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Critique de milan


"Telle était mon attitude envers les autres, telle était ma dualité: d'un côté, le désir d'embrasser le monde entier, de rendre les gens heureux et de les aimer; d'un autre, la dilapidation éhontée des sous laborieusement acquis par une vieille femme, et une cruauté sans limites envers ma mère. Et le plus bizarre était que cette malhonnêteté et cette cruauté n'étaient nullement en contradiction avec les élans d'amour envers tout l'univers vivant- comme si l'intensification de ces bons sentiments, pour moi si insolites, m'aidait à accomplir les cruautés dont je ne me serais pas senti capable ( pour peu que ces bons sentiments fussent absents)." Je vous présente Vadim Masselennikov. le moins que l'on puisse dire à propos de Vadim, c'est qu'il est compliqué!!!....ou complexe? En tout cas, il est évident qu'il ne cesse de cogiter et partage volontiers avec le lecteur absolument tous ses états d'âme. D'abord, il raconte avec minutie son quotidien dans un lycée de Moscou, à la veille de la déclaration de la révolution bolchevique.On y suit les petits histoires de ses camarades, dont la psyché mais aussi toutes les mimiques et toute la gestuelle sont disséquées à la manière de Freud, selon toujours le point de vue de Vadim: leur rivalité scolaire, leur crâneries, leurs petites rébellions...etc.Ensuite, Vadim,qui a l'habitude de rechercher dans ses heures perdues de simples relations physiques avec la gent féminine- relations dont il décrit encore une fois le mécanisme et les ressors avec précision- tombe amoureux....et c'est le foutoir dans sa tête et dans son corps. Il est alors obligé de revoir toutes ses théories à l'aune de sa découverte de ce nouvel aspect de l'existence. L'histoire d'amour finie, il déprime bien entendu, patauge dans son quotidien qu'il estime cafardeux, dégradant socialement et financièrement - dégradation et honte représentées par sa pauvre mère à qui il fait voir des vertes et des pas mûres- et finit par sombrer, presque par hasard dans l'enfer de la dépendance à la cocaïne. du déjà vu tout ça me direz vous! En effet. Mais alors, en quoi ce roman, en dehors de la légende entourant son auteur , est particulier? Tout d'abord par son style: bien que les phrases soient longues, elles restent très accessibles, et belles, d'une beauté inattendue. le style est fluide, riche, et pas un mot ni une phrase ne sont de trop, et l'absence de l'un ou de l'autre ferait cruellement défaut. L'ambiance bien qu'"intime" et "personnelle" , baigne dans un tout social et historique pas du tout pesant, au contraire.Ensuite, Vadim n'est pas un mauvais bougre , c'est juste un adolescent qui grandit, se découvre et découvre le monde, essaie de trouver des justifications intellectuelles aux contradictions qui illuminent ces découvertes, et est foncièrement convaincu de l'honnêteté de sa démarche. N'empêche qu'il souffre sincèrement de ces mauvais actes, mais passe vite à autre chose.Il est hyperconscient de son univers intérieur donc, mais également de tout ce qui l'entoure. Rien ne lui échappe, que ce soit vivant ou un simple objet, en mouvement ou statique, les expressions de tous les visages et les changements de ces expressions à la faveur d'émotions nouvelles. Pas même le temps, la température, les animaux, le tramway, les bancs...tout, absolument tout est matière à réflexion et description. Dans le récit de son histoire d'amour avec Sonia, il n'est question que de lui, de ce qu'il ressent, de comment il le ressent et de pourquoi il le ressent. Sonia n'est que le déclic de cette nouvelle série d'analyses. Et puis d'un coup, vers la fin , en un chapitre, Aguéev dévoile Sonia, la fait "parler" et c'est sublime. Si la quatrième de couverture semble racoleuse avec son histoire de cocaïne, sachez que la drogue n'entre en scène qu'une fois les deux tiers du livre entamés.Très rapidement et sans faire dans l'excès, l'auteur décrit superbement les sensations de la première "prise", l'euphorie qui suit, mais surtout la descente infernale, dépressive qui accompagne à chaque fois la séance. Vadim devient addictif à la drogue, et bien entendu ça ne finit pas bien. Dans ce roman, la drogue semble intéresser Vadim uniquement à cause de l'effet "loupe" qu'elle offre de son être, et d'ailleurs une partie appelée "pensée" est dédiée à ça. C'est un livre saisissant, de ceux qu'on relira avec plaisir dans quelques années pour voir comment il a vieilli. Et puis, bizarrement, à la fin- comme contaminé par la théorie de la dualité de l'âme de Vadim- surgit une question: Qu'est ce qu'Aguéev a voulu raconter au juste? des souvenirs de lycéens? la camaraderies entre adolescents? la découverte du sexe et de l'amour? la condition sociale de la Russie en 1917? la drogue? quel est le lien? Mais cette interrogation est vite balayée par le dernier chapitre, bouleversant.
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