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Un enterrement dans l'île

Une riche sélection des textes de l’un des plus grands (et des plus joliment bizarres) poètes écossais du XXème siècle.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/03/16/note-de-lecture-un-enterrement-dans-lile-hugh-macdiarmid/



Hugh MacDiarmid (1892-1978) est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands poètes écossais du XXe siècle. Simultanément farouche nationaliste écossais et fervent communiste internationaliste, il sera au cours de sa vie tour à tour exclu des deux partis correspondants, les deux organisations supportant fort mal cette double allégeance réputée hautement incongrue. Journaliste à ses débuts, il sera infirmier sur les fronts grec et français lors de la première guerre mondiale (son retour à la vie civile aurait quasiment put s’inscrire dans le beau roman « L’étoile du matin » de Wu Ming 4, aux côtés de ceux de J.R.R. Tolkien, de C.S. Lewis et de Robert Graves). Son premier recueil de poèmes est publié en 1923, à compte d’auteur, le deuxième trouve un éditeur en 1925, et presque une trentaine s’enchaîneront jusqu’à sa mort en 1978, en plus d’une dizaine d’essais parfois fort controversés, d’une autobiographie (« Lucky Poet ») et de quelques anthologies de poésie écossaise. Artisan infatigable de ce qui sera appelé ensuite la Renaissance écossaise – en étroite résonance, dans son cas, avec le modernisme britannique d’Ezra Pound ou de T.S. Eliot, il écrira à la fois en écossais synthétique (une langue développée pour assembler les principaux dialectes du pays) et en anglais, tout en n’ayant jamais masqué, tout au long de sa carrière et de sa vie, une profonde anglophobie (anglophobie qui l’entraînera hélas durant une grosse quinzaine d’années, entre 1923 et 1939, à une bien triste sympathie pour le fascisme tel qu’incarné par Mussolini, dans lequel il discernait un aiguillon pour que l’Écosse secoue le joug britannique, avant de se « reprendre » plus tardivement).



Les 43 poèmes rassemblés dans ce recueil, publié en 2016 aux éditions Les Hauts-Fonds, ont été choisis et traduits par Paol Keineg. Leur publication originale prend place entre 1923 et 1974, proposant ainsi un vaste parcours au sein d’une œuvre volontiers foisonnante, parcours qui vient combler, grâce à la persévérance du poète et traducteur breton (récompensé notamment par le prix Maurice-Edgar Coindreau en 1995 pour son travail sur William Bronk) un long manque de présence dans notre langue de l’expérimentateur acharné, tant au plan linguistique (il écrivit, comme mentionné plus haut, en anglais et en écossais synthétique – d’une manière parfois jugée difficile à saisir, comme il le mentionne lui-même avec un humour certain dans le poème « L’antisyzygie calédonienne » , où il joue à nouveau avec ce concept de dualité écossaise inventé en 1919 par le critique littéraire George Gregory Smith), et ouvrit aussi sa poésie à une myriade de termes empruntés à d’autres langues et même à divers lexiques scientifiques fort spécialisés) qu’au plan thématique, que fut le natif de Langholm.



On trouvera ici aussi bien des pièces ultra-courtes, proches de l’aphorisme poétique, telles que « L’imbécile » (1923), « L’arme » (1930), « Le squelette du futur » (1934) ou « Comme font les amants » (1935), des pièces plus longues, comptant sans doute parmi les plus connues de l’auteur, comme « Harry Semen » (1934) ou « Dans les taudis de Glasgow » (1935), et quelques morceaux de bravoure hallucinants, de plus d’une dizaine de pages parfois, parmi lesquels se distingue magnifiquement « Un enterrement dans l’île » (1939), dans lequel on jurerait voir rôder la haute silhouette du personnage joué par Jacques Dufilho extraite du « Cheval d’orgueil » (1980) de Claude Chabrol, adapté du récit publié en 1975 par Per Jakez Helias – sachant néanmoins que certains des plus longs poèmes de l’auteur, « Deuxième hymne à Lénine » (1932) ou « In Memoriam James Joyce » (1955) notamment, sont présentés à partir d’extraits significatifs, mais pas dans leur intégralité.



Dans sa brève et pertinente introduction, Paol Keineg mentionne les résonances de Hugh MacDiarmid avec Guillevic et avec Pier Paolo Pasolini, pour la forme subtile de mysticisme avec laquelle il appréhende le fait politique en religion. Il me semble bien que l’on pourrait y ajouter certaines lignes de fuite du côté de Hans Magnus Enzensberger – dont le « Mausolée » de 1975 aurait parfaitement pu être nourri par un texte tel que le « Science et poésie » (1943) de l’Écossais -, ainsi que de Gary Snyder (pour cette discrète science des bassins versants et des politiques qu’ils induisent que semblent partager les deux auteurs). En lisant aujourd’hui cette poésie à l’importance historique si indéniable, on est toutefois surtout frappé par la diabolique pertinence de ces mots rageurs dont la beauté et l’ironie ne sont jamais absentes. Hugh MacDiarmid (ce pseudonyme choisi par Christopher Murray Grieve qui fut, comme le souligne Kenneth Butlay dans sa biographie critique de 1964, davantage un nom de guerre qu’un nom de plume) aura manifestement su tout au long de sa vie d’écrivain allier un sens profond, et largement avant la lettre, de ce qu’une écologie socialiste et prolétaire pourrait être, et une audace malicieuse pour la donner à ressentir en partage.



La photographie ci-dessous (® Fiona Jeffrey) est celle du mémorial Hugh MacDiarmid, sculpture géante installée par Jake Harvey en 1985 sur l’un des collines au-dessus de Langholm, sa ville natale.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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