De Kimberly Blaeser, vingt-et-un poèmes contemporains de la nation amérindienne anishiinabe, bouleversants de précision politique, de justesse humaine et de souffle combattant.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/04/12/note-de-lecture-resister-en-dansant-kimberly-blaeser/
Sur un terrain pas si éloigné bien entendu de celui parcouru par le cinéaste Michael Apted dans son exceptionnel « Cœur de tonnerre » (1992), autour du sort des réserves indiennes aux États-Unis, de l’incident de Pine Ridge et de l’occupation de Wounded Knee, ou même de celui, multiforme, hantant les rêves aussi bien de John Trudell que de Stéphane Le Carre, terrain maudit de la spoliation et de l’éradication aussi méthodiques que débridées des Américains natifs par les envahisseurs européens bien équipés de leurs certitudes religieuses et de leurs avidités déguisées en soifs de liberté, Kimberly M. Blaeser apporte au fil de ses poèmes élégamment rageurs plusieurs notes essentielles.
Tout d’abord, comme en écho au William T. Vollmann entrechoquant le passé et le présent, dans « Les fusils » ou dans « Argall » et « Fathers and Crows » (deux des « Sept Rêves » non traduits en français à ce jour), ou à l’Éric Plamondon de « Taqawan », il s’agit bien, face aux négationnistes ou aux simples « fatigués » de tout poil, de rappeler et de souligner la contemporanéité et l’actualité de la spoliation : le génocide est ancien, la privation des droits l’est beaucoup moins, et l’oppression socio-politique n’a pas disparu.
Ensuite, sur un chemin parallèle à celui retenu par John Keene dans ses « Contrenarrations », en matière d’afro-américanisme, ou comme l’élaboraient les Wu Ming de « Manituana », et avec ici un rare bonheur dans le maniement du jargon juridique et pseudo-juridique de l’appropriation illégitime (au bonheur des traités), de rappeler encore, et d’affirmer clairement, que la spoliation est aussi – et parfois surtout – affaire de narration et de langage.
Enfin, en une émulation inattendue et symbolique du travail du sous-commandant Marcos, non les armes à la main mais l’imagination mythographique en action (dans « Don Durito de la forêt Lacandone », par exemple), en parfaite résonance aussi, à nouveau, avec les Wu Ming du « Nouvel épique italien », il s’agit bien d’inventer d’autres voies de revanche et de résistance a posteriori, sans contrainte folklorique et en adéquation avec une nature nécessairement conçue autrement (et l’on songera peut-être ici aux chemins d’émancipation, incertains et magnifiques, tracés par la Marie-Andrée Gill de « Béante », de « Frayer » ou de « Chauffer le dehors »).
Et c’est bien ainsi que la poésie constitue un combat tout de beauté et de subtilité.
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