AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,95

sur 335 notes
5
16 avis
4
10 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
1 avis
Quelle est détestable cette saloperie !
Sûrement la drogue qui fasse le plus de ravages, obligeant même ceux qui n'en prennent pas à supporter les petits égo sur-gonflés de ceux qui ne savent plus s'en passer pour exister en société.
Ce numéro que chacun garde dans son répertoire, appelé et réglé plus facilement qu'une livraison de pizza ; « on est combien ? », et qui ensuite font de grands discours de probité et de morale, tripotant leur stupide biniou numérique à selfie, affublés d'autocollants-dazibao inclusifs, ignorant volontairement les carnages de cette industrie, à tous les niveaux…

Navré de ce petit rappel, mais ce roman l'exige en introduction, surtout qu'il met en scène un héros presqu'aussi haïssable, archétype du roman russe d'apprentissage, jeune homme fiévreux et passablement égocentrique, candidat tout désigné à ce genre de consommation…

C'est en effet un roman tout à fait singulier. La très bonne préface de sa traductrice ( on s'en souviendra lors d'une prochaine lecture… ) vient nous rappeler l'origine incertaine de ce texte, son histoire compliquée pour échapper comme toujours à la censure, qu'on pourra compléter avec les éléments apparus entre temps à notre connaissance ( comme la confirmation de l'identité de son auteur ).
Son style reste assez unique, bien que l'obsession des comparaisons lasse vite l'observateur, surtout lorsque Proust ou Musil sont convoqués…

Donc de la coke il y en a, mais seulement dans le dernier quart du roman, le reste pouvant s'intituler plutôt « Roman avec sale type ».

Il fait partie de ces livres dont l'épilogue élève potentiellement l'ensemble à un autre niveau, plonge dans une profonde réflexion, et boucle ingénieusement l'histoire avec une facile évidence ; morale de l'histoire ou bien patente absence de celle-ci, à vous de choisir, alors qu'on ne s'y attend pas du tout…

Un véritable classique, alors que l'ensemble paraissait souffrir d'une construction bancale et banale, ce qu'il en reste venant tout basculer…

Commenter  J’apprécie          856
Il plane, ou il a plané, une aura de mystère autour de ce roman. Sur l'auteur tout d'abord, dont l'identité semble certaine depuis peu seulement. On a pensé à Nabokov, il y a eu des enquêtes, la dernière s'arrêtant à Mark Lévi de source quasi certaine *. Mark Lévi, nom de plume M Aguéev, un illustre inconnu dont peu d'éléments biographiques majeurs lui survivent, en dehors de la parution en 1930 de son unique livre. Et s'il y a eu autant de volonté à savoir presque un siècle après, on se doute que c'est pas pour le premier roman de gare venu de l'est. Non, c'est surtout parce que le contenu est édifiant.

Dès le début on est saisi de stupeur quand Vadim, du haut de ses 16 ans, de honte fait passer cette vieille dame loqueteuse pour sa gouvernante, en lieu et place de sa pauvre mère venue lui apporter au lycée une enveloppe qu'il avait oubliée. Lui et ses copains en rigolent crânement. Ou quand la honte se mue en cruauté, la dérive des sentiments s'installe et ne s'arrêtera qu'à déchéance totale.
Dualité des sentiments encore quand dans la deuxième partie Vadim veut embrasser la terre entière et ignore sa mère croisée sur les boulevards, un Vadim incapable de désirer Sonia son grand amour, étouffé qu'il est par l'emprise du coeur, « trop sensible pour être sensuel » .
Ou un Vadim qui succombe à la cocaïne dans le troisième temps du roman, un peu par oisiveté, sans doute parce que son âme est définitivement blessée, que l'on suit pétri d'amour pour sa mère endormie, alors qu'il lui vole une broche pour plus de poudre magique.
Il y a dans ce livre des passages saisissants de lucidité sur les travers de l'âme humaine. Si Aguéev met en scène la cruauté du narrateur envers sa mère, on se dit pas que c'est atroce tellement c'est cruel, on se dit voilà, la cruauté c'est ça. Une sorte de définition par l'exemple narratif, bien mieux que Robert et Larousse réunis.
Il y a surtout profusion de passages scotchants de maîtrise et de clarté confondues, où les images et les comparaisons y sont saisissantes de réalisme, les formules pénétrantes. Je pense en particulier aux errements de Vadim sur les boulevards, à la recherche d'un amour pour un soir. Ou la description minutieuse et dédoublée par sa conscience de sa première nuit sous emprise de cocaïne.
Il y a encore tellement à dire si l'on en est capable, les interprétations et les pistes de lecture abondent sur le net, qui inscrivent l'errance du narrateur dans un contexte historique de la Russie révolutionnaire de 1917, ou sous l'angle du bolchevisme et de l'antisémitisme naissant.

