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Critique de 5Arabella


En près de 900 pages, Laure Adler nous raconte la vie de Marguerite Duras, en réservant bien sûr une large place à sa création artistique, littéraire mais aussi cinématographique. D'abord quelques éléments de la vie de la biographie de ses parents, avant leur rencontre et la naissance de leurs enfants. Et très vite la venue en Indochine, où les enfants vont naître. L'Indochine qui va tellement marquée Marguerite et ses écrits. La matrice originelle en quelque sorte. Et puis tout le reste, comme découlant de ça, de cette enfance, dont la blessure jamais refermée va conditionner tout le reste. L'oeuvre et la vie.

Laure Adler a connu Marguerite Duras, elle le rappelle dans l'Avant-Propos, on sent à la fois une fascination, et une distance par rapport à la personne qu'elle a été. Une admiration, mais aussi une répulsion. Il faut dire que Duras est un personnage complexe, qu'elle a une vie digne d'un roman, un roman qu'elle a passé sa vie à écrire, à réécrire, à réinventer sans cesse.

Mais Laure Adler n'a pas écrit de roman mais une biographie, elle essaie donc, entre les brouillages des écrits, des paroles contradictoires, de Duras, d'arriver jusqu'aux faits, à ce qui s'est passé, ce qui a eu lieu et non pas à ce qui aurait pu être, et ce n'est guère une tâche facile. Donc l'enfance et l'adolescence, sur laquelle il reste peu de traces, d'écrits ou de témoins et qui reste donc la plus incertaine, à moitié noyée dans le mythe. Etape pourtant au combien essentielle. La mort précoce du père, les rapports difficiles à la mère, aimée et haïe, ressentie comme non aimante, pas assez en tous les cas. Les deux frères, l'aîné, la brute, le seul aimé de la mère, et le petit frère tellement aimé de Marguerite, à propos de qui elle a elle-même évoqué les rapports incestueux et passionnés. La concession achetée par la mère, pour faire fortune et qui sera sa ruine. L'amant chinois, à qui sa famille d'une certaine façon la prostitue. Et le rejet de la communauté blanche de ces pauvres. Et la réussite scolaire qui lui permet finalement de s'échapper en allant faire des études à Paris.

Il y aurait tant de choses à dire sur cette vie, si riche, entre rencontres, amours, engagements (résistance, parti communiste ….), elle résume à elle seule une époque. Mais en même temps elle est avant tout Marguerite Duras, écrivain. A la personnalité rayonnante, charmeuse, au centre, entourée d'amis, d'admirateurs, d'amants. En même temps, noyée dans l'alcool, perdue dans une dépression chronique, cherchant à y noyer un chagrin insubmersible, qu'elle essaiera sa vie entière à dire dans ses écrits, ressassant sans cesse les mêmes thèmes, les même obsessions, à travers de variations infinies. L'écriture, la véritable, ne vient que de là, de blessures impossible à refermer et qui poussent à dire encore et encore ce qui fait mal.

Laure Adler rend magnifiquement compte de tout cela, restituant avec un maximum de fidélité cette vie, magnifique et misérable. Essayant de rendre justice à la femme et à l'écrivain, dans sa grandeur et sa misère.
Cela donne encore plus envie de lire et relire les oeuvres de Duras, que cette biographie permet de situer d'une autre façon, de comprendre différemment et d'aborder avec un autre angle. Même si au fond le plus important, c'est ce que Marguerite Duras a écrit.
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