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Critique de Eve-Yeshe


Sixtine est née dans une famille catholique rigoriste, fille de Muriel et Bruno Duchamp. C'est la petite dernière, elle est pratiquante assidue, chante à la chorale. Elle fait la connaissance de son futur époux Pierre-Louis au mariage d'Anne-Sophie son ami qui épouse Hugo, copain de promo de Pierre-Louis. Mariage dans la plus pure tradition (pour ne pas dire traditionaliste) du rite tridentin messe en latin, les prêtres qui tournent le dos aux fidèles…

Comme la famille de Pierre-Louis est dans la même tradition, ils se marient : on devrait plutôt dire d'ailleurs que leurs familles respectives les marient : arriver vierge au mariage, faire des enfants à tour de bras pour peupler le monde de « bons catholiques », le rôle de l'épouse est de faire des enfants, la cuisine, tenir la maison être une parfaite hôtesse, donc pas de pilule et le mot avortement n'en parlons même pas, c'est au-delà du tabou… la sexualité est tabou, on en est au « devoir conjugal » sinon on est dépravée… je vous laisse imaginer la nuit de noces…

Dans la famille, car Pierre-Louis est bien-sûr de la haute société : la famille Sue de la Garde, dont la mère, Madeleine, est monstrueuse à tout point de vue. Elle veille sur la tenue vestimentaire, la longueur des jupes, les couleurs qui doivent être discrètes, l'absence de maquillage, le chignon de rigueur, et surtout elle règne comme une matrone sur la tribu. Seule la dernière fille, Agnès, a osé s'opposer à elle, ce qui lui a valu d'être reniée. Elle revendique haut et fort son appartenance à Frères de la Croix. Muriel lui obéit, soumise, alors que son époux est proche d'un mouvement plus modéré la Sainte-Colombe.

L'époux a tous les droits puisqu'il travaille (dans la famille on passe par les grandes écoles, notamment Saint-Cyr, le gratin du gratin ! Pierre-Louis fait partie de la milice de la secte : il sort le soir avec ses coreligionnaires, pour aller matraquer les homosexuels, les musulmans les juifs, l'extrême gauche, (en fait tout ceux qui ne pensent pas comme eux) d'autant plus que le PACS leur est resté en travers de la gorge et que le projet de loi sur le mariage pour tous est en débat à l'Assemblée.

Pour entre à la milice, il faut prêter serment à l'âge de quatorze ans, ils s'entrainent comme des jeunes gestapistes à une autre époque. Un soir, ils vont « casser du dépravé » à une rave-partie (musique dégénérée drogués… C'est ainsi qu'ils caricaturent) et cela se traduit par des morts.

Entre temps, Sixtine est enceinte et sa grossesse se déroule de manière épique : pas de péridurale, puisque « tu enfanteras dans la souffrance », le médecin de famille qui est de la même obédience, (un gynéco ? pas question de montrer son anatomie…) on va même jusqu'à lui imposer le prénom : Foucault en hommage au père de Foucault… tandis qu'une des soeurs de Pierre-Louis, Élisabeth, reconstitue l'arbre généalogique (prestigieux, on s'en doute) du bébé ! du côté paternel bien-sûr…

Mais Sixtine va se réveiller, ce qu'elle n'est pas capable de faire pour elle, elle le fait pour le bébé, même si elle se culpabilise souvent, elle prend son destin en mains et met les voiles, enfin s'en va à l'autre bout du pays, éteint son portable, et ne donne plus signe de vie. Mais les ultra-cathos veillent …

Le récit est bien construit, et entre deux épisodes consacrés à Sixtine et sa « famille », Maylis Adhémar nous propose des lettres écrites par une mystérieuse Erika, artiste qui a fui l'Argentine et donc… secret de famille en vue.

J'ai adoré ce roman, Sixtine (en fait ce n'est pas en hommage à l'illustre Chapelle, c'est simplement parce qu'elle la sixième de la famille !) m'a beaucoup plu car c'est une battante finalement et elle élève son enfant comme elle le sent, alors qu'on lui rabâchait qu'il fallait le laisser pleurer tant de minutes avant d'aller le chercher sinon il allait devenir un despote, il fallait le dresser en quelque sorte au lieu de l'éduquer, de l'élever tout simplement. Pas de biberon bien-sûr, seul le lait maternel est pur ! tant pis si le bébé a faim ou la mère des crevasses…

J'ai bien aimé la plume de Maylis Adhémar, qui raconte bien l'emprise des sectes, la manipulation, la pensée unique, les prières à genoux pendant des heures, les chapelets, les rosaires, les confessions, les pseudo-prêtres aux mains baladeuses, l'aversion qu'ils éprouvent envers Jean-Paul II qu'ils appellent l'Antéchrist qui, combe de l'horreur, oeuvre pour le rapprochement ou du moins le dialogue entre les religions, applaudissent quand Benoît XVI prend un virage à cent quatre-vingts degrés pour crier au scandale quand Le Pape François est élu …

« Elles dissertent de l'élection d'un certain Jorge Bergoglio sur le trône de sains Pierre, ce pape n'a malheureusement pas le sens de la belle liturgie. »

Je ne révèle rien de plus sur l'intrigue et le cheminement de Sixtine, mais c'est une lecture passionnante, que je ne peux que conseiller… Dernier détail : Maylis Adhémar a été encouragée à écrire par Vanessa Springora qui dirige les éditions Julliard depuis 2019 et ce fut un bon conseil !

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Julliard qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteure dont je vais guetter le prochain livre…

#BéniesoitSixtine #NetGalleyFrance
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