Roman avec cocaïne, un roman comme une piqûre de rappel pour moi, que je relis régulièrement au fil des ans. Comme un rendez-vous sulfureux et égoïste dans ma vie de lecteur, peut-être pour vérifier où j'en suis, si j'ai pas trop changé, peut-être aussi pour m'assurer que j'avais pas rêvé la première fois. Non j'avais pas rêvé, c'est un grand, un sacré bon roman.


* http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2013/08/09/l-enigme-m-agueev_3459015_4497186.html
Commenter  J’apprécie          784
"Salut Michel ça fait une paye
Que j't'ai pas vu traîner dans mes ruelles
Qu'est-c'que tu d'viens moi ça va bien
Paraît qu'toi tu marches sur un drôle de ch'min
T'as les joues creuses les mains caleuses
Et la démarche un p'tit peu chaloupeuse
Vraiment tu m'terrasses
Bonjour l'angoisse
Paraît qu't'es tombé dans une drôle de crevasse
Paraît qu'c'est pas tous les jours dimanche
La blanche"

La blanche - Renaud
Une chanson qui fout un peu le cafard tiens, pour bien commencer la journée et cette critique. J'aurais peut-être dû me tourner vers Clapton plutôt. Ouais ... Allez je la mets. Voilà. Un peu de Cocaïne ça me donnera de l'énergie. Voilà je me sens fraîche. Merci Clapton.

Dans le Roman avec cocaïne, le cafard de Renaud revient (le traducteur explique qu'il a choisi ce terme pour traduire "toska", entre douce tristesse et désespoir extrême qui pousse au suicide) et le cafard revient tellement qu'on se croirait dans la Métamorphose de Kafka, parce que le cafard, c'est Vadim, et comme Gregor, il devient très vite un parasite, un sale truc et qu'on a envie, parfois, de l'écraser, de l'écrabouiller, de le faire souffrir, de le taper, de le gifler, de lui donner la fessée, surtout quand il manque de respect à sa pauvre mère ( et ce dès le tout début, bien avant de devenir cocaïnoman, donc on ne rejettera pas la responsabilité de ses actes sur la drogue s'il vous plaît.) En même temps, il est tellement irrespectueux, et ce pour des raisons tellement tordues, qu'il en devient hilarant par moments. On est mi-agacé, mi-amusé, finalement. Je l'ai insulté Vadim lors de ma lecture, et juste après je me suis bien marrée. C'est qu'il exalte nos sentiments vertueux le Vadim, en étant si cruel lui qui au fond, est justement cruel, parce qu'il est coincé dans un cercle vicieux qu'il pense être vertueux. Par moments, il est néanmoins fort lucide et on apprend des trucs sur nous-mêmes en lisant ce bouquin. Mais juste après on a envie de le balancer le bouquin parce qu'on se dit que non ... quand même ... adopter son système de pensée serait se mener à l'autodestruction. Heureusement qu'il est drôle Vadim, sinon ce bouquin amènerait son lecteur à l'état de tristesse : "toska". La scène la plus drôle est sûrement celle de sa première prise de cocaïne parce qu'il se rend tellement ridicule lui qui fait son crâneur et son penseur à tout bout de champ. Il y a même une scène qui rappelle Las Vegas Parano lorsqu'il entre dans un café (un casino je crois dans le film) : "Tard déjà, juste avant sa fermeture, nous échouâmes encore dans un café à la mode et là, regardant dans les glaces nos visages insomniaques, nous avançâmes sur le parquet comme sur un pont de navire oscillant : nous inclinant rapidement en avant lorsqu'il se soulevait, et nous rejetant en arrière en freinant quand il retombait devant nous." J'ai trouvé ça rigolo. Mais attention, cette critique n'est pas une apologie de la drogue. Je n'ai pas dit qu'il fallait prendre de la cocaïne pour s'amuser les enfants ! La drogue c'est mal ... M'voyeeeez. Non et puis surtout, la drogue, ça finit mal. Déjà, ne prenez pas l'exemple de Vadim parce que déjà, c'est un ***nard, un canard est un canard, il faut dire ce qui est, et vous remarquerez aussi, les enfants, que souvent, dans les films, ceux qui prennent de la cocaïne sont des canards. Vous ne voulez pas être un canard les enfants ? Non. Voilà.
Commenter  J’apprécie          196
Le One Shot génial d'un écrivain inconnu, disparu dans la nature. M. Aguéev se serait évaporé en Turquie après avoir posté son manuscrit.

