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Pour son premier roman, Dima Abdallah nous emmène à Beyrouth, au Liban, le pays où elle est née en 1977.
Si, Mauvaises herbes est un roman, il est clair que l'auteure qui vit à Paris depuis 1989 a mis beaucoup d'elle-même dans celui-ci.
Nous voici donc à Beyrouth en 1983, pendant la guerre civile, avec une enfant de six ans que son père vient chercher à l'école car les bombardements ont repris. Sitôt là, elle s'accroche fermement au doigt de son géant de père qui l'escorte vers la sortie pour atteindre la voiture et rentrer à l'appartement. Elle nous fait part de ses sentiments vis-à vis de ce père qu'elle vénère et qu'elle observe intensément pour faire abstraction du décor et être seule avec lui : « la terre est dépeuplée de tout le reste ». Elle a une confiance absolue en lui, il est la personne la plus forte qu'elle connaisse, même si, une fois, un soldat l'a frappé et l'a fait saigner, qu'il ne s'est pas défendu, mais c'est donc que les soldats sont vraiment très dangereux.
À son tour, le père évoque son amour pour la fillette, vérifiant encore et encore que sa petite main douce et chaude se cramponne bien à son doigt. Cette main, il en connaît chaque détail et dit « Je crois qu'elle sait que j'ai autant besoin de sa main qu'elle a besoin de la mienne ».
Ces premiers chapitres peignent une relation père-fille magnifique, une relation étroite où les mots sont quasi inutiles tant la compréhension mutuelle est évidente.
Il faut dire que tous deux sont sur la même longueur d'ondes. Elle est très intelligente, comprend très vite, à la différence des autres écoliers, qu'il est inutile de pleurer lors des détonations et qu'il vaut mieux en attendant les parents, cacher sa peur et être forte, elle s'entraîne d'ailleurs pour que les larmes ne montent pas. Incomprise donc par ses camarades d'école comme par les enseignants. Elle a la hantise d'être abordée par d'autres enfants, ceux-ci lui demandant toujours sa confession avant son nom. N'étant ni chrétienne, ni musulmane, n'appartenant à aucun groupe, elle ne sait que répondre. L'isolement est sa seule façon d'être au monde.
Son père, quant à lui, journaliste, est poète. Cet intellectuel libre et indépendant qui n'appartient à aucune faction , aucune confession se trouve étranger parmi les siens.
Cette différence que tous les deux partagent se révèle extrêmement difficile à vivre… Les plantes que le père achète, qu'ils arrosent ensemble sont un lien qui les unit et un moyen de communication qui se maintiendra toute leur vie, même une fois séparés.
Lors de leurs incessants déménagements, les plantes, les fleurs, les arbres seront toujours leur refuge. Et si elle s'est toujours intéressée aux adventices, ces mauvaises herbes, « ces hôtes de lieux incongrus, ces hôtes que personne n'a invités, que personne n'a voulus, qui dérangent mais s'en moquent bien et n'en finissent pas de pousser », c'est bien parce qu'elle s'identifie à elles.
En 1989, à l'âge de douze ans, elle connaîtra l'exil à Paris avec sa mère et son petit frère, le père restant au Liban. Pour elle, ce sera une double déchirure, la perte de son père et de sa patrie.
Mauvaises herbes est un livre douloureux et bouleversant, une histoire d'amour et de souffrance.
Beaucoup de poésie traverse ce roman avec en apogée ces mains qui sont tout un symbole et qui évoquent l'immense tendresse partagée par cette fille et son père.
Dima Abdallah montre combien il est difficile de trouver sa place dans un monde standardisé où il est particulièrement difficile de vivre si l'on ne se coule pas dans le moule et comment alors on doit vivre un véritable exil intérieur.
J'ai savouré l'écriture de Dima Abdallah et particulièrement apprécié la manière dont la jeune adolescente décrit son départ de Beyrouth en taxi, pour l'aéroport. Pour recenser tout ce qu'elle quitte et qu'intérieurement elle se refuse à quitter, elle emploie la forme négative. Une douloureuse énumération de ce qu'elle ne veut pas voir, de ce qu'elle ne veut pas ressentir, de ce qu'elle ne veut pas imaginer donne alors une puissance évocatrice immensément forte et bouleversante.
Un roman prégnant dans lequel l'amour, la peur, l'angoisse, la solitude, la marginalité, les regrets, le déracinement sont fort bien évoqués.
Je me suis néanmoins légèrement enlisée vers la fin, trouvant redondants les derniers chapitres.

