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La Québécie

Dans ce roman, nous suivons le parcours d’une étudiante en recherche à l’Université qui ne manque pas de fougue. Marie-Sylvie fait sa thèse en histoire sur un sujet controversé : la Québécie.



Habituellement, dans l’utopie traditionnelle, les protagonistes tombent par hasard sur une île, un lieu géographique isolé du monde, complètement fantastique où ils découvrent la société rêvée aux conditions parfaites pour que règne le bonheur et la paix entre tous les êtres humains. Ce dispositif littéraire qui consiste à situer le pays idéal du roman en un coin du monde totalement fictif, tel qu’utilisé par Platon, More et Bacon, dans le but d’éviter la censure des autorités de leur temps, est contourné ici : en effet, la Québécie à laquelle Marie-Sylvie s’intéresse a déjà existé et elle existe peut-être encore et toujours quelque part, plus précisément au Québec, cette petite province francophone perdue dans le Canada, en Amérique du Nord.



C’est donc trois niveaux de danger réel qui se déploient dans ces pages. À la fois pour l’héroïne, qui poursuit son but de reconstruire un pays qui a été presque tout détruit dans le passé par l’ennemi qu’est le nouveau pouvoir établi, à la fois pour son auteure, qui, comme son nom le dit, prend la chance d’en faire le récit en donnant des indices sur les coordonnées géographiques de l’utopie, sans compter le risque éventuel aussi pour le lecteur, qui se retrouve, au fil des pages, pris par le talent et l’audace de Francine, car en effet, cette utopiste possède ce rare talent de toucher directement les idées et le cœur, appelant au questionnement celui qui la lit, puis à la transformation, littéralement.



Qui est nostalgique de la Grande Culture, d’un idéal d’humanisme lié à un certain âge d’or de la civilisation occidentale sera certainement ému par le style de cet ouvrage empreint d’excellence. Les idées que l’on y retrouve sont aussi ingénieuses que bouleversantes, procédant d’un renversement de valeurs qui rend tout à coup la société dans laquelle on vit presque gênante…



Je ne peux m’empêcher d’imaginer ce qu’aurait été mon propre parcours à l’université si j’avais été inscrit en Québécie, jouant aux dés une partie de mes notes et étudiant selon un cursus que j’aurais moi-même établi, choisissant l’enseignement de professeurs totalement indépendants qui donnent les cours dans leur salon. Il y a aussi étrangement cet esprit soixante huitard chez Lachance, ce qui nous donne un indice sur l’âge réel de l’écrivaine mystérieuse. Car à la réflexion, quoiqu’une tendance naturelle m’ait porté à identifier l’auteure à son personnage principale de Marie-Sylvie, il est fort improbable dans les faits que Francine Lachance ait été une jeune adulte à l’époque où l’ouvrage a été publié en 1990.



Mais, je ne voudrais pas m’attarder trop sur ce mystère déconcertant. Après quelques recherches infructueuses, mon sentiment qu’une volonté d’anonymat quasi absolu soit préservé autour de la personne de l’écrivaine, comme si elle s’intégrait à l’œuvre, rejoignant ainsi dans une certaine mesure l’une des valeurs ou qualités principales de la Québécie, c’est-à-dire la générosité, s’est rapidement confirmé. Mise à part une entrevue qu’elle a accordée à Anne Staquet peu après la sortie du roman, le Web ne contient pas d’autres signes de vie de Francine Lachance !



Diantre ! Serait-ce un hasard ? Difficile d'imaginer une telle attitude à notre époque où nous laissons une bonne part de notre identité aux réseaux sociaux tout en accordant du crédit à la célébrité...
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La Québécie

C'est l'histoire d'amour incestueuse la plus étrange, la plus intellectuelle que j'aie jamais lue de ma vie !



Ah, mais c'est aussi une grande utopie…. En effet, et probablement la plus grande produite au XXIe siècle…



L'autrice savante nous fait la narration de la description d'une société idéale qu'il est impossible de réfuter malgré le malaise que son récit audacieux, fondé sur une critique acerbe de l'état actuel de notre civilisation, provoque. Sur les lois, la religion, la famille, tout est remis en question.



Quoi qu'il en soit, c'est vraiment un ouvrage torride qui me laissera à jamais visiblement sous le choc. Avis à ceux qui aiment les idées, les jeux de logique et de rhétorique, vous ne serez pas en reste avec ce livre qui refait le monde jusque dans ses moindres fondements en deux temps trois mouvements, sans laisser de côté le meilleur pour la fin (l'amour!), en faisant croire que ce n'était vraiment pas ça le point…

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La Québécie

Jamais, de sa vie, un baron ne fût mit devant autant de points d'interrogations !



Dabord, la Québécie, qu'est-ce que c'est ? Est-ce un roman, même si c'est en fait stricto sensu une utopie ? Publiée en 1990, je n'ai trouvé, dans le genre au XXe siècle, qu'un seul autre titre pour le comparer : le jeu des perles de verre d'Hermann Hesse, paru en 1943 et interdit en Allemagne à cause des idéaux qui y sont décrits, absolument contraires au régime nazi.