En l'occurrence, ne pas connaître l'auteur m'envahit d'une forme de vertige mélancolique qui participe de l'appréciation. Comme de retomber sur de vieilles lettres aux noms oubliés, faisant resurgir du néant des sensibilités d'antan.

Il y a certes un narrateur, mais on ne sait qui rumine. Qui? Quel magicien du style, quel hypersensible, quel Salinger, quel John Kennedy Toole?... Quel est cet anonyme bruyant dont l'être palpite ainsi entre les lignes?

Roman avec cocaïne raconte à la première personne l'histoire de Vadim, jeune homme russe du début du XXe siècle, garçon péniblement intelligent et torturé.
Par son monologue adressé au lecteur, Vadim témoigne de :
- sa cruauté; ses mauvais penchants qui l'habitent et le soumettent irrépressiblement.
- sa désorientation, de plus en plus envahissante; il battra des mains pour rester en surface, tandis que son esprit prendra l'eau de toutes parts.

Déjà, voir que Vadim est un fils, et un mauvais fils, un fils qui dépouille sa mère - vieille femme flétrie par le travail et la pauvreté - de ses maigres ressources pour financer: 1. ses habits, son train de vie; 2. ses frasques sexuelles; 3. sa prise de coke.

Voir à ce titre comment il domine cruellement celle qu'il appelle "la vieille", lors de confrontations terribles avec elle. C'est positivement horrible. On sent chez lui le besoin de rabaisser sa mère (le vice fait son oeuvre), mais aussi de susciter l'estime maternelle, par une fausse assurance virile, parfaitement puérile et dispensable.
Voir comment, une fois qu'il lui a soutiré de l'argent, il va ensuite se ratatiner dans un coin pour y pleurer à chaudes larmes.

Récit tragique: la mère épuise ses forces pour que vive son fils, tout en s'effaçant pour ne pas l'incommoder. le fils, lui, utilise ce don sacrificiel pour courir à sa propre perte.

Récit amer, celui d'une déchéance éprouvée de l'intérieur: Vadim se vit comme un fruit pourri, il sent le pourrissement agir en lui. Son péché (de pleine conscience) a un côté vital, forcé par la nature. Péché contre lui-même, péché contre sa mère. La cocaïne entre les dents, et alors qu'il augmente les doses, il sent qu'il ne peut en être autrement.

On peut imaginer que le livre est né de fulgurances disjointes, de trouvailles inspirées mais autonomes, de notes éparses, rassemblées, réorganisées... pour trouver à la fin, laborieusement, la cohérence d'ensemble. Une écriture morcellée, hystérisée par les nuits blanches(?), l'alcool(?), la cocaïne(?)... Enfin cela reste une supposition dans le vent. Aussi bien M. "Aguéev" se levait-il tous les matins 8h pour reprendre son travail sagement, en pantoufles, une tasse de café chaud dans la main gauche...

Sinon le texte a beau avoir été écrit à un siècle de distance, il reste parfaitement actuel par ses thèmes (marasme, désorientation), par son ton, osé, affranchi. Peut-être d'autant plus que le cadre historique est à peine présent. Les jalousies en classe, les humiliations au tableau, les victoires d'écoliers, les camaraderies, vraies ou fausses, sont également celles des écoliers de l'an 2000. "Prostitution" et "cocaïne" sont plus éloignées mais on peut rapidement les transposer. Enfin, aucune ride dans l'écriture, et je trouve la traduction remarquable.

Ces derniers jours, un ami qui me prête des livres me le sort de sous le manteau, "last but not least", la pépite que l'on n'attendait plus... Par un hasard amusant, je venais à peine de le finir, conseillé par un autre ami, sur le même ton de confidence.
Commenter  J’apprécie          180
Roman avec cocaïne parle d'un jeune homme en quête de lui-même, de sa plongée progressive aux enfers...
L'histoire se déroule en quelques semaines, pendant lesquelles Vadim découvre : l'amour, la haine et la drogue. L'amour désespéré pour Sonia ; le mépris ingrat envers sa mère, et finalement : l'addiction à la cocaïne…
Vadim fini par se plonger dans la cocaïne à la fin du roman, à cause de son désespoir, et par manque d'amour-propre. En effet, il tente de séduire une bourgeoise ; mais il a honte de sa mère, miséreuse et pathétique. Celle-ci vit dans le dénuement le plus total, elle est désespérément amoureuse de son fils, et son affection non réciproque la détruit... Chaque rouble qu'elle parvient à mettre de côté, elle l'offre à Vadim ; elle se ruine pour lui arracher un peu d'attention, et du début à la fin : Vadim fera semblant de ne pas la connaître.