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Ces Mauvaises herbes poussent n'importe où, aux endroits les plus improbables et peuvent donner ensuite, malgré tout, de belles plantes. Pour la principale narratrice de ce premier roman de Dima Abdallah, ce qui ressort d'emblée, c'est le terrible traumatisme de l'enfance, dans Beyrouth, en 1983, alors que la guerre civile fait des ravages.
Là, il faut choisir sa confession, choisir son camp, sa faction et la petite fille de six ans que son père, son géant, va chercher à l'école, refuse de choisir. Elle prie son Dieu à elle, pas celui des autres qu'elle n'aime pas trop. Elle s'accroche à l'index ou à l'auriculaire de ce père qu'elle admire. Elle est solitaire, parle peu, se fait punir à l'école et elle sent que les maîtresses ne l'aiment pas.
Jusqu'à l'âge de onze ans, la vie de la narratrice se déroule donc dans la capitale d'un Liban déchiré et c'est la partie que j'ai trouvée la plus intéressante. Dima Adballah est née là-bas et connaît donc bien son sujet, comme elle l'avait expliqué lorsque nous l'avions rencontrée lors des Correspondances de Manosque 2020.
Petit à petit, la narratrice parle des plantes, du potager de sa grand-mère puis de celles qui poussent sur leur petit balcon : jasmin, thym, romarin, eucalyptus, origan, marjolaine… Cela devient un vrai leitmotiv. C'est beau mais un peu lassant. Par contre, l'autrice me gratifie régulièrement de savoureuses réflexions, surtout pendant l'enfance de sa narratrice.
Ce n'est que trois ans plus tard, en 1986, toujours à Beyrouth, que le père, journaliste, écrivain et poète, prend la parole. Il avoue ses faiblesses, raconte la terrible crise d'asthme de sa fille et les urgences de l'hôpital où il a fallu la conduire en catastrophe. C'est là que commence à ressortir une incommunicabilité, une absence terrible de mots entre eux deux, un problème qui va grandissant alors qu'ils ont quantité de points communs.
C'est lui qui pousse sa femme dont on parle vraiment très peu, à partir, avec leur fille et son petit frère. Nous sommes en 1989 et c'est à Paris qu'ils se retrouvent tous les trois dans le studio qu'habite une tante.
Le père fera plusieurs voyages mais sans rester. Sa fille retrouvera Beyrouth avec son frère, dix ans plus tard, pour trois semaines, mais 33 degrés Celsius et 73 % d'humidité lui causeront une nouvelle terrible crise d'asthme.
Les années passent. À 18 ans, elle quitte le lycée, part en Espagne, au Portugal, ne donne plus de nouvelles et révèle un mal-être grandissant. Il faudra des années pour que tout s'apaise et c'est là le thème principal du livre, cette perpétuelle introspection, faite de nombreuses redites, d'une souffrance morale et physique, ce que j'ai trouvé un peu pénible.
Les mauvaises herbes, les souvenirs qui ressortent à n'importe quel moment, la solitude de cette femme déracinée qui s'aperçoit qu'elle oublie l'arabe, sa langue maternelle, tout cela est détaillé, dit et redit.
Dima Abdallah, avec Mauvaises herbes, néglige assez le récit factuel, se contente de suggérer par petites touches, préférant écrire des pages magnifiques sur le rôle des plantes et les tourments moraux et physiques de son héroïne.
Mauvaises herbes est un beau premier roman qui comporte sûrement une part d'autobiographie. Il démontre toutes les souffrances d'une enfant traumatisée par la guerre civile et les dégâts causés par le déracinement, dégâts qui mettent très longtemps à se résorber.


