. Les jeunes filles seront instruites sur la littérature de leur temps, pourront se questionner et débattre de sujets variés, elles feront même du théâtre. N’oublions pas que Madame de Maintenon avait tenu salon avec les esprits les plus brillants de son temps.



C’est ainsi que la marquise commande à Racine d’écrire une pièce destinée à être jouée par les demoiselles de Saint Cyr, qu’elle appelle ses petites filles. Ainsi naîtra Esther, une pièce morale, dans laquelle Racine revisite le personnage biblique d’Esther, inaugurant alors un courant théâtral appelé le théâtre pieux. La représentation de la pièce devant le roi aura un immense succès et à la demande de la cour de nombreuses autres représentations suivront. Toutefois cette ouverture sur le monde et surtout sur la cour fera basculer le destin de l’école et de ses pensionnaires.



Voici un très bon roman historique dans lequel Yves Dangerfield mêle habilement le destin de l’école ainsi que celui des principales protagonistes, qu’il s’agisse de certaines des élèves ou des institutrices. Le livre est basé sur une documentation abondante et sérieuse et m’a fait découvrir un épisode de l’histoire dont je n’avais que vaguement entendu parler. Et surtout, il fait apparaître Madame de Maintenon comme un personnage complexe et étonnant. C’est alors une femme brillante de 51 ans, passionnée par son projet éducatif et en même temps d’une grande dévotion dont elle s’efforce d’empreindre ses jeunes pupilles. Avec l’âge toutefois, sa dévotion deviendra de la bigoterie ce qui altèrera sa façon de diriger l’école.



Un roman que j’ai trouvé passionnant et qui donne envie d’en apprendre plus sur cette femme et aussi, bien sûr, de lire la pièce de Racine, Esther.

J’ai lu ce roman pour la première fois quand j’étais adolescent, après l’avoir emprunté à la bibliothèque que je fréquentais alors régulièrement. Il m’avait marqué, parce que je me retrouvais en partie dans le personnage principal. Je l’avais lu une deuxième fois quelques années plus tard, pendant mes études supérieures. Je l'ai ensuite relu une troisième fois cette semaine et il est probable que ce ne sera pas la dernière fois. Chaque fois, je suis sorti troublé par ma lecture.



Issu d’un milieu modeste, élevé par sa mère, Marc se lie d’amitié avec Philippe, fils parfait d’une famille bourgeoise parfaite. Je parle d’amitié mais cette relation est très vite déséquilibrée : si Philippe est sincère dans son attachement, Marc sombre progressivement dans la jalousie : il envie la place de son camarade au sein de sa famille, celle que lui-même n’a jamais eu.



C’est un roman troublant ; troublant comme l’est le narrateur, à la fois pathétique et inquiétant, humain dans ses sentiments et inhumain dans son comportement. C’est un personnage auquel je n’ai pas eu de difficulté à m’identifier, et cela en devient troublant puisque cela me met face à mes propres névroses, mes propres failles. Cette troisième lecture a peut-être été encore plus éprouvante et riche en émotions que les deux premières : j’étais jadis plus jeune, moins réceptif, plus attaché au récit au premier degré qu’aux réflexions du narrateur et de l’auteur sur la famille, l’amitié, les classes sociales. C’est un roman déroutant mais splendide, l’un de ceux qui m’ont le plus marqués au cours de ma vie. Il continue à m’accompagner, de l’adolescence à l’âge adulte, avec mes souvenirs, mon vécu.