Sympathique roman façon thriller que j’avais dans ma wish-list depuis un moment, j’ai tout à coup eu l’opportunité de le lire, lorsque le 3e tome de la série (« Qui tue ? » pour ceux qui ne sauraient pas) est paru au catalogue de Lirtuel (la bibliothèque virtuelle belge francophone). J’ai alors découvert que cette bibliothèque avait eu la bonne idée – ce n’est pas toujours le cas pour les différentes séries dont un nouveau tome apparaît au catalogue – de proposer encore les deux tomes initiaux, alors autant commencer par le premier, et puis on verra !
Je dis roman « façon thriller » car, si ce livre en suit les codes jusqu’à un certain point, d’autres éléments essentiels sont tellement négligés que ça m’a fait lever les yeux au ciel. Et ne me dites pas que c’est parce qu’il s’agit d’un roman jeunesse : j’ai déjà lu des thrillers ado autrement plus réalistes sur certains points. Quoique…
En très résumé, je ne vais pas être très originale sur le coup : cinq lycéens aussi différents les uns des autres que possible, se retrouvent collés pour une même heure auprès d’un prof de chimie à l’ancienne. On a là Cooper, le sportif de haut niveau, espoir du baseball ; Bronwyn, l’intello qui vise Yale à l’image de ses parents, pas Américains de souche, ce qui ajoute à la pression ; Addy, la princesse de beauté (pas reine car elle n’a jamais obtenu autre chose que des 2e places aux divers concours auxquels elle a participé), phagocytée par une mère jeuniste, et décérébrée face à son petit ami quelque peu dominant ; Nate, le délinquant en puissance qui vit une situation familiale compliquée, et à la limite de la déscolarisation ; et enfin Simon, créateur d’une appli où sont publiés, sous couvert d’un pseudo-anonymat, tous les petits secrets du lycée.
Hélas (ou pas), durant cette heure de colle, Simon l’hyper-allergique est victime d’une crise, apparemment provoquée, dont il ne ressortira pas vivant, et aussitôt les quatre autres sont soupçonnés. Qui ment, donc, parmi ces quatre grands ados qui savent intimement qu’ils ont chacun quelque chose à cacher, et que Simon avait peut-être bien découvert et pouvait dévoiler à tout moment sur son appli aussi virale que décriée ?
Inquiets pour ce qui pourrait être révélé, démunis face à une police qui tire des conclusions plus que hâtives à tout bout de champ, et dans l’incompréhension devant le fait que Simon est publiquement regretté comme il sied à un adolescent trop tôt disparu, alors qu’il était détesté par bien plus que les quatre soupçonnés, ces derniers s’allient envers et contre tout pour découvrir non pas « qui ment » (même s’ils ont régulièrement des doutes sur l’un ou sur l’autre d’entre eux), mais pour savoir qui a réellement tué Simon, et pourquoi/comment.
On a donc là, à mon sens, bien davantage un roman d’ambiance qu’un thriller, où quatre ados jouent à Cluedo… sauf que pour le coup, c’est pour se sauver eux-mêmes d’une situation qu’ils n’ont pas voulue, mais qui les mène littéralement au fond du trou. Je n’ai jamais été fan des sitcoms ados américaines, mais il se trouve que mes propres enfants (eh oui !) regardent régulièrement les bêtises intersidérales qui passent sur certaines chaînes (que je ne nommerai pas), et j’ai retrouvé dans ce livre certaines ambiances que l’on peut voir dans ces séries télévisées destinées aux ados, avec notamment des personnages tellement typiques qu’ils en deviennent ultra-stéréotypés. Or, ici avec quatre aussi différents que possible, l’autrice a fait fort.
Certes, ils vont tous les quatre évoluer, et en plus vers un mieux chacun à sa façon, retournant leurs pires faiblesses, leurs secrets les mieux enfouis, en atouts ; de telle façon, d’ailleurs, que c’est plutôt attendu, en tout cas aucune situation de ces différents protagonistes ne m’a particulièrement surprise. Il y a certes eu quelques mini-surprises (l’évolution d’Addy étant, à mon sens, la plus spectaculaire), c’était quasi-cousu de fil blanc pour chacun d’eux.