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La perte d'un pays et le perte d'un père

Dans un premier roman qui résonne très particulièrement aujourd'hui, Dima Abdallah raconte le Liban qu'elle a dû quitter au moment de la Guerre civile. Une chronique émouvante qui est aussi un chant d'amour pour son père.

Beyrouth, 1983. C'est la guerre qui déchire le Liban et rend la vie si difficile. Mais pour la narratrice de six ans, le bruit des tirs et les déflagrations qui secouent la ville, c'est aussi le moyen de gagner un peu de temps de liberté. Elle en vient à souhaiter que les tirs redoublent d'intensité pour qu'ils soient tous renvoyés chez eux. Que son géant de père vienne prendre son petit doigt dans sa grande paume et qu'ils rentrent chez eux. Car le géant a un super-pouvoir: «Le géant est une gigantesque étoile qui illumine tout et un trou noir qui avale tout ce qui se trouve à proximité. Ce n'est pas que les autres personnes autour de lui sont moins importantes, c'est seulement que le trou noir a un tel poids, une telle force gravitationnelle, qu'il engloutit tout.»
Chez eux, c'était jusqu'il y a peu dans le sud de la ville, mais maintenant que le mur a laissé la place à un trou, il a bien fallu partir. Des amis qui ont choisi de fuir le pays leur ont laissé leur appartement sur le front de mer, au 9e étage d'un bel immeuble. S'il n'y avait pas sans cesse des coupures de courant qui empêchent de prendre l'ascenseur, la vie serait belle.
Dima Abdallah a choisi de donner successivement la parole aux deux principaux protagonistes, à la fille et au père, à ce géant qui fait semblant de maîtriser la situation, mais qui doute et s'angoisse. «Je vais continuer à lui dire que rien de tout cela n'est grave, qu'elle a bien raison de ne pas pleurer, qu'on ne risque rien et que ça ne nous regarde pas, ce vaste bordel. Je me dis qu'il n'y a pas besoin d'en parler, demain on ira acheter un pot de marjolaine pour remplacer celui qui a fané et on mangera une glace. Chaque soir, on trouvera la force d'oublier ce qui s'est passé pendant la journée et chaque matin on trouvera une parade pour oublier la nuit passée. Je crois que l'oubli est la meilleure des solutions…»
Au fil des semaines, avec son frère et sa mère, journaliste et prof de français, ils tentent de s'adapter au mieux, espérant un répit. Qui ne viendra pas. En lieu et place de la paix, ce sont les crises d'angoisse, la peur qui paralyse et qui rend malade. Après douze ans, il n'est plus possible de faire semblant. La sécurité n'est plus garantie et le moral s'est effondré. La confession du chef de famille – qui résonne tout particulièrement à la lumière des événements récents – est bouleversante: «Ma chute était synchronisée avec celle du pays. Des morceaux de moi se détachaient sur le rythme où les immeubles s'écroulaient. Je devenais aussi toxique que cette ville. Je sentais le soufre et le sang coagulé. de moi coulait la même pollution que celle qui se déversait dans la mer, chaque jour. Je me désagrégeais sur le même tempo que cette ville».
Pour la jeune fille et pour son père, une nouvelle vie commence de part et d'autre de la Méditerranée. Une séparation, une douleur, un déchirement. Car cette nouvelle vie n'est pas une vie. Tout juste une survie. L'exil est d'abord intérieur: «Partir n'est pas une histoire de géographie. Tous étaient déjà partis avant même de prendre la route».
Et si, durant les premiers temps, la famille va conserver l'illusion que cet éloignement n'est que provisoire, elle devra vite déchanter. Partager l'odeur du café du matin et même celle du jasmin qui pousse sur leurs terrasses respectives ne met plus de baume au coeur. Il creuse la distance, donne à la nostalgie le poids de la tristesse. Et rend si difficile le choix des mots pour dire tout leur amour. Il ne faut pas blesser, il ne faut pas ajouter de la tristesse à la tristesse, il ne faut pas remuer les plaies toujours vives.
Mais le mal est profond et les mots deviennent vite dérisoires lorsqu'on a l'impression d'avoir tout perdu: «Ils ont pris ma ville. Ma ville est tombée. Elle s'est effondrée et des étrangers sont venus en rebâtir une nouvelle, une réplique de mauvais goût, un artifice, une ville factice. Dans les égouts, le sang de leurs victimes doit encore couler. La Méditerranée ne devrait plus être bleue mais rouge.»


