C'est fou comme pour avoir bonne conscience, on gobe des paroles, dont on sait que ce sont des mensonges, simplement pour prétendre, plus tard, avoir été trompé.
(p. 27)
Je parie que mon père conduit le flic dans ma chambre. A sa demande. Pour une fouille organisée.
Je m'en fous, je suis clean. A part une vieille peluche sur une étagère (un dinosaure à qui il manque un bout de la queue), j'ai la chambre classique d'un mec de dix-sept ans : un lit, un ordi, une console, le tout consciencieusement entouré d'un bordel généralisé. Ça devrait jouer en ma faveur, cette peluche verte aussi grosse qu'un chat, perchée au-dessus de mon bureau. Me donner un soupçon d'innocence, comme si j'avais gardé un pied dans l'enfance. A moins qu'ils me prennent pour un pervers qui l'aurait torturée en lui sectionnant la queue. J'avais dix ans, j'étais curieux : je voulais savoir avec quoi on l'avait rembourrée pour que ce soit aussi mou tout en étant ferme. J'ai pas été déçu. On avait gavé Billy, c'était son nom, de granulés de plastique blanc. Depuis il fuyait, mal rabiboché par mes soins car ma mère avait refusé de le recoudre. Elle m'avait généreusement fourni l'aiguille et le fil, en me précisant que ça me servirait plus tard de ne pas prendre ma femme pour une bonniche et d'exécuter moi-même mes ourlets de pantalons. J'avais rafistolé Billy au plus simple.
(p. 15-16)
Depuis deux mois, la meuf dans le studio juste au-dessus a un mec. D'habitude ils baisent le matin, sans faire de bruit. Je ne sais jamais quand ils sont en action : j'entends pas de sommier qui grince (ils doivent dormir le matelas à même le sol), ni de gémissements sourds et continus. Non, je m'en rends compte quand ils terminent. Chaque fois il y en a un des deux, à moins que ce soient les deux en même temps, qui cogne le plancher au moment où ça va jaillir. Ça me fait toujours sursauter. Au début, j'ai cru que c'était parce que je mettais la musique trop fort. Mais pas du tout.
(p. 68)
c'est pas cool de se rendre compte que son fils est un pourri. Un vrai pourri.
Et on se fout de frapper par derrière un pote qui n'a rien fait.
Ce qui compte, c'est de ne surtout pas passer pour un faible.
Pour une ordure, c'est pas grave.
Recueil de nouvelles qu'on prend comme un uppercut.