Goater [corriger]

De nombreuses originalités à cette œuvre capitale :



Des bande-dessinées en noir et blanc, d'un format qui n'est ni le format classique des BD ni le format manga.

Des dessins stylisés, dépouillés et symboliquement très forts (quand elle évoque les morts de la guerre par exemple, la torture, la fin du Chah, les islamistes).



Ce sont des mémoires, le récit autobiographique de l'auteur à partir de ses 10 ans en 1980.

Elle raconte la fin du règne du Chah, l'arrivée des islamistes, la peur, l'absurdité des règles, les morts, son départ pour l'Allemagne, sa vie quotidienne, sa famille, la libération sexuelle, le retour en Iran, son mariage, son divorce et son départ définitif pour la France en 1994.



On peut parler de la 1ère bande-dessinée iranienne, avec, dans le volume 1, une introduction historique et plusieurs années d'histoire avec un grand H, à travers l'histoire d'une famille, et plus particulièrement celle de Marji, entre ses 10 et 24 ans.



On ne peut rester indifférent à cette série et quand on a lu le 1er, on n'a qu'une envie, c'est de lire la suite...et quand on a fini, on voudrait que cela continue !



On vit avec Marji et sa famille, plongé en pleine histoire iranienne, avec la peur, le ridicule, le scepticisme, la fuite, l'exil, la solitude, le doute, l'envie d'en sortir, la douleur, les séparations, les adieux, le deuil, la souffrance, la méfiance, la révolte, l'amour.



Dans le tome 1, on assiste à la fin du règne du Chah, avec son lot d'atrocités et d'injustices, avec ses révolutionnaires martyres, la joie du peuple et tout son espoir.

Puis, ont lieu les élections et là, coup de massue, 99.99% de voix pour les islamistes.

Les conséquences ne tardent pas à se faire ressentir : fermeture des universités, port du voile obligatoire pour les femmes, lectures à proscrire, vin et alcool interdit, port de la barbe souhaitable pour les hommes et début de la guerre avec l'Irak.

Il n'y a plus aucune liberté d'agir, de penser, de parler.

On doit se méfier de tout le monde, on peut subir la délation, l'arrestation pour un oui, pour un non.

Après En direct de la planète minuit de Nalo Hopkinson, également paru dans la même collection Rechute des éditions Goater, me voici une nouvelle fois déçu par la traduction de Nardjes Benkhadda, par trop littérale et proche de l'anglais, abusant de formulations peu naturelles en français mais familières au lecteur maîtrisant la langue source.

C'est dommage, puisque la maison bretonne semble s'efforcer de promouvoir une SF de qualité et sérieuse, prenant le pari audacieux de mêler nouvelles, essais et interviews dans un écrin attrayant d'un point de vue visuel, et à prix concurrentiels. Mais la traduction rebute, laissant trop clairement apparaître l'original et, par la même occasion, son incapacité à se montrer aussi percutante que celui-ci.

Cet ouvrage est écrit entre 2014 et 2015, ce sont des portraits puis des entretiens avec toutes sortes de personnes féministes et queers sur la la parentalité et l'éducation des enfants.

L'autrice est une artiste, féministe, mère, pro-sexe. Elle milite pour des alliances entre personnes trans, racisées, TDS, féministes.

Son propre témoignage en préface annonce la couleur de ce qui va suivre. Il est question de maternité, de sexualité, d'organisation parentale et familiale, de grossesse et d'accouchement, de violences obstétricales... les personnes interrogées sont souvent proches des milieux que fréquente l'autrice (artistes et queers), mais pas toujours (elle a aussi été contactée par des personnes dans le cadre de son projet).

Elles parlent de plaisir et de douleur, ce sont souvent des expériences corporelles qui sont décrites.

Chacun•e partage sa représentation de la maternité, abordant les thèmes de l'écosexualité, du décolonialisme, de l'éducation à la sexualité, d'intersexuation, de parentalité trans, d'allaitement partagé, de coparentalité, d'activisme comme le "lactivisme" (par l'allaitement) et de matriactivisme (par la maternité)... Des mères témoignent d'accouchements extatiques (dits aussi orgasmiques), dont j'avais entendu parler sans jamais lire de récits aussi poussés.

Je suis loin de me reconnaître dans tous les discours, certains sont un peu perchés pour moi, mais j'aime les visions larges de la parentalité et de la famille, et les témoignages sont très interessants, ils donnent du grain à moudre.

Un ouvrage plutôt fascinant donc !