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Née au Liban en 1977, Dima Abdallah, vit à Paris depuis 1989. Après des études d'archéologie, elle s'est spécialisée dans l'Antiquité tardive. Mauvaises herbes est son premier roman.

Et quel roman ! Quel arrachement représente cet abandon du pays, mais surtout de ce père tant aimé, tant valorisé et surtout tant protégé. Avec quelle abnégation la petite a su enfouir au fond d'elle tous les mots qui blessent, a su taire sa souffrance, son angoisse, sa peur de perdre, de tout perdre. Sauf l'amour de son papa dont elle tenait, en sortant de l'école, le doigt si fermement, si dévotement, si admirativement : le doigt du géant.

Jamais je n'ai ressenti aussi précisément, aussi férocement, ce sentiment de perte : perte du pays, du parent, des souvenirs, l'arrachement à la terre, au père, la folie de la guerre et de tous les stigmates visibles laissés sur Beyrouth et dans le corps et le coeur de ses habitants.
C'est avec une écriture précise, délicate, répétitive que Dima Abdallah nous raconte l'histoire de la jeune narratrice qui a grandi au milieu du chaos, cette guerre civile qui bouleversa Beyrouth dans les années 80.
Ces douze premières années au milieu de ce champ de ruines laisseront une tâche indélébile dans l'âme de la jeune femme qui aura bien du mal à trouver sa place plus tard en France, son pays d'exil. Et c'est son amour des fleurs et des plantes, amour partagé avec son père, qui l'aidera à s'ancrer, à s'enraciner sur cette nouvelle terre.

La construction originale de ce roman permet d'entendre les voix du père et de la jeune fille puis jeune femme. Voix qui résonnent en échos, symbiose des mots non-dits pour ne pas blesser plus fort encore l'autre. Mots qui étouffent pour ne pas dire la douleur, ne pas convoquer les souvenirs.
« Chaque soir, on trouvera la force d'oublier ce qui s'est passé pendant la journée et chaque matin on trouvera une parade pour oublier la nuit passée. Je crois que l'oubli est la meilleure des solutions... »

Ce non-dialogue permet de sentir à quel point on peut être étranger aux autres, même dans son propre pays, se sentir différent et rejeté. L'exil est un cri qui vient de l'intérieur.

Un très beau roman qui se lit en apnée pour contenir mots et maux.

