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Critique de paroles


Née au Liban en 1977, Dima Abdallah, vit à Paris depuis 1989. Après des études d'archéologie, elle s'est spécialisée dans l'Antiquité tardive. Mauvaises herbes est son premier roman.

Et quel roman ! Quel arrachement représente cet abandon du pays, mais surtout de ce père tant aimé, tant valorisé et surtout tant protégé. Avec quelle abnégation la petite a su enfouir au fond d'elle tous les mots qui blessent, a su taire sa souffrance, son angoisse, sa peur de perdre, de tout perdre. Sauf l'amour de son papa dont elle tenait, en sortant de l'école, le doigt si fermement, si dévotement, si admirativement : le doigt du géant.

Jamais je n'ai ressenti aussi précisément, aussi férocement, ce sentiment de perte : perte du pays, du parent, des souvenirs, l'arrachement à la terre, au père, la folie de la guerre et de tous les stigmates visibles laissés sur Beyrouth et dans le corps et le coeur de ses habitants.
C'est avec une écriture précise, délicate, répétitive que Dima Abdallah nous raconte l'histoire de la jeune narratrice qui a grandi au milieu du chaos, cette guerre civile qui bouleversa Beyrouth dans les années 80.
Ces douze premières années au milieu de ce champ de ruines laisseront une tâche indélébile dans l'âme de la jeune femme qui aura bien du mal à trouver sa place plus tard en France, son pays d'exil. Et c'est son amour des fleurs et des plantes, amour partagé avec son père, qui l'aidera à s'ancrer, à s'enraciner sur cette nouvelle terre.

La construction originale de ce roman permet d'entendre les voix du père et de la jeune fille puis jeune femme. Voix qui résonnent en échos, symbiose des mots non-dits pour ne pas blesser plus fort encore l'autre. Mots qui étouffent pour ne pas dire la douleur, ne pas convoquer les souvenirs.
« Chaque soir, on trouvera la force d'oublier ce qui s'est passé pendant la journée et chaque matin on trouvera une parade pour oublier la nuit passée. Je crois que l'oubli est la meilleure des solutions... »

Ce non-dialogue permet de sentir à quel point on peut être étranger aux autres, même dans son propre pays, se sentir différent et rejeté. L'exil est un cri qui vient de l'intérieur.

Un très beau roman qui se lit en apnée pour contenir mots et maux.

« Une mauvaise herbe n'est jamais qu'une fleur qui pousse au mauvais endroit. »
Agatha Christie
Jeux de glace
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