Publié par Unicité, ce court recueil semble tout entier placé sous le sceau du doute. S’interrogeant sur "le sens de la vie, ce fake" (p. 21), cet "artefact" (p. 24), Éric Dubois décrit avec talent l’effacement du souvenir, la disparition, la "nostalgie, cette ombre portée" (p. 22). Décevant, le réel paraît également à la fois fugace et pesant, à l’instar des "bruits du RER" (p. 27) entendus à Joinville-le-Pont, ville d’origine. Une délicate, mais profonde mélancolie, s’exprime ainsi au fil des pages, des ces brèves notes, ces vers libres fragmentaires. On songe parfois à André du Bouchet, tant la phrase est rare, retenue. Car il s’agit de saisir les bribes du monde en une série de clichés, de croquis, d’images fugaces.
Dès lors, puisque tout semble vain, éphémère, comment composer avec l’absence ?, ou encore comment "composer avec l’oubli" ? (p.33). La réponse se trouve déjà dans le titre, inscrit en rouge sur une couverture blanche, sobre et dépouillée, comme pour coller au propos, au style. Seul le verbe, seuls les « langage(s) », semblent en effet devoir répondre à pareilles interrogations. La pratique de la poésie, conçue comme exutoire, sauve du désespoir. "La peau des mots recouvre bien des silences et des incertitudes "(p. 35) déclare ainsi le poète au détour d’une page. À la fois lyrique et théorique, le recueil indique, éclaire, fournit la clé. Pour survivre au monde et dépasser l’absurde, il faut écrire. Et c’est bien cela que s’emploie l’auteur, non sans talent. Sa parole, précisément, permet non seulement de magnifier une réalité dure et creuse, mais encore de dépasser l’effacement, et donc la fin. "Écrire, c’est tutoyer la mort/Dire l’impossible/Écrire ou mourir/On laisse parfois des mots en héritage" (p.26), estime ainsi celui qui place dans la création tout son espoir.
Article d'Etienne Ruhaud paru dans "Diérèse" 80.
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