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EAN : 9782919171149
128 pages
Les Hauts Fonds (01/07/2016)
4.67/5   3 notes
Résumé :
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Une riche sélection des textes de l'un des plus grands (et des plus joliment bizarres) poètes écossais du XXème siècle.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/03/16/note-de-lecture-un-enterrement-dans-lile-hugh-macdiarmid/

Hugh MacDiarmid (1892-1978) est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands poètes écossais du XXe siècle. Simultanément farouche nationaliste écossais et fervent communiste internationaliste, il sera au cours de sa vie tour à tour exclu des deux partis correspondants, les deux organisations supportant fort mal cette double allégeance réputée hautement incongrue. Journaliste à ses débuts, il sera infirmier sur les fronts grec et français lors de la première guerre mondiale (son retour à la vie civile aurait quasiment put s'inscrire dans le beau roman « L'étoile du matin » de Wu Ming 4, aux côtés de ceux de J.R.R. Tolkien, de C.S. Lewis et de Robert Graves). Son premier recueil de poèmes est publié en 1923, à compte d'auteur, le deuxième trouve un éditeur en 1925, et presque une trentaine s'enchaîneront jusqu'à sa mort en 1978, en plus d'une dizaine d'essais parfois fort controversés, d'une autobiographie (« Lucky Poet ») et de quelques anthologies de poésie écossaise. Artisan infatigable de ce qui sera appelé ensuite la Renaissance écossaise – en étroite résonance, dans son cas, avec le modernisme britannique d'Ezra Pound ou de T.S. Eliot, il écrira à la fois en écossais synthétique (une langue développée pour assembler les principaux dialectes du pays) et en anglais, tout en n'ayant jamais masqué, tout au long de sa carrière et de sa vie, une profonde anglophobie (anglophobie qui l'entraînera hélas durant une grosse quinzaine d'années, entre 1923 et 1939, à une bien triste sympathie pour le fascisme tel qu'incarné par Mussolini, dans lequel il discernait un aiguillon pour que l'Écosse secoue le joug britannique, avant de se « reprendre » plus tardivement).

Les 43 poèmes rassemblés dans ce recueil, publié en 2016 aux éditions Les Hauts-Fonds, ont été choisis et traduits par Paol Keineg. Leur publication originale prend place entre 1923 et 1974, proposant ainsi un vaste parcours au sein d'une oeuvre volontiers foisonnante, parcours qui vient combler, grâce à la persévérance du poète et traducteur breton (récompensé notamment par le prix Maurice-Edgar Coindreau en 1995 pour son travail sur William Bronk) un long manque de présence dans notre langue de l'expérimentateur acharné, tant au plan linguistique (il écrivit, comme mentionné plus haut, en anglais et en écossais synthétique – d'une manière parfois jugée difficile à saisir, comme il le mentionne lui-même avec un humour certain dans le poème « L'antisyzygie calédonienne » , où il joue à nouveau avec ce concept de dualité écossaise inventé en 1919 par le critique littéraire George Gregory Smith), et ouvrit aussi sa poésie à une myriade de termes empruntés à d'autres langues et même à divers lexiques scientifiques fort spécialisés) qu'au plan thématique, que fut le natif de Langholm.

On trouvera ici aussi bien des pièces ultra-courtes, proches de l'aphorisme poétique, telles que « L'imbécile » (1923), « L'arme » (1930), « le squelette du futur » (1934) ou « Comme font les amants » (1935), des pièces plus longues, comptant sans doute parmi les plus connues de l'auteur, comme « Harry Semen » (1934) ou « Dans les taudis de Glasgow » (1935), et quelques morceaux de bravoure hallucinants, de plus d'une dizaine de pages parfois, parmi lesquels se distingue magnifiquement « Un enterrement dans l'île » (1939), dans lequel on jurerait voir rôder la haute silhouette du personnage joué par Jacques Dufilho extraite du « Cheval d'orgueil » (1980) de Claude Chabrol, adapté du récit publié en 1975 par Per Jakez Helias – sachant néanmoins que certains des plus longs poèmes de l'auteur, « Deuxième hymne à Lénine » (1932) ou « In Memoriam James Joyce » (1955) notamment, sont présentés à partir d'extraits significatifs, mais pas dans leur intégralité.

Dans sa brève et pertinente introduction, Paol Keineg mentionne les résonances de Hugh MacDiarmid avec Guillevic et avec Pier Paolo Pasolini, pour la forme subtile de mysticisme avec laquelle il appréhende le fait politique en religion. Il me semble bien que l'on pourrait y ajouter certaines lignes de fuite du côté de Hans Magnus Enzensberger – dont le « Mausolée » de 1975 aurait parfaitement pu être nourri par un texte tel que le « Science et poésie » (1943) de l'Écossais -, ainsi que de Gary Snyder (pour cette discrète science des bassins versants et des politiques qu'ils induisent que semblent partager les deux auteurs). En lisant aujourd'hui cette poésie à l'importance historique si indéniable, on est toutefois surtout frappé par la diabolique pertinence de ces mots rageurs dont la beauté et l'ironie ne sont jamais absentes. Hugh MacDiarmid (ce pseudonyme choisi par Christopher Murray Grieve qui fut, comme le souligne Kenneth Butlay dans sa biographie critique de 1964, davantage un nom de guerre qu'un nom de plume) aura manifestement su tout au long de sa vie d'écrivain allier un sens profond, et largement avant la lettre, de ce qu'une écologie socialiste et prolétaire pourrait être, et une audace malicieuse pour la donner à ressentir en partage.

