J’étais comme un médecin auscultant, palpant, cherchant le point névralgique car, de plus en plus, j’avais le sentiment que Bréval était dans l’erreur. Il m’arrivait d’ailleurs d’avoir raison contre lui, beaucoup plus souvent qu’il n’aimait à en convenir. Avez-vous remarqué comme les hommes semblent toujours trouver naturel qu’une femme leur rende service et avec quelle facilité ils oublient ensuite le service rendu ? Toujours ce vieux complexe de supériorité dont souffre le mâle !
À la drôle d’époque que nous vivons, la fidélité conjugale semble, sinon en voie d’extinction, du moins désuète, voire un tantinet ridicule, et on loue ouvertement la largeur d’esprit des couples que l’on qualifie de « très sport » sans doute parce qu’ils pratiquent un peu à tout venant le sport en chambre. Moi, je trouve ça excessif et je me rappelle m’être dit ce jour-là que, si j’avais un aussi beau mari que Ternier, je n’aimerais pas le partager avec d’autres.
Il se demanda si tous les maris finissaient ainsi par trouver leur femme insipide… Dix-huit ans de mariage, c’est évidemment un bail, mais il y avait longtemps déjà que coucher avec Sabine était devenu pour lui un pensum. Elle aurait pu encore bénéficier de certains réveils triomphants si, dès leurs fiançailles, alors qu’ils visitaient des appartements, Sabine ne lui avait signifié que chez les Brelac de Montosier, on avait toujours fait chambre à part.
Il peut se passer bien des choses en un quart d’heure et votre série de coïncidences ne m’apparaît pas tellement invraisemblable : quelqu’un – pas forcément Gorian – a pu entendre le bruit fait par Jacqueline en tombant. Comme Ternier, ainsi que vous l’avez souligné, a suffisamment annoncé la chose, cette personne peut savoir qu’il est sorti. Partant, il est normal qu’elle s’étonne de ce bruit, ouvre la porte, constate le drame et agisse en conséquence.
Bien des gens sont morts assassinés sans avoir eu le temps de se douter de rien, mais je ressens toujours un atroce malaise en imaginant ce que peuvent être les derniers instants d’un suicidé. Peut-on s’éveiller en disant : « Aujourd’hui, je me tue » ou s’endormir en pensant : « Demain, je serai mort » ? Comment ne pas frémir en évoquant le moment où, après les ultimes hésitations, on porte le revolver à sa tempe ou se laisse basculer dans le vide ?
Les Maîtres du mystère - L'Affaire de cinq minutes -