Je ne sais quel diplomate ou quel juge sceptique a dit que dix lignes de l'écriture d'un homme suffisent pour en faire un criminel. C'est une idée juste, qui devient fausse par son exagération. Il est bien certain que tout homme qui exprime beaucoup d'idées finit par montrer le défaut de sa conscience ou de sa logique, en même temps que le peu d'assiette de ses principes les plus choyés. Ceux qui ne se contredisent point sont extraordinairement rares. Sans qu'il s'en doute, l'écrivain même qui fait le plus abstraction de sa propre individualité, qui est historien ou philosophe, qui croit s'être placé bien au dessus des petits sentiments intéressés, met à nu son esprit, fait pénétrer le public dans ce for intérieur que les Machiavel veulent à tout prix entourer de murailles infranchissables et de pièges de toutes sortes.
Les nécessités climatériques ont eu une grande influence sur les caractères divers de l'architecture dans les diverses contrées du globe. On pourrait même affirmer que c'est surtout le climat qui a présidé aux règles rationnelles et fondamentales de la construction.
Lorsque Rubens naquit, en 1577, l'école flamande était en pleine décadence : elle n'était plus formée que d'imitateurs du style italien, depuis qu'on avait successivement importé en Flandre des apparences de transformation qui produisaient les effets les plus déplorables. Il y avait longtemps que la simplicité des Van Eyck et des Memling: était oubliée. L'ère de transition entre la naïveté primitive et l'expansion savante, entre le caractère local et le style cosmopolite, était alors entrée dans une période malade, où peu à peu le génie flamand pouvait s'éteindre, si Rubens n'était pas venu.
Il n'y a pas de « beau éternel » ni de « beau que la raison dicte, » ni de « beau qu'approuvent les siècles. » Ce qu'on est convenu d'appeler le Beau se manifeste selon la nature des esprits.
Les arts sont un composé d'éléments en quelque sorte hostiles les uns aux autres : le sentiment et la perspective, la science et l'inspiration, le fait historique et son interprétation par un esprit personnel, l'idée du mouvement à représenter au moyen de traits fixes ou de matériaux rigides, la surface plane d'un tableau et l'espace qui doit y être figuré, la joie ou la douleur animant des substances mortes, etc.
Les expositions ont vulgarisé les beaux-arts , cela n'est pas douteux. Mais en cette circonstance le mot « vulgariser » a une double signification : les expositions, en répandant le goût des beaux-arts, les ont en même temps rendus vulgaires. Des ambitions factices, à la vue de tant de tableaux et de statues, sont nées dans les cœurs des jeunes gens, qui ont cru à une vocation irrésistible. Les académies avaient les bras ouverts pour accueillir ces vocations. L'organisation de l'encouragement était ainsi complète et il n'y avait qua attendre qu elle produisît ses fruits.
Nous sommes en pleine période de production depuis un demi-siècle : on peut donc juger de l'excellence de cette organisation.
Cependant, Louis, pour ne point heurter le sentiment contraire de son père, s'arrangea, quand les cours de l'école de dessin devinrent insuffisants, pour poursuivre ses travaux sans montrer de révolte ouverte. Il trouva, chez un boucher courtraisien, peut-être amateur d'art, une façon d'atelier où il allait peindre en secret, avec cette ivresse qu'on ressent quand on obéit à ses instincts. Lorsqu'il se savait libre pour une demi-journée, il s'enfermait dans son refuge, ou courait à la campagne pour y observer la réalité vivante dans ses séduisantes manifestations.
Il n'y a que deux raisons de marcher en droite ligne dans le chemin de la critique, de la philosophie, de l'esthétique : le premier et le plus commun est d'avoir un parti pris, par exemple de suivre quand même le principe de la révélation, l'idée romantique, une fantaisie déterminée ; le second est de s'appuyer ou sur le vrai, ou sur la justice relative.
Il est rare alors qu'on s'égare. On est dans la bonne ou dans la mauvaise voie, et l'on y reste, sa petite lumière à la main.
S'est-on jamais demandé quelle différence il pouvait y avoir entre les premières maisons construites il y a des milliers d'années et les maisons de nos villageois pauvres ?
On peut affirmer que cette différence est insensible. Nos villageois ont à leur service des instruments perfectionnés et de bons matériaux; ils ont d'excellents moyens de clôture. Mais ils construisent comme des barbares.
Ce sentiment de l'art est sous l'influence du milieu, se prête aux modes, aux attractions, aux excitations momentanées, suit les tendances générales, subit l'autorité des personnalités vigoureuses, se révolte ou s'apaise selon des lois dont on peut déterminer la nature. Et c'est ainsi que se forment les évolutions en avant ou en arrière.