...il suffirait de si peu pour qu’à nouveau les Pyrénées reprennent leur statut, se réveillent et rappellent à l’homme que ses deux jambes sont bien dérisoires face à ce corps étalé en travers du continent. Fantastique Pyrène pleurée par Hercule, ensevelie sous un mausolée d’aiguilles, de vallons et de pics, célébrant tour à tour l’amour, la jouissance et une insondable perte.
...Elle avait envie de silence, de calme, d’un temps long uniquement rythmé par le soleil et la pluie. Il lui semblait que chaque jour, elle descendait une marche de l’échelle d’une piscine profonde. En apnée, elle tentait de toucher le fond, trouver sous ses pieds un appui solide, prendre son élan et d’un coup remonter à la surface. L’eau du glacier avait été la première à l’éclabousser, attirant son regard vers les profondeurs et depuis, elle s’enfonçait sans savoir si seulement elle saurait nager.
...La haine se lit parfois dans un regard, le visage peut demeurer impassible, la bouche frémir et les lèvres se pincer légèrement, mais rien de tout cela ne suffit à expliquer le coup au ventre, les poils qui se dressent sur l’échine et la salive qui vient à manquer quand les cils se relèvent et qu’ils laissent ouvert devant vous, la violence primitive de l’animal blessé qui n’a plus rien à perdre.
La couverture était à présent étendue sur la glace, une légère neige tombait, elle rajusta son bonnet et ses gants, puis descendit avec précaution. Elle se coucha sur le sol, le froid la mordit aux épaules et très vite elle ferma les yeux. Les flocons se déposaient sur ses joues, quelques-uns rentraient dans ses narines, son souffle ne brûlait plus, il se fit plus lent. Un sommeil sans rêve s’approchait.