A SA MAJESTÉ MARIE-CHRISTINE
Reine Régente d'Espagne
Vous avez pris des mains d'un auguste mourant
—Qui vous avait choisie, un jour, pour sa compagne
Et qui de ses sujets fut Je doux conquérant—
Le sceptre altier sous qui bat le cœur de l'Espagne.
Vous l'avez recueilli pour votre jeune enfant.
C'était un legs bien lourd, ô grande et noble veuve !
Aussi, devant la croix avez-vous bien souvent
Déposé ce fardeau, subi comme une épreuve.
Bien souvent, à genoux au pied du crucifix,
Dans votre Escurial que la gloire environne,
Vous demandiez au roi des rois que votre fils
Fût digne de porter le sceptre et la couronne.
Et pour lui vous faisiez maint rêve ambitieux ;
Vous le voyiez bientôt régner seul sur l'Empire,
Entouré du rayon qui ceint le front des dieux,
Et partout acclamé par un peuple en délire.
Mais, tandis que, les yeux fixés sur l'enfant-roi,
Vous caressiez, un jour, quelque rose chimère,
O reine, vous avez soudain frémi d'effroi,
Senti l'angoisse entrer dans votre cœur de mère.
A travers l'Océan une brise venait
De vous jeter des bruits dont l'écho nous désole :
Le vautour de la guerre à ce moment planait
Sur un coin isolé de la terre espagnole.
Vous avez tressailli d'un douloureux émoi,
Mais votre front n'a pas fléchi sous la couronne ;
Et, l'âme retrempée aux ondes de la foi,
Vous êtes demeurée aussi ferme que bonne.