Yves Lebeau

ELLE : Nos week-ends. On fait sans dates. Je déteste prévoir, tu me connais – enfin, qu’on prévoie pour moi. Je t’en ai parlé déjà. Plein de fois.

PERSONNAGES :
L’ENFANT
L’ARBRE

Lundi.

L’Enfant paraît, il vient du fond de la plaine, foulant l’ombre géante de l’Arbre peinte sur le tapis de scène – sombres embranchements et flaques de lumière. Venant ainsi, il est à fleur de terre et dans l’Arbre. Des griffures de neige marquent les sillons, le blé d’hiver n’est pas en herbe. L’Enfant ralentit à l’approche, il se campe.
L’ENFANT.– Oh, l’Arbre !
L’ARBRE.– Qui m’appelle ?
L’ENFANT.– Ben voilà, il parle. Y a qu’à demander.
L’ARBRE.– « Y a qu’à, y a qu’à. » Tu ne te sens pas un peu gêné de m’interpeller ?
L’ENFANT.– Je t’inter pas. Je t’ai inter ?
L’ARBRE.– « Oh, l’Arbre ! » Et si j’avais dormi ?
L’ENFANT.– Tu dors pas, tu réponds.
L’ARBRE.– Si un autre avait dormi ?
L’ENFANT.– Qui ? Y a personne ici.
L’ARBRE.– Y a la plaine. Y a les bêtes. Y a le blé.
L’ENFANT.– Évidemment.
L’ARBRE.– C’est évident, oui. Faut-il encore ouvrir l’œil.
L’ENFANT.– Je les ai grands ouverts.
L’ARBRE.– Veux-tu les baisser, petit malappris !
L’ENFANT.– Je suis venu…
L’ARBRE.– Ça, pour venir on t’a vu.
L’ENFANT.– … venu…
L’ARBRE.– Et à force, tu as fini par arriver.
L’ENFANT.– Bon, je suis là !
L’ARBRE.– Non, pas « bon ». Parce qu’au lieu de t’asseoir, de t’adosser à mon bois en ami, tu bombes le torse, tu me toises.
L’ENFANT.– Je te toi ? Je te quoi ? Moi ?
L’ARBRE.– Tu soutiens le regard !
L’ENFANT.– Où veux-tu que je regarde, où ? Avec tes branches en pétard et ton tronc mal bâti ?
L’ARBRE.– Mon tronc, tu sais ce qu’il te dit ?
L’Enfant donne un violent coup de pied.
L’ARBRE.– Le coup de pied, là ?
L’ENFANT.– Aïe !
L’ARBRE.– Tu le retires.
L’ENFANT.– Je peux pas.
L’ARBRE.– Tu t’es fait mal ?
L’ENFANT.– Tu m’as fait mal. Aïe.
L’ARBRE.– Raisonne un peu, on va gagner un temps précieux : c’est mon tronc qui est allé à la rencontre de ton pied ou ton pied…
L’ENFANT.– Sais pas. Aïe.
L’ARBRE.– Tu es qui, d’abord ?
L’ENFANT.– Je suis moi.
L’ARBRE.– Et tu es venu ?
L’ENFANT.– Parler, oui.
Un mouvement d’air.

3.
Où ?
Oui où ?

PERSONNAGES :
GRAND-PÈRE, 65 ans
PÈRE, 40 ans
MÈRE, 35 ans
FILLE, 11 ans
GARÇON,9 ans

Intro.

C’est toi qui dis
C’est toi qui l’es

Je choisis Où
Où et pourquoi
Parce que je
Parce que qui
Et pourquoi lui
Parce que quoi
Que c’est comme ça

Mais qui dira
Celui qui sait

Et si on sait
Qu’on ne dit pas
Si on pense oui
Et qu’on dit non
Et si à rien
N ’y a de raison
Tu crois toique
Je crois c’qu’on m ’dit
Tu crois quoi toi
Je crois c’que j’vois

C’est toi qui dis
C’est toi qui l’es

Je choisis Où
Où et pourquoi
Parce que je
Parce que qui
Et pourquoi lui
Parce que quoi
Que c’est comme ça

Mais qui saura
Celui qui croit

Mais pour le croire
Il faut savoir
Faut y voir clair
Pas être dans l’noir
C ’est compliqué
D ’apprivoiser
La vérité
Et la lumière
Qui est-ce qui l’a
Celui qui voit

C’est toi qui dis
C’est toi qui l’es

Je choisis Où
Où et pourquoi
Parce que je
Parce que qui
Et pourquoi lui
Parce que quoi
Que c’est comme ça

Et qui verra
Celui qui joue

C ’est sans joker
Joker pour qui
Et c’est sans gage
Situ es sage
Là c’est pas d’jeu
Le jeu c’est ça
Le jeu des Où
On y joue quand
Et qui qu’attaque
Ce s’ra maman

MÈRE.– C’est à moi ?
GARÇON.– On t’attend.
GRAND-PÈRE.– C’est votre tour.
MÈRE.– Je dois choisir ?
GARÇON.– Lance-toi !
FILLE.– Après, ça roule tout seul.
MÈRE.– Choisir ainsi, le premier Où ?
GARÇON.– Ou-i !

1.
Qui dit ?
Qui ?

PERSONNAGES :
GRAND-PÈRE, 65 ans
PÈRE, 40 ans
MÈRE, 35 ans
FILLE, 11 ans
GARÇON, 9 ans

Intro.

C’est toi qui dis
C’est toi qui l’es

Je dis Qui dit
Qui dit pourquoi
Parce que je
Parce que qui
Et pourquoi lui
Parce que quoi
Que c’est comme ça

Mais qui dira
Celui qui sait

Et si on sait
Qu’on ne dit pas
Si on pense oui
Et qu’on dit non
Et si à rien
N’y a de raison
Tu crois toi que
Je crois c’qu’on m’dit
Tu crois quoi toi
Je crois c’que j’vois

C’est toi qui dis
C’est toi qui l’es

Je dis Qui dit
Qui dit pourquoi
Parce que je
Parce que qui
Et pourquoi lui
Parce que quoi
Que c’est comme ça

Mais qui saura
Celui qui croit

Mais pour le croire
Il faut savoir
Faut y voir clair
Pas être dans l’noir
C’est compliqué
D’apprivoiser
La vérité
Et la lumière
Qui est-ce qui l’a
Celui qui voit

C’est toi qui dis
C’est toi qui l’es
Je dis Qui dit
Qui dit pourquoi
Parce que je
Parce que qui
Et pourquoi lui
Parce que quoi
Que c’est comme ça

Et qui verra
Celui qui joue

C’est sans joker
Joker pour qui
Et c’est sans gage
Si tu es sage
Là c’est pas d’jeu
Le jeu c’est ça
L’jeu des Qui dit
On joue ou pas
Qui dit Qui l’dit
Ce s’ra papa

Musique avalée. Jeu lancé.

PÈRE.– Qui dit Oui ?
FILLE.– La Mère.
MÈRE.– Qui dit Non ?
GARÇON.– Le Père.
GRAND-PÈRE.– Dit Peut-être ?
PÈRE.– Le mystère.