Tandis que l'oeuvre de Hesse prend la forme d'un récit biographique qui raconte la vie d'un Maître qui évolue à l'intérieur d'une société utopique, celle de Lachance prend celle d'un hybride entre d'une part, le travail de recherche universitaire d'une étudiante en histoire qui tente de reconstituer une civilisation « disparue » et de l'autre, son carnet de notes plus intime, tout cela entrecoupé d'essais dramaturgiques intitulés les « scènes québéciennes ».



Au niveau formel, c'est donc une oeuvre à part, dont l'innovation s'inspire du traitement de texte sur ordinateur. Les logiciels qui permettent la « refonte continuelle » d'un travail au cours de sa progression sont en effet responsables de son caractère inclassable, selon ce que des indications dans la préface nous précise. Mais, qu'à cela ne tienne ! Si le jeu des perles de verre, pour reprendre ma comparaison, est volumineux, comme le genre biographique souvent l'exige, la Québécie, en revanche, a le mérite d'être on ne peut plus concis, sans pour autant négliger ni le côté subjectif des romans ni le côté objectif des utopies philosophiques (on retrouve en effet tous les éléments classiques, rationnels de la représentation de sociétés idéales comme c'est le cas dans La Nouvelle Atlantide de Bacon ou l'Utopie de More), et tout ça grâce à sa nouvelle forme hybride des plus audacieuses. Voilà pour l'innovation.



Ensuite, dans ce qui apparaît comme un chaos d'idées, de formes et d'images, on retrouve finalement un tableau parfaitement cohérent pour ce qui est de la constitution, des lois, des moeurs, de la religion, de l'esprit de cette société idéale au statut ambiguë puisqu'elle a existé avant la Révolution, elle fait partie de l'histoire du pays de la charmante Marie-Sylvie et que plusieurs éléments de sa réalité semblent lui suggérer qu'elle existe peut-être encore. Sans compter qu'elle est située dans un lieu géographique réel, la province de Québec au Canada. La révolution évoquée dans le roman évoque clairement celle qui a eu lieu au début des années 70 là-bas alors que le peuple francophone s'était mis à rêver de se séparer du reste de la confédération canadienne majoritairement anglophone pour se constituer un pays. La situation de cette province est souvent comparée à celle des Catalans en Espagne. Néanmoins, qu'on ne s'y méprenne, ce curieux petit livre n'est pas du tout un pamphlet souverainiste aux couleurs politiques régionales. Au contraire, même si l'histoire se déroule sur une situation et un territoire géopolitique précis, il semble que la critique et l'idéal qui y est décrit porte bien au-delà de l'histoire particulière et réelle de ce pays, elle porte sur l'ensemble de la culture occidentale et tend justement à l'Universel.



Par ailleurs, le contenu de cet idéal comme tel, le coeur de la Québécie ne me laisse pas moins stupéfait que sa forme étrange. Dans ce livre, c'est tout le principe de notre code juridique, notamment, qui apparaît, à la lumière du Recueil du pays idéal, injuste, désuet, inadéquat. Il y a aussi la famille telle qu'on la connaît, l'institution, qui, depuis le début des générations, est un déterminant essentiel dans le caractère et la destinée des hommes, qui est remise en question. Paradoxalement, tout est laissé au hasard en Québécie, et pourtant rien ne semble plus parfait, plus cohérent que les nouveaux principes qui sont proposés et qui fondent cette société.



En lisant cet opus, je me suis à la fois scandalisé et émerveillé. J'ai beau tourner et retourner les idées avancées dans ce livre, je n'arrive pas à les réfuter au niveau théorique, même si elles me semblent, appliquées au concret, légèrement dénaturées. Je me suis laissé pourtant séduire, transporté par la limpidité de l'ouvrage, l'esprit ultra-lucide de Francine Lachance et sa plume exercée. Je ne peux m'empêcher de concéder à la part de malaise que son livre a créée en moi une sorte de vérité.



Enfin, ce qui m'étonne le plus de la Québécie, c'est sa réception – elle semble être demeurée jusqu'à présent tout à fait marginale - et l'anonymat de son écrivaine. Après avoir fait quelques recherches sur ce livre fascinant, je n'ai trouvé qu'une seule entrevue que cette dernière a accordée à la suite de la parution de ce qui semblerait être son seul et unique livre. le site de la maison d'éditions qui a publié le texte, où mes recherches m'ont principalement mené, n'est pas moins mystérieux que le sort de cet ouvrage obscur. Nous ne sommes plus à l'heure de la censure d'un régime comme celui des nazis mais enfin le fait que La Québécie soit resté assez méconnu nous laisse croire qu'elle subit une répression de la part d'une certaine forme de pensée dominante.



À lire !
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