Éléonore Léandri

Elle prit soin de fermer la porte de sa chambre à clef puis elle alla dans la salle de bain pour se rincer les mains et s'asperger d'eau de parfum. Elle releva la tête et aperçu son reflet dans le miroir, un visage rond et crispé, des traits disgracieux et bien ordinaire, un teint blafard, des cernes creusées... Elle piqua à sa mère le peu de maquillages qu'elle possédait. En l’appliquant, elle se rendit compte que ce n'était pas aussi simple que ça en avait l'air et le résultat n'était pas celui escompté. Ses lèvres étaient trop rouges et le fard sur ses paupières, bien trop vert. Tatiana manqua de perdre son sang-froid et de pleurer, elle craignit que cette soirée, planifiée depuis des lustres, qui lui fit faire tous ces sacrifices, ne soit pas à la hauteur de ses espérances. Elle avait invité tous ses camarades de classe dont la moitié ne connaissait même pas son nom. Tatiana misait tout sur ce soir pour parfaire sa réputation et peut-être changer de vie.

Je pense qu'on a tous l'impression que le monde est injuste et cruel. On sait qu'il y a bien pire que notre petite vie, mais cette idée ne nous rend pas plus joyeux.
Nous, occidentaux, avons dépassé la simple survie. Nous voulons plus que manger, boire et dormir. Toujours plus quand d'autres n'ont même pas droit à ces "privilèges". Quand je suis dans le métro parisien et que je croise des gens faisant la manche, parfois je leur donne une pièce. Mais le plus souvent, je passe sans les regarder. Je les méprise même. Je pourrais leur donner un billet, même plusieurs, j'en ai bien assez pour moi, mais je ne le fais pas. Ils en auraient bien plus besoin que moi. Je réfléchis. Je me dis que la faim dans le monde n'est pas si inévitable. Qu'on pourrait tous y remédier. Mais qu'on ne le veut pas.

Le clonage n’en est pas moins une méthode ignoble, une abomination pour l’homme et de plus, c’est inutile et sans intérêt. Je vous le dis, ce n’est pas parce qu’on a la possibilité de faire quelque chose qu’on doit le faire. Vous produisez  pour la science et non pour la vie.

Mon père était accro à la vodka, il devenait plus cool avec moi et ma mère quand il buvait. Ça me fascinait, lui qui était si austère. Je ne comprenais pas. Je voulais découvrir le secret de ce breuvage qui le faisait tant rire et qui lui rendait la vie plus belle. Puis c’est moi qui fut accro, je finissais toute la bouteille, j’allais ensuite à l’épicerie pour acheter la même et la buvais assez pour donner l’illusion que pas une goutte n’avait disparue en son absence. Vous vous doutez bien qu’il avait tout remarqué. J’allais à l’école complètement bourré et j’ai été renvoyé. Depuis, je n’ai connu qu’échec scolaire sur échec scolaire.

Parfois je regarde quelques-uns de mes films avec ma femme, elle trouve ça marrant de me voir à la télé. Elle est fière de moi. Mais moi je suis effrayé, toutes ces scènes d’actions, je ne me souviens absolument pas les avoir jouées. Toutes ces phrases prononcées, je ne me souviens pas les avoir dites un jour. Comme si c’était un autre homme sur cet écran. Je n’ai jamais eu l’impression de vivre dans un monde doré, celui que toute personne lambda admire, je n’ai vu que le chaos.

Dans cette société, vous le savez très bien, rien ne sert de faire quelque chose de bien, il faut être utile. C'est ce que j'ai fais.

Mais la panique me vint, j'eus l'impression que le monde autour de moi s'écroulait et que la musique funèbre du jugement résonnait dans mon crâne. Je ne pouvais plus enlever ce collier ! Il était collé à ma peau comme incrusté. La malédiction était donc vraie "malheur à la tentation", j'ai été tentée et le malheur est survenu.

Cet espoir grandissant en moi est la preuve qu'une Force Suprême veille sur ma vie. Non, ma Bonne Étoile ne m'a jamais abandonné, c'est moi qui la rejetais et qui ne voulait pas croire en elle. Je suis à la croisée des chemins et je suis persuadé qu'elle retient son souffle à chacun de mes mouvements et de mes actes.

Supprimons pendant un siècle les antibiotiques et la population mondiale ne manquerait pas de s’estomper rapidement ! Même si cette vérité est dure à accepter, il faut bien reconnaître que la grande majorité des hommes modernes sont des “ animaux malades ” maintenus en vie par le progrès biotechnologique. »

Donner la vie n’est pas un crime. Si l’on pense aux risques de maladie et de malformation du clone, on peut alors envisager que toutes les femmes donnant naissance en toute conscience à des individus possédant des déficiences physiques ou mentales commettent des crimes contre l’humanité.