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Citations et extraits (8) Ajouter une citation
Après une interminable errance dans le labyrinthe du deuil, nous avons enfin compris ce qui nous manque. Il a bien fallu se rendre à l'évidence : nous sommes en deuil de quelque chose dont la perte est encore fraîche. Les victimes sont mortes. Les bourreaux sont vivants. Nous ne sommes plus capables de mémoire. Nous sommes en deuil de la mémoire. Pour les bourreaux, aucune victime n'a survécu. Tous les survivants sont des bourreaux. C'est sur cette base que se construit la réconciliation entre bourreaux et victimes. Le deuil masque aux personnes endeuillés la cause de leur deuil. On désigne ce phénomène sous le nom d'"affliction". Au nom de l'affliction, bourreaux et victimes se retrouvent dans un deuil commun.
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En Allemagne, on ne connaît que la forme allemande de l'antisémitisme. Comme s'il s'arrêtait aux frontières de l'Allemagne. Comme s'il n'avait pas existé en Pologne, en Russie, chez les Grecs, les Arméniens, les Bulgares, les Roumains. L'effondrement de l'empire ottoman a été perçu comme une terrible catastrophe, autant pour les Juifs que pour les Turcs. Ni les uns ni les autres ne pouvaient compter sur une puissance protectrice qui aurait pu faire rempart contre les persécutions. Les chrétiens étaient potentiellement antisémites et par-dessus le marché, ils conservaient un souvenir précis de la cohabitation harmonieuse entre Juifs et Turcs dans l'empire ottoman.
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Plusieurs générations de Juifs allemands se sont longeument penchées sur la question de savoir dans quelles conditions temporelles et matéreilles un Juif peut se défaire de son judaïsme pour devenir un Allemand à part entiére. L'éclaircissement de la peau et des cheveux, la germanisation de la langue et des croyances n'avaient pas délivré les Juifs de la maladie juive ramenée d'Egypte. Pour pouvoir s'intégrer, les Juifs avaient dû assumer la question lancinante que la société allemande leur posait sans cesse. Après avoir raffiné cette question, ils l'avaient transmise. Puis elle leur était revenue. Et ainsi de suite. Cet échange a perduré jusqu'à ce que la question soit libellée sous une nouvelle forme pour devenir : "A partir de quand l'Allemagne sera-t-elle débarrassée des Juifs ?"
Dans l'Allemagne actuelle, Juifs et Allemands ne sont plus corps à corps. Une nouvelle situation s'est fait jour qui correspond parfaitement à mon origine et à ma situation personnelles. L'Allemagne est le théâtre d'une conversation à trois entre Allemands, Juifs et Turcs, entre chrétiens, juifs et musulmans. La dichotomie judéo-allemande pourrait bien délivrer les deux parties, tant les Allemands que les Juifs, de leurs tyraumatismes passés. Encore faudrait-il qu'ils acceptent la présence des Turcs. De leur côté, les Turcs d'Allemagne devraient prendre conscience de l'existence des Juifs, sans les réduire à un simple chapitre du passé allemand auquel de toute façon ils ne peuvent plus prendre part mais en y voyant plutôt un chapitre du passé allemand qui est aussi le leur. C'est l'absence des Juifs qui provoque la dichotomie entre Turcs et Allemands. Les Turcs marchent dans les traces des Juifs d'antan.
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Ce genre d'attitude me semble relativement fréquente chez les victimes du nazisme. En dépit de la haine qu'ils ont voué au régime nazi, ils ne se sont jamais laissé aller à haïr l'Allemagne ou à maudire le peuple allemand dans son ensemble. Comportement peu ou prou semblable à celui dune famille dont l'un des membres a mal tourné. Consternation, honte, on voudrait arriver le plus vite possible à tourner la page. Les victimes ont toujours vécu complètement seules avec leur deuil. Tout à l'inverse des Juifs que la catastrophe a fait retourner en Allemagne. Nombre d'entre eux ont fait de leur judéité une profession. Ils ont parlé. Ils voulaient que jour après jour, la conscience des Allemands reste disponible, prête à encaisser les accusations. De mémorial en mémorial, ils ont voyagé, ils ont prononcé des discours, ils ont rassemblé des gens autour d'eux. La mémoire était la lingua franca qui les unissait tous. Mais au fons, ils sont restés seuls, eux aussi. Souvent, ils étaient les seuls survivants de toute leur famille. Et certains allaient jusqu'à se reprocher le simple fait d'avoir survécu. Quel que soit leur point de chute, ils étaient étrangers.
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Dans mon entourage, les gens se sentaient de plus en plus mal dans leur peau. Un peu comme si la chute du Mur, considérée comme l'effondrement du vieil ordre des choses, n'était pas seulement libératrice. Sans mur, on ne se sentait plus protégé. L'identité est devenue un "ersatz" de sécurité. On se fige, on se fixe, on fixe l'autre, on fixe ses origines pour déterminer le rapport de proximité ou de distance qu'on entretiendra avec l'autre. Les murs, on s'y heurtait partout, ils étaient invisibles et c'est la chute du Mur qui les avait érigés. Le monde était devenu plus complexe, les chemins plus embrouillés. Avant, on aurait pu s'abandonner en toute quiétude à ses instincts ludiques, on se serait senti à l'aise même quand on faisait fausse route, le mur vous protégeait du précipice.
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J'estimais que les années 1908-1914 avaient profondément marqué la personnalité de mon grand-père. Sa génération avait un pied dans l'Empire ottoman, un autre dans la République, elle était bien obligée de faire le lien entre la fin d'une période et le début d'une autre. Pour cette génération, la question du pouvoir a revêtu une importance existentielle. Déléguer le pouvoir était chose impensable. Il leur fallait à tout prix posséder le pouvoir en main propre. Ils étaient les hommes des ruines, ceux qui bâtissaient une nouvelle maison avec les pierres d'un empire qui s'effondre inexorablement. Mais au moment où ils ont voulu emménager dans cette maison, il ne restait quasimment plus personne. Le peuple était tombé sur le champ de bataille.
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Depuis quelque temps, les relations entre hommes ont pris un tour féminin. Autrefois, l'amitié se soudait autour d'un objet extérieur : le foot, une arme, une profession... Les amis partageaient des buts communs. Aujourd'hui, ce n'est plus pareil, au point que dans certains cas, les hommes en viennent à établir entre eux des rapports d'intimité. On se retrouve face à l'autre, quasiment mis à nu, on se laisse toucher, on tolère que l'autre intervienne sur notre propre corps et la relation se cristallise autour d'un vécu commun. Les sentiments gagnent en importance. Les actes, eux, sont relégués à l'arrière-plan.
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Des Arméniens, l'un des peuples orientaux les plus anciens, on fait des Occidentaux fictifs, pour la simple raison qu'ils sont chrétiens dans un environnement musulman. En revanche, les Turcs, plus tournés vers l'Europe que n'importe quel autre peuple de cette région du monde, les Européens ne les accepteront jamais comme des Européens normaux, sous le seul prétexte qu'ils sont musulmans.
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