Ce n'est pas tellement la cocaïne le sujet principal du livre, mais la progressive perdition d'un jeune homme. le mépris pour sa mère le plonge dans un trouble cauchemardesque, car en l'ignorant, il espérait en revanche, recevoir de l'amour d'une jeune fille. En vain.

Cette petite oeuvre est magnifique. L'auteur reproduit le lyrisme dramatique et l'exaltation des sentiments Dostoïevskien à la perfection, en utilisant de longues descriptions psychologiques tortueuses. Roman avec cocaïne est déchirant ; je le classe dans les oeuvres majeures russes.
Commenter  J’apprécie          140
Un roman construit presque comme une une autobiographie d'une classique déchéance, d'une plongée dans l'enfer de la drogue. Sauf que! Sauf que ce roman se passe dans le Moscou pré-révolutionnaire, sauf que ce roman se passe dans le milieu des lycéens russes. Sauf que ce roman est surtout construit comme un roman russe, et ça c'est éblouissant.

Les plongée en eau profonde dans l'esprit torturé, jouisseur et cynique du protagonniste principal sont fascinantes, la si fameuse "âme russe" trouve ici un nouvel avatar, un nouvel angle d'approche.

Un livre a lire de tout urgence.
Commenter  J’apprécie          110
C est un livre vraiment orignal, de par son sujet, mais aussi de par son style et sa conception. Trois séquences, dans lesquelles on retrouve Vadîm confronté à "son âme", à ses pulsions, à ses sentiments qui l envahissent mais qu' il analyse. Intelligent, Vadim n en est pas moins déchiré par ses extrêmes. Les passages avec sa mère sont terribles. Superbement bien écrit (malgré certaines phrases un peu longues) ce texte ne peut laisser insensible. Totalement maîtrisé, il nous amène à nous poser de bonnes questions sur nous mêmes. Sa chute dans la cocaïne est brute, comme l ensemble du livre. Un texte dur. Une bonne baffe.
Commenter  J’apprécie          102
Voici un livre a classer dans les 3 etoiles du guide Michelin des voyages litteraires … Un classement entre « Vaut le detour » et « a ne pas manquer ». Alors « roman avec Cocaine » c'est quoi ? L'histoire d'un jeune adolescent russe, Vadim, qui vit et etudie a Moscou autour de 1917. Malgre l'epoque charniere dans l'hisoire de la Russie, il y a peu etat d'idees politiques. Il s'agit plutot d'une sorte de roman initiatique ou ce jeune homme decouvre le monde exterieur et interieur au travers de ses amities et de ses debauches. C'est la un resume rapide … on en trouve de tres bons et de plus pousses sur la toile. Je me contenterai d'insister sur ce qui m'a touche dans ce roman: le style, le rythme (il n'y a pas une page en trop), l'originalite des metaphores, l'acuite des descriptions, autant materielles que sensorielles. le livre propose certainement une vision assez masculine du monde (il ne faut pas lire la que je la partage !), plutot sombre, egocentrique et ‘machiste'. Pourtant, le texte fait dans la nuance. Malgre ses defauts, Vadim, n'est pas un pur salaud. Il aspire parfois a l'elevation de son ame. Au travers de ses experiences sociales, amoureuses et cocainomanes (la description de la premiere prise de cocaine est d'ailleurs remarquable !), il expose ses reflexions sur les 2 faces de l'ame: sa face eclairee et sa face sombre … L'homme dans toute sa dualite est offert a sa vindict.
Lydia Cweitzer, la traductrice (qui a mon avis a fait un excellent travail car les phrases, bien que traduites, ont souvent beaucoup d'eclat !) rapproche ce style de Proust et de quelques autres ecrivains dont j'ai oublie le nom. J'ai peu lu Proust, mais de ce que j'en connais, je suis d'accord pour faire ce lien. Je le rapprocherai aussi de Kundera, pour le cynisme et la « non moralite » de certains de ses personnages. Des gens plus cultives trouveront sans doute des familiarites avec d'autres auteurs … le but n'est pas de classer mais de proposer quelques noms qui pourraient encourager la lecture de ce livre qui comme je l'ai note en debut de post, vaut le detour !
Commenter  J’apprécie          90
