Tous les peuples de l'antiquité possédaient des bibliothèques, et l'on sait l'importance qu'ils y attachaient lorsqu'on voit le roi égyptien Osymandias faire graver ces mots sur la porte de la bibliothèque sacrée qu'il avait placée dans son immense palais de Thèbes : "Remède des maux de l'âme", pensée profonde que Montaigne a exprimée ainsi : "Cettuy cy costoye tout mon cours, et m'assiste partout; il me console en la vieillesse et en la solitude ; il me descharge du poids d'une oysifveté ennuyeuse, et me desfaict à toute heure des compaignies qui me faschent".
Les peaux de la plupart des animaux ont été essayées tour à tour pour la reliure ; l'excentricité et la singularité ont fait employer, pour certains livres, des cuirs peu communs, tels que ceux de crocodiles, de phoques, de serpent, et même de la peau humaine.
L'emprunteur, ennemi des livres, bibliophage et insouciant, ne calcule rien de tout cela; il tombe au milieu de ces doctes jouissances, comme un renard dans un poulailler; il est possédé tout à coup d'une fringale de lecture; il arrive et laisse gravir impudemment ses convoitises sur les rayons où juchent les volumes que son esprit voudrait dévorer; il implore avec des paroles caressantes, il jure ses grands dieux que l'emprunt qu'il fait est un emprunt forcé, il affirme que le livre demandé sera couvert soigneusement,
enveloppé, serré sous clef, loin des regards indiscrets et des mains malheureuses; il invoque l'amitié la plus confraternelle, la sympathie la moins déguisée et promet de rendre le livre dans la huitaine. C'est, hélas! la cigale qui quémande à la fourmi. Et la cigale est oublieuse.
Comme toute chose, il faut loger, soigner et entretenir les livres d'une manière judicieuse et utile : la maison ou les pièces qui les renferment, l'armoire ou le meuble qui les contiennent, les rayons sur lesquels on les pose, sont désignés sous le nom de bibliothèques.
Il y a, en effet, des bibliographes de profession, qui tout comme l'historien s'occupant d'histoire, l'ingénieur de construction de ponts, le mathématicien de ses études spéciales, s'occupe aussi spécialement de bibliographie. Il faut un apprentissage pour bien manipuler et bien administrer une bibliothèque, et jusqu'en 1860 environ, on ne s'en doutait nullement, du moins en France. L'énergie de quelques hommes éminents a surmonté, en partie, cet ostracisme de l'étude du livre en tant que matière, que forme ; le besoin s'est fait sentir de posséder des bibliothécaires, dont la mémoire sûre, les connaissances techniques, précises, peuvent rendre des services inappréciables.
Les laïques viennent participer à leur tour à ce mouvement civilisateur, après la création des universités, à partir du XIIIe siècle. A côté des ateliers ecclésiastiques et monastiques de copistes (scriptoria); il se crée des ateliers laïques dans les centres universitaires. Les scribes, qui dans l'antiquité étaient traités avec beaucoup d'égards, à titre de lettrés, parviennent de nouveau à la considération, grâce à l'appui des souverains et des grands personnages. Les manuscrits se multiplient d'une façon extraordinaire. A côté de simples scribes, gens de métier, il surgit de véritables artistes auxquels nous sommes redevables des chefs-d'oeuvre de la calligraphie.
Il va de soi que les nombreux praticiens du livre installés en Italie tombaient dans un milieu artistique où leur industrie avait tout à gagner. En quelques
années, Ehrard Raldolt avait fait de nombreux élèves qui prirent sur lui une notable avance. Venise, Ferrare, eurent des ateliers où des essais de décoration furent couronnés de succès, et ouvrirent aux anciens miniaturistes des manuscrits une voie inattendue. Presque au môme instant, un nielleur, Maso Finiguerra, trouvait par hasard un procédé nouveau de gravure en appliquant sur le papier les tailles creusées dans le métal et emplies d'une matière colorante.
A partir du VIe siècle de notre ère, l'ornementation des manuscrits se développe encore; il suffit de citer le Virgile du Vatican, si consciencieusement étudié par M. de Nolhac. Les chrysographes mettent en oeuvre tous leurs talents pour la décoration des fonds de lettres et des motifs qui seront complétés par les enlumineurs. Les uns dessineront les contours des ornements, des scènes rustiques et des personnages; les autres couvriront de couleurs épaisses, très opaques mais très vives, les draperies des personnages, les visages, la verdure des champs.
Si l'aptitude à distinguer le beau, à l'estimer dans sa valeur, dans son prix, dans son utilité, dans son mérite, est un fait à noter chez quelques hommes remarquables de notre temps, et faits plus graves ou plus importants, nous sommes obligé de contester que, parmi les amateurs s'intéressant aux premières idées, croquis, esquisses, préparations, études, dessins tableaux, aquarelles, gouaches, pastels et miniatures, il en est est qui peuvent juger le mérite, et fixer la valeur, d'oeuvres tracées d'une main ferme et habilement conçues.
Les instruments dont on se servait pour écrire différaient selon la matière employée.
Le style ou stylet, tige de métal ou d'os, pointue d'un côté, plate de l'autre pour effacer, servait pour les tablettes enduites de cire ou formées de lamelles de plomb. Les empereurs de Constantinople signaient avec de l'encre pourpre ; le seing impérial en Chine est peint en jaune. L'or et l'argent étaient usités même pour l'écriture des manuscrits luxueux, mais plus généralement pour la peinture des initiales et la décoration des volumes.