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Trois fois la mort de Samuel Ka

« Résistante ? On va retirer la majuscule et dire « résistante » avec un petit r. Résistante au quotidien. Aux forces armées de la quotidienneté. À l’occupation par l’état des choses. À l’état de fait. À l’état de fait des choses comme elles sont. »

À Nanterre, en ces jours de Mai 2024, une reconstitution est faite pour comprendre la mort du jeune Nahel. Pourquoi un motard de la police a-t-il tiré sur lui ? Était-il en danger de mort ? Face aux déclarations contradictoires, qui croire ?

À Marseille, en Juin 2023, certains quartiers sont à feu et à sang. Antoine se souvient des Boqueteaux, une cité près de Paris. Un vol avec violence dans une bijouterie commis par trois jeunes avait eu de fâcheuses conséquences. Descentes de police, mutineries, insurrection. Et puis la mort de Samuel. Légitime défense vu qu’il avait dans les mains un fusil à pompe. On passe à autre chose, rien à justifier, à expliquer, d’autant plus que le mort n’avait pas bonne réputation.

Mais Jean-Marc Fontaine décide d’aller plus loin pour comprendre, analyser, disséquer. Comment peut-on en arriver là ? Par l’intermédiaire du personnage d’Antoine, il présente plusieurs points de vue sans jamais juger, en restant observateur et en écoutant ceux qui s’expriment. Chacun son ressenti, son approche. Pour une même situation, les interprétations peuvent être nombreuses et très différentes les unes des autres.

Quand il y a une révolte, il y a obligatoirement une cause, un catalyseur, des conséquences. Un policier fait partie d’une « famille » avec ses collègues. Ils ont été formés à une certaine « vision » des « incidents », ça fait partie de leur « job ». Un mort ça fait désordre, il faut calmer tout ça. La solution ? Surveiller, réprimer si besoin, étouffer, gérer. Mais en face, les jeunes sont mal à l’aise.

« En plus, ça ne leur suffisait pas d’avoir tué Samuel. On aurait dit que c’était nous aussi qu’ils voulaient tuer, nous tous. Tous ceux de la cité. Peut-être pas tuer au sens légal du terme -médecin légiste et tout ça. Tuer dans nos têtes. »

Les jeunes ne comprennent pas ce « flicage », ils ont l’impression de ne pas être libres, d’être en permanence « espionnés », comme s’ils étaient sans cesse coupables de dérives.

Deux clans ? Les ados des cités et les flics ? Il y a également les parents, les éducateurs, les journalistes, Antoine le sociologue. Est-ce qu’on peut éviter ces drames, ces altercations ? L’auteur s’interroge, et nous renvoie ses questions.

Son propos est fin, très juste. Son écriture pointue, précise, au scalpel avec des phrases courtes fait mouche. Il va droit au but, sans concession. Depuis longtemps, impliqué dans les luttes politiques et sociales, il sait de quoi il parle. Il a le regard intelligent de celui qui prend du recul, qui ne laisse pas ses émotions l’envahir pour décrire ces banlieues où tout peut être vécu : le meilleur comme le pire.

Cette lecture a été édifiante, j’ai vraiment eu l’impression d’être au cœur des événements, d’être au plus près de ces hommes et femmes qui vivent la violence de près ou de loin, qui, officiellement, souhaitent tous la paix mais en oubliant parfois de discuter, de dialoguer afin de cerner les solutions les plus appropriées, celles où l’écoute, la confiance, le dialogue prendront le pas sur la haine et la brutalité …


Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Les Enfants endormis

Une lecture à regards croisés sur une des questions sanitaires les plus importantes de ces dernières décennies : le SIDA. Cette maladie que l’on croit connaître. De son apparition, aux recherches et débats scientifiques qui ont suivi jusqu’à l’impact dévastateur sur les malades et leurs aidants : ce livre nous saisit!
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Les Enfants endormis

C'est un prof de français et d'histoire-géographie de 40 ans, qui vient de me tirer les larmes des yeux et m'a bousculée, avec son premier livre !