Je crois sincèrement qu'une partie considérable du charme de ce roman a résidé dans le mystère durable de l'identité de son auteur, qui envoya le manuscrit en russe depuis Istanbul à l'Union des écrivains russes de Paris dans les années 1930, signé « M. Aguéev ». Depuis les années 1990, on sait que ce pseudonyme correspond à un certain Mark Lvovitch Levi (mort en 1973), et de ce fait on apprécie davantage, comme de l'auto-ironie amère, le voile d'antisémitisme qui plane à l'encontre des deux condisciples juifs, Stein et Eisenberg, du protagoniste, Vadim Maslennikov dans la description de sa vie au lycée. Ce personnage dostoïevskien a séduit certains lecteurs pour son immoralité et extrême cruauté à l'égard de sa mère, pour sa misogynie avec les femmes qu'il rencontre, pour son paisible nihilisme lorsqu'il plonge, avec une détermination systématique et jusqu'au-boutiste, dans la toxicomanie. D'autres ont trouvé dans la prose de l'auteur, et surtout dans ses phrases longues et dans ses descriptions sensorielles et très originales, une filiation avec la grande tradition du roman russe du XIXe siècle et même des similitudes avec Proust. Assurément, les descriptions en relation avec la cocaïne sont tout à fait spectaculaires.
Toutefois, personnellement, j'ai le sentiment que le mystère qui a fait du livre un roman culte l'a également desservi, car il pâtit, comme beaucoup de premiers romans qui gagnent grandement à être revus par un éditeur bienveillant qui demande à son auteur d'en retravailler certaines parties, d'une certaine inégalité ainsi que de manque d'homogénéité d'un chapitre à l'autre. La rupture entre les parties : « Le lycée », « Sonia », « Cocaïne » et « Pensées », ces deux dernières n'en faisant en réalité qu'une seule, en elle-même, n'est pas tellement gênante. Mais c'est à l'intérieur même de ces parties, et surtout dans la première, que se succèdent des chapitres de facture et de style assez différents et d'intérêt franchement inégal.
Il faut noter aussi une remarquable théorie psychologique (cf. cit. 3 et 4 infra) : celle de la balançoire morale qui oscille entre noblesse et bestialité. Cette théorie associé d'abord à la personnalité du protagoniste, comme pour en expliquer son immoralité, est transposée, à la fin du même chapitre qui figure parmi les tout derniers, à une échelle collective. Là, il est impossible, à mon sens, de la dissocier de la Révolution d'Octobre, qui, en brillant par son absence dans le récit qui se déroule entre 1916 et 1917, pouvait sembler caractériser le nihilisme du héros – c'est ainsi que l'interprétait la traductrice-préfacière Lydia Chweitzer. Au contraire, j'émets l'hypothèse que, par cette transposition finale, l'auteur lui-même assume un jugement moral extrêmement sévère contre la Révolution, qui lui aurait certainement coûté très cher s'il ne s'était pas exilé.
Commenter  J’apprécie          80
Au début du roman, le narrateur est un lycéen qui va sur ses seize ans. Intelligent, il sait placer ses billes. Il vit seul avec sa mère qui n'a de cesse de se sacrifier pour que son fils fréquente un établissement sélect et qu'il s'amuse comme les autres garçons de son âge. Mais voilà, elle renvoie à Vadim l'image de la pauvreté et de la laideur qu'il ne peut supporter. Les humiliations qu'il lui fait subir sont brutales. Un processus d'autodestruction se met en branle. Deux ou trois ans plus tard, la découverte des sensations provoquées par la cocaïne marquera un point de non-retour.

Certains critiques ont interprété ce roman comme une allégorie de la révolution russe. Je veux bien, mais la lecture au premier degré est également très riche. Pour ma part, j'y ai surtout vu une méditation, terrible, sur la honte.
Commenter  J’apprécie          80



Lecteurs (707) Voir plus



Quiz Voir plus

La littérature russe

Lequel de ses écrivains est mort lors d'un duel ?

Tolstoï
Pouchkine
Dostoïevski

10 questions
437 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature russeCréer un quiz sur ce livre

{* *}