La photographie ci-dessous (® Fiona Jeffrey) est celle du mémorial Hugh MacDiarmid, sculpture géante installée par Jake Harvey en 1985 sur l'un des collines au-dessus de Langholm, sa ville natale.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Mes chants sont kandym sur la Terre vaine

Par-dessus tout, je maudis et combats
La perle lépreuse de la culture capitaliste
Qui ternit tout ce à quoi elle ne peut donner
Son éclat superbe.

Dans sa faculté de créer se cachent quelque part
Un vice, une qualité absurde et capricieuse
Qui n’apporte aucune réponse humaine,
Mais un vide diabolique.

Pour les grandes masses humaines la culture capitaliste
Ressemble à la gestion prédatrice par l’Amérique
De sa forêt, de ses pâturages, de ses terres labourées
Qui amplifie les inondations et qui en saison sèche
Réduit l’écoulement des rivières à un filet d’eau.

Cent millions d’arpents, qui faisaient vivre
Un million de familles, complètement détruits par l’érosion,
Neuf millions d’arpents détruits par le vent,
Et des centaines de millions d’autres endommagés,
Forêts rasées à la hâte,
Sols détruits par le feu,
Pâtures changées en désert,
Bouleversement tragique de l’hydrologie
Qui fait que l’eau ruisselle
Au lieu de s’infiltrer dans le sol
Afin d’abreuver les plantes et remplir les puits et les sources,
Et les bâtisseurs de digues en essayant de gagner
Le Mississippi de vitesse, le dressent sur des pilotis
D’où tôt ou tard il retombera.

Maîtrise de l’érosion, régulation des fleuves,
Contrôle des inondations, de l’envasement, de l’énergie hydroélectrique.
Je me détourne du spectacle affligeant
D’un gaspillage sans limite et me mets à, comme on dit,
Gad im ghainimh (entourer le sable d’osier).
La végétation finira par pousser dans le sable
Si on ne la dérange pas. Cela prendra du temps.
Cependant la végétation parvient à s’établir
Sur plusieurs milliers d’années,
Et ma poésie sera comme le kandyn
Qui n’avance pas pied à pied
Mais fait des bonds en avant, saute en l’air.
Et la petite graine saute à sa suite comme une balle.
Le sable vient après, mais le sable est plus lourd
Et ne peut rattraper la petite graine
Et l’enterrer. Mais quand la graine s’enracine,
Quand le buisson grandit, le buisson ne peut imiter
La graine et sauter.
Comment va-t-il se protéger
Du sable qui par vagues empiète ?
Il n’est pas si facile d’enterrer le kandym.
Il ne possède pas de branches comme
Le pêcher ou l’abricotier : ses branches
Sont minces et ne portent pas de feuilles.
Quand le sable avance, le kandym ne cherche pas à l’arrêter,
Il le laisse couler entre ses branches,
Il lui fait une place.

Mais les vents de sable sont si forts
Qu’ils finissent par enterrer le kandym.
Alors une course de vitesse s’engage : la dune grandit, le kandym grandit.
La dune grandit plus vite, le kandym grandit encore plus vite.
Et quand la dune a atteint sa plus haute taille,
On découvre que la plante l’a dépassée.
Ses petits poils verts s’agitent dans le vent
Au sommet de la dune.
Elle a non seulement gagné en hauteur, elle s’est ramifiée.
Ses branches sortent de la dune tout entière.
Le vent poursuit sa route, abandonnant
Une bonne moitié de son sable.
Ainsi le petit kandym a arrêté la progression de la dune,
La changeant en un monticule
Couvert de végétation.

N’y a-t-il pas un ultime danger ?
Le vent peut-il déplacer le sable
Et mettre les racines à nu ?
Le kandym sait aussi se battre contre le vent.
À plat il fait courir de petites racines
Qui fixent le sable sur place.
De cette façon il retient la terre
Et en fait une position stratégique.
Mes chants sont kandym sur la Terre vaine.
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Conseil aux jeunes écrivains

De jeunes écrivains me demandent une règle de conduite.
Je leur réponds ainsi, peut-être de la façon la plus profitable :
« Souvenez-vous, la meilleure neige pour faire du ski
Est aussi celle qui entraîne les avalanches. »

Ou encore : « Un écrivain est un univers dont les instants
Ne peuvent se traduire en équations et dont les forces dérégleront toujours
Les quadrants de la science. Seule la terre peut être écrite par ses saisons.
Les compartiments étanches ne sont utiles que pour le navire qui coule. »

Ou encore : « Rappelez-vous comment, séparés de la forêt,
Les arbres tendent à devenir caducs
Qui autrement auraient gardé un feuillage persistant. »
De tels faits nous montrent le chemin.
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La poésie est-elle morte ? Les guerres, l’Age des Robots, l’effondrement de la civilisation
Tout cela dérange et fâche, il est vrai
– Mais seulement à la façon dont le pêcheur, après que la poule d’eau a pris son envol dans les éclaboussures,
Pendant une minute ou deux voit fuir le poisson qui remontait à la surface !

*

Is poetry done for? Wars, the Robot Age, the collapse of civilization,
These things are distracting and annoying, it is true
—But merely as to an angler a moorhen’s splashing flight
That only puts down a rising fish for a minute or two!

***
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L’avenir de la poésie

La poésie est-elle morte ? Les guerres, l’Âge des Robots, l’effondrement de la civilisation,
Tout cela dérange et fâche, il est vrai
– Mais seulement à la façon dont le pêcheur, après que la poule d’eau a pris son envol dans les éclaboussures,
Pendant une minute ou deux voit fuir le poisson qui remontait à la surface !
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Comme font les amants

Au comble de la passion moi aussi
Comme les amants
Je ne peux parler d’une voix brisée
Que de petits riens.

L’idiotie incohérente
Je ne le sais que trop bien
Est la seule langue
Que Dieu peut entendre.
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