Anthony Passeron a retracé dans un récit brillant et troublant, l'histoire de sa propre famille et en parfait parallèle, la découverte du virus du Sida fin 70/début des années 80, avec une apparente facilité dans "Les enfants endormis". Il m'a complètement embarquée dans cette double narration triste, mais aussi passionnante.



Anthony dresse le portrait de sa famille habitant dans l'arrière-pays niçois, bouchers à une époque de père en fils, ou femmes de bouchers, qui subira de plein fouet l'arrivée du sida essentiellement via une communauté d'héroïnomanes, depuis Nice, au début des années 80, dont fait partie Désiré, l'oncle d'Anthony.



Désiré et ses proches :



C'est un beau jeune homme, le chouchou de la famille, à qui on laissera faire des études, afin de devenir clerc de notaire. Il sort à Nice, a beaucoup d'amis, et à un moment part à Amsterdam avec un couple d'entre eux, attiré par le cannabis puis par l'héroïne.



Désiré a fait partie de ces "enfants endormis", toute cette génération de jeunes venant pour la plupart de familles aisées, qu'on retrouvait parfois au milieu des rues, dans les villages, une seringue d'héroïne plantée dans les bras.



C'est un roman sur la famille, sur la fraternité, car le frère de Désiré, en l'occurrence le père du narrateur, devant lui, abandonner ses études pour reprendre l'affaire familiale exigeante, ne comprendra jamais pourquoi son frère en est venu à se droguer et taira peine et colère toute sa vie, comme son père avant lui. Probablement que lui n'a pas eu le temps de se poser des questions.



C'est un roman sur la filiation, à travers Louise, la mère, figure tutélaire, fille de réfugiés italiens, au fort caractère, aux colères spectaculaires, qui restera longtemps dans le déni de la maladie et de l'affection de son fils, malgré les traces, la déchéance du corps, les vols d'argent dans la caisse de la boucherie.



Les recherches de l'auteur, comme des médecins :



L'auteur retrace toute l'histoire du sida, le cancer gay, comme on persistera longtemps à l'appeler, depuis le premier cas recensé, mais pas comme tel, dans les années 20, au Cameroun. Comment il a migré des grands singes via la consommation de viande ou un accident de chasse, vers les grandes villes, comment il s'est développé via l'urbanisation et les transports et comment en 2014 il totalisait 36 millions de victimes !



J'aurais bien aimé avoir un prof d'histoire-géo comme Anthony Passeron. Il a rendu absolument accessible l'histoire des toutes premières découvertes des médecins lanceurs d'alerte peu écoutés, avant même que l'on nomme ce virus sida, avant même que l'on sache même que c'était un virus, il a traité avec beaucoup d'amour l'histoire des malades, de leurs proches, il a rendu un bel hommage aux chercheurs, à leur courage, leur dévotion et aux associations.



Avec en trame de fond la concurrence permanente entre les labos de recherche français et les labos américains.



Il a fait de même avec l'apparition dans les petits villages de cette saloperie qu'était l'héroïne, et raconte la French connection dans le sud-est.



Mon ressenti :



Je suis née en 1972, l'apparition et la mise en lumière des 1ers cas de Sida est donc une histoire que j'ai vécue, de loin, depuis une petite bourgade de l'Allier, en plein Centre France, mais que je découvrais, jeune ado, à travers les Paris-Match de mes grands-parents ou aux infos télé. Ma mère, infirmière libérale, suivait cela évidemment avec intérêt.



C'est une immense sensation de gâchis qui m'a saisie, apres l'écoute du livre, en pensant à tous ces gens morts à cause de la drogue, à tous ces gens qui ont contracté le sida via les seringues qu'on se repassait souvent, les grossesses qui ont donné lieu à la naissance de bébés contaminés, enfants qui très vite perdaient leurs parents.



C'est une enquête doublée d'une biographie à écouter ou à lire absolument, je remercie Anthony Passeron pour cela ! Pour ma part, après l'avoir écouté, je sais qu'un jour je le lirai en livre papier.



La voix de Loïc Corbery dès le début prend le ton adéquat à cette histoire, triste et contenu.



Du beau travail, un récit riche et complexe, et pourtant, pas très long.
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