« Une mauvaise herbe n'est jamais qu'une fleur qui pousse au mauvais endroit. »
Agatha Christie
Jeux de glace
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Il ne suffit pas d'avoir un sujet passionnant pour écrire un bon livre
J'avais pourtant un préjugé favorable pour cette relation entre cette fille libanaise et son père qui dure sur des décennies
Dès le début du livre , j'ai été déçu par le style
Dima Abdallah fait parler une petite fille de huit ans qui décrit de façon, à mon goût, simpliste sa situation difficile au Liban où elle réside
Elle passe ensuite le relais au père qui décrit avec ses mots d'adulte les mêmes événements, ce qui n'apporte pas grand chose au récit
Le hasard de la vie fera que la jeune fille partira vivre à l'étranger où elle restera , pendant que son père restera au Liban
Le livre décrit donc sur des décennies la relation père fille .
On est plutôt dans le roman psychologique classique car la situation au Liban restera peu présente d tout au long du livre
J'ai trouvé que le contexte historique était un peu oublié et que cela donnait , au final , un roman psychologique plutôt banal
Un livre que j'ai trouvé raté et qui m'a laissé de marbre sur un pays qui, depuis longtemps,me passionne
Un livre qui sera vite oublié en ce qui me concerne
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Une histoire d'amour avant tout. Celle d'une fillette libanaise envers son père qu'elle voit comme son géant, son protecteur, le premier homme de sa vie. Il l'amène à l'école, la récupère lorsque les bombardements sont plus intenses. Bref la figure paternelle par excellence à tel point que je me suis demandée si la mère existait aux yeux de cet enfant : oui mais une relation moins puissante et de loin. Puis il y a l'exil, le frère, la fillette et la mère parte vivre sous de meilleurs cieux en France et quittent le Liban miné par la guerre civile. le père lui reste et c'est la vie de cette jeune fille qui s'en trouve désorientée et même déracinée. Elle oublie totalement le Liban et vit sa vie de française dans jamais penser à ses origines surtout lorsqu'elle grandira.

L'écriture est belle mais c'est dommage je n'ai pas ressenti plus d'affinités que ça avec les personnages de la fille ou du père dont les voix sont alternées. Les chapitres sont courts, éphémères, poétiques mais les mots ne m'ont pas touchée autre mesure. Rien à voir avec la qualité du texte, ce sont des goûts personnels : on aime ou pas.

Livre lu dans le cadre du prix des lecteurs pour l'escale du livre à Bordeaux !
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Ce livre n'est pas un témoignage sur la guerre, c'est une histoire d'amour, intense et pleine de souffrance, entre les deux protagonistes du roman. Les mauvaises herbes dont parle le titre ce sont les inadaptés, les marginaux, à l'image de cette fille et de son père, fondamentalement libres et dissidents ; une mauvaise herbe est une herbe qui pousse là où elle ne devrait pas, ce qui est le sentiment partagé par les deux personnages.


L'exil occupe une place importante dans ce roman, puisque la jeune fille y sera confronté à l'âge de douze ans, forcée de quitter son Liban natal pour émigrer en France. Mais c'est l'exil intérieur qui prend beaucoup plus de place, Dima Abdallah nous montre à quel point on peut se sentir étrangers aux autres, même dans un environnement familier. Hostile et violent, le monde dans lequel évoluent ces deux personnages ne leur correspond pas, ils le rejettent et le critiquent farouchement.

Le père, un intellectuel aux tendances libertaires, est une personne libre et en souffrance au milieu de la guerre confessionnelle qui sévi à Beyrouth, à laquelle il est complètement étranger. Sa fille, quant à elle, est à la marge de ses camarades et amis, semble à côté de la plaque, n'arrivant pas à s'adapter aux autres, que ce soit durant son enfance à Beyrouth ou plus tard lorsqu'elle grandira à Paris. C'est de cette différence qu'ils parlent dans ce roman, à quel point elle est dure à vivre dans un univers qui se veut uniforme et réglé comme du papier à musique.

"Je me fais l'impression d'un cube qu'on essaye de faire entrer dans un moule rond et étroit. On a beau tourner le cube dans tous les sens, ça n'entrera pas, on a beau en limer même un peu les coins pour les arrondir, ça reste un cube." (p.66)


Le sujet central de ce roman est finalement la relation père-fille ; la mère et le petit frère sont tous les deux très peu présents dans le roman, tout comme la guerre civile qui n'est finalement qu'abstraite. Un véritable huis-clos s'installe entre les deux personnages, dont le dialogue s'articule autour de la distance qui s'installe petit à petit entre eux, de la fêlure des liens qui unissaient leur famille, de leur incapacité à s'adapter à un monde devenu fou, le tout conduit par un fil botanique ; ils se retrouvent dans cet amour des plantes au quotidien, dans ces mauvaises herbes auxquelles ils s'identifient.


