Nous nous rendons compte de ce que le berger vient d'accomplir. Il n'a pas eu besoin de mots pour comprendre la détresse de Léopoldine et se mettre en devoir de retrouver nos montures. Puis, n'ayant pas trouvé notre campement, il l'a attendue, confiant sur le fait qu'elle reviendrait et qu'il pourrait les lui restituer.
Cette solidarité est à l'image de la steppe qui l'abrite, immense. La bonté des hommes y est proportionnelle à la dureté de l'environnement auquel ils sont confrontés.
En un instant, nous voici plongées dans le cocon de feutre, un bol de thé chaud entre les mains et le regard apaisant de la femme posé sur nous. Elle nous observe, sans dire un mot. Pour elle, nous sommes deux voyageuses, deux nomades. L'origine, le sexe ou la couleur de peau n'ont aucune importance. Les Kirghizes connaissent trop bien l'âpreté de leur environnement et offrent à l'inconnu de passage chaleur et abri sans une once d'hésitation. Il n'y a pas de questions ou d'attente en échange de cette hospitalité, qui est une évidence vitale. Une solidarité simple et pure entre hommes partageant ces terres magnifiques. L'hospitalité à l'état brut, magique dans sa sincérité et sa spontanéité, indescriptible.