AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ODP31


Sixtine fait le mur de la Chapelle !
Quoi de mieux que de donner un prénom désuet ou composé à son enfant pour afficher son statut social et montrer qu'on n'est pas n'importe qui. Dans la bourgeoisie tradi de province, c'est très tendance et cela ouvre les portes des rallyes et du paradis. Il faut faire chauffer la particule.
Sixtine est une jeune femme très pieuse et vulnérable, barrettes, socquettes blanches et robe sage à fleurs, élevée à l'hostie par une mère bigote. Sa grande soeur est rentrée dans les ordres. Elle, elle est toujours aux ordres. Inutile de remonter vos montres à gousset, l'action ne se déroule pas en 1913, mais bien en 2013.
Sixtine rencontre puis épouse Pierre-Louis Sue de la Garde, après quelques galoches en latin, langues presque mortes. Grande école et petit esprit, le jeune homme de très bonne famille, est engagé dans le mouvement des Frères de la Croix, secte fondée par le Père André, sorte de gourou qui ne s'est jamais remis de Vatican 2. Vade retro dans le rétroviseur !
La destinée de Sixtine est toute tracée : études abandonnées, carrière de mère au foyer d'une ribambelle de têtes bien blondes et bien peignées, messes et diners mondains. Un chemin de croix.
Après une nuit de noce calamiteuse où la fonction reproductive bannit toute notion de désir et de plaisir, Sixtine tombe enceinte et traverse une grossesse difficile. Son mari, qu'on imagine le cheveux court avec son pull noué sur les épaules, est occupé à chasser du gauchiste et à organiser des expéditions punitives contre le Mariage pour Tous, les punks à chiens, les étrangers, les homosexuels et autres créatures du diable. Un croisé bien barré.
Sous l'emprise de sa mère, de son mari et de sa belle-mère, Sixtine vit dans la repentance perpétuelle. Plusieurs évènements vont l'amener à réagir contre l'intégrisme religieux et la fachosphère qui l'étouffent.
Dans ce premier roman très réussi de Maylis Adhémar, j'ai particulièrement apprécié la finesse du propos. Dans ce récit d'émancipation qui fréquente les extrêmes, il aurait été facile, comme je le fais, pour forcer le trait de la rébellion, de transformer sainte nunuche en actrice porno, de découvrir sous son voile un crop top « Blanquérisé », de passer du bénédicité au livre rouge, des culs bénits aux culs nus, de Valeurs Actuelles à l'Humanité. Or, si Sixtine fuit l'intégrisme et sa famille, elle ne perd pas sa foi et ne renie pas son éducation. Elle se confronte seulement au monde et c'est en devenant mère qu'elle trouve le courage d'échapper à son milieu pour protéger son enfant du dévoiement de sa religion. Elle ne trahit pas ses valeurs, elle les adoucit.
L'auteure insère aussi à son histoire des correspondances qui raconte le parcours inverse et caché de la mère de Sixtine. On a parfois la généalogie honteuse. Ce roman très bien construit interroge donc aussi la transmission et l'héritage familial. Il témoigne que si les enfants ne choisissent ni leur prénom, ni leur éducation, ni leur religion, ils peuvent en grandissant mettre le cligno et changer de direction, souvent par réaction.
J'ai trouvé la seconde partie du roman moins réussie car on sent l'auteure plus à l'aise dans la description de milieu bourgeois et catho dont elle connait les codes pour y avoir grandit que dans celle des communautés de marginaux, plus fumeurs d'herbe qu'artistes et pratiquant l'amour libre. Sixtine n'a pas le gêne zadiste. La confrontation donne néanmoins lieu à des épisodes assez drôles.
Au final, même si l'héroïne a tendance à se poser un peu trop de questions face à des évidences, Bénie soit Sixtine (quel titre génial !) propose une belle ode à la tolérance et à l'ouverture d'esprit, saint ou pas.
Ainsi soit-elle.
Commenter  J’apprécie          1258



Ont apprécié cette critique (108)voir plus




{* *}