C'est un premier roman au style percutant que Dima Abdallah fait paraître chez Sabine Wespieser. Une très belle histoire sur les inadaptés de ce monde, une ode à la liberté et à l'amour, une très belle découverte pour la rentrée littéraire 2020.


"Je suis d'la mauvaise herbe,
Braves gens, braves gens,
C'est pas moi qu'on rumine
Et c'est pas moi qu'on met en gerbe..."
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N° 1537 – Mars 2021

Mauvaises herbesDima Abdallah - Sabine Wespieser éditeur.

Beyrouth est une ville en guerre vue par une petite fille de 8 ans. Elle habite avec ses parents, des intellectuels aisés, dans un quartier chic épargné par les conflits, dans un appartement prêté par des amis exilés, mais c'est un conflit qui les a fait fuir leur propre maison, une guerre civile où il faut se méfier de tout le monde dans un pays divisé par les religions chrétienne et musulmane, déchiré par les attentats aveugles. Elle apprend à survivre au jour le jour avec son père comme rempart et exprime sa solitude et son désarroi dans les mots du poème et les couleurs du dessin. le répit espéré ne viendra pas et il faudra se résoudre à l'exil.
Roman à deux voix, celle du père resté sur place et celle cette petite fille qui grandit, se réfugie en France parce que c'est, dit-on, le pays de la liberté et des droits de l'homme mais aussi parce qu'existent entre ces deux nations des liens historiques. Elle goûte la beauté de Paris mais aussi ses images traditionnelles, la saveur du pain frais, le goût du café, les bistrots accueillants, la senteur des arbres dans les jardins publics… mais ne s'intègre pas dans son collège parce qu'elle reste une étrangère dans un pays qui n'est pas le sien. Elle grandit, fait sa crise d'adolescence avec son envie de liberté et de voyage, oublie la langue maternelle loin de ce père qui la voit s'éloigner de lui. Suit pour elle un parcours personnel et amoureux, une errance, à la recherche de quelque chose qui ressemble peut-être à la quête d‘une référence paternelle mais aussi une volonté de se laisser porter par le événements, une manière d'autodestruction face à ce déchirement, à ce pays qui est désormais en cendres et qu'elle ne reverra plus, à sa langue maternelle qu'elle oublie petit à petit, à ce Paris qui maintenant lui est familier. Elle partage certainement avec son père non seulement la qualité d'électron libre mais aussi cette forme de déprime liée à une guerre de religion qui lui est étrangère et qu'il soigne comme il peut avec le tabac, l'alcool et l'écriture, mais que pèsent les mots face à un pays qui disparaît dans les affres d'une guerre fratricide. Reste l'espoir d'un retour hypothétique à la normale...
Cette relation père-fille est difficile dans ce contexte de guerre civile, d'exil et de séparation. Il y a de l'amour entre eux mais paradoxalement cet amour engendre du silence, une véritable absence de dialogue. Ce roman est une juxtaposition de réflexions, d'états d'âme, de souvenirs dont les autres membres de la famille, la mère et le frère, tous aussi concernés, sont exclus. Seule l'image de la compagne impose son souvenir furtif dans la solitude du père. C'est une sorte de compte-rendu du parcours solitaire de ces deux êtres qu'une mer sépare et qui se croisent parfois, avec un toile de fond un pays déchiré que la jeune femme ne reverra pas. Cela fera d'elle et aussi de son père des êtres déracinés, des « mauvaises herbes » qu'on n'a pas semées mais qui parviennent quand même à pousser un peu n'importe où, comme le rappelle l'exergue, mais avec difficulté. Seul semble perdurer l'amour des plantes et en particulier le jasmin qui leur rappelle ce pays meurtri.