Cela dit, je précise de suite : je ne considère pas forcément cela comme un défaut ! J’ai dit roman d’ambiance, et clairement, c’est une ambiance immersive, on a vraiment envie de savoir comment ces quatre jeunes gens devenus complices, bien malgré eux, dans la recherche de la vérité, vont s’en sortir alors que tout semble se liguer contre eux, au fil de divers rebondissements pas extraordinaires, mais qui suffisent à entretenir l’intérêt du lecteur.
Par contre, comme je disais plus haut, c’est l’aspect prétendument thriller qui me laisse dubitative, moi la lectrice assidue de polars et autres thrillers, justement… D’emblée, nos quatre jeunes gens vont relever les points faibles de l’enquête : le professeur de chimie, pourtant lui aussi présent dans la même pièce durant l’heure de colle, ne sera pas inquiété un seul instant ; Simon était détesté par la majorité du lycée, mais tout à coup il est tellement adulé qu’on dirait une vraie victime, ce n’est pas réaliste. Et, sans vouloir divulgâcher, certains éléments plus tardifs - je pense évidemment à l’arrestation de Nate, après que des pseudo-preuves sont apparues dans son casier, alors qu’elles n’y étaient pas lors d’une première fouille, mais tout le monde, et certainement la police, trouve cela « normal » – sont tellement « gros » et irréalistes qu’on ne peut accrocher.
Autrement dit : l’incompétence de la police (qui est pourtant incarnée à travers quelques personnages récurrents et pas tout à fait idiots) est tellement criante qu’on finit par se demander si l’autrice a un compte à régler avec ce service public, mais c’est carrément surréaliste, ou pour le moins très peu réaliste. On peut comprendre qu’elle joue là-dessus pour les besoins de son roman, et faire de ses quatre soupçonnés les véritables protagonistes, mais au point se poser les questions les plus basiques que toute police digne de ce nom aurait dû souligner dès le début de l’enquête, pour moi, ça ne marche pas.
En outre, si l’on considère la définition que donne Le Robert d’un thriller : « Film (policier, fantastique), roman, récit qui provoque des sensations fortes. », sachez que je recherche encore lesdites sensations fortes, et je doute que le public – jeunesse, rappelons-le - visé par ce livre en ressente vraiment davantage, exposé comme sont nos jeunes à tant de sollicitations autrement fortes au quotidien ! On peut certes se tourner vers la définition proposée par Wikipédia : « Le thriller (anglicisme, de l'anglais to thrill : « faire frémir ») est un genre artistique utilisant le suspense ou la tension narrative pour provoquer chez le lecteur ou le spectateur une excitation ou une appréhension et le tenir en haleine jusqu'au dénouement de l'intrigue. », et se dire que l’autrice a effectivement réussi à tenir ses lecteurs en haleine, même si, comme dit plus haut, rien ne m’a vraiment semblé ultra-surprenant. Le pendant d’une telle affirmation est, évidemment, que tout a été remarquablement bien amené, certes. Mais l’excitation, « frémir » comme le voudrait l’origine anglaise du mot, je les cherche encore…
Bref, c’est pour moi un roman d’ambiance ado très réussi, grâce à une ambiance réellement immersive, des personnages très typés voire stéréotypés mais qui vont évoluer (d’une façon assez attendue pour chacun d’entre eux, disons cohérente), grâce à une espèce de Cluedo grand format car c’est leur propre crédibilité, leurs propres secrets et leur avenir qui sont en jeu. Le côté thriller en revanche me laisse dubitative, car s’il y a bien une tension narrative, ce livre n’a pas réussi à me faire frémir une seule seconde, ni dans ses situations, ni pour ses personnages.
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