Il y a beaucoup de silences, de choses laissées sciemment dans l'ombre, de non-dits, la narration, poétique à la fin, est hachée hachée, ce qui pour moi nuit à une lecture agréable. Je suis assez peu entré dans cette histoire, lue cependant jusqu'au bout, par respect pour l'auteure et pour son travail d'écriture et dans le cadre d'un jury littéraire.

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un très bel hommage aux personnes incapables de dialoguer malgré l'amour qu'ils se portent, à tous ceux qui se sentent "etrangers" dans leur monde, les inadaptés sociaux qui malgré leurs efforts ne parviendront jamais à faire corps avec les autres.
. Il nous emporte dans un tourbillon d'émotions fortes sans nuance et qui vous chamboulent.
Cette relation entre un père et une fille difficile, tous deux sont incapables de mettre des mots à leurs maux, qui les sauveraient pourtant. Mais cette fusion qui ne s'est jamais faite entre eux ne se fait pas non plus avec les autres. Inadaptés et malheureux, nous rentrons au coeur de leurs tourments dans un huis clos ou le dialogue ne commencera jamais.
Ecrit avec délicatesse, le roman se lit d'une traite, on retient son souffle dans l'espoir du premier mot. On se promène parmi les plantes, où de ça de là germent des mauvaises herbes sans oter la beauté des jardins.
Les deux protaganistes se qualifient ainsi et sur le chemin de la rédemption et de l'acceptation un deuil se fait.
C'est un roman fort qui parlera à beaucoup car qui ne s'est jamais senti "inadapté" au moins une fois dans sa vie ?
La tristesse est omnis présente mais elle est magnifiée sous la plume de Dima.
N'ayez pas peur de vous y plonger, la guerre en fond n'est pas émergente pour les réfractaires de ces sujets. C'est avant tout un roman profondément humain, que l'on croirait presque biographique.
A lire absolument.
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Le Liban en guerre en 83; à Beyrouth, une petite fille attend calmement son "géant" de père qui vient la chercher à l'école quand les bombardements sont trop importants; curieusement, elle apprécie ces détonations qui lui permettent de quitter l'école qu'elle déteste et n'y est pas aimée car différente. Les propos de l'enfant et de son père alternent au fil des chapitres, il est peu question du petit frère et de la mère. Père et fille (pas nommés) s'aiment mais presque sans mots; ils partagent l'amour des plantes, même les prétendues mauvaises herbes. Ils ne se donnent pas la main: elle s'accroche à un doigt. le père est écrivain, surtout poète. Il ne s'engage pas dans cette guerre; il n'est d'aucun parti et perd ses relations car il pense que tous ont plus ou moins du sang sur le mains. La famille doit fuir sans cesse, déménager souvent n'emportant que le strict minimum
Le temps passe vite et c'est l'exil pour Paris: la jeune fille, son frère et sa mère. le père reste au pays.
Peu à peu, le français submerge la langue arabe. La gamine n'aime ni le collège ni le lycée mais réussit ses études.
Elle va faire une longue fugue avant de revenir vers sa mère. Elle verra rarement son père.
Il y a de l'émotion mais les ellipses m'ont gênée: elle a 6, 12, 18 ans etc. Elle a un enfant qui n'est qu'allusion. Elle se bat avec une maladie, sorte d'asthme qui l'empêche de respirer; cela trahit son angoisse.
Elle et son père se sentent morts. Il boit beaucoup, écrit toujours mais n'est plus édité.
En visite au Liban, elle voit une ville artificielle (elle n'a connu que la guerre et une ville en ruine)
Un premier roman tout en allusion, en discrétion. Redondant parfois.
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