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Critique de Merik


Merik
23 février 2021
« Le fait est que les humains sont sans doute ainsi faits : toujours en mouvement. » D'un côté une vague de migrants venus tout droit d'Afrique, débarqués dans un village sarde perdu au fin fond du Campidano. de l'autre une vague de désertion qui les a précédés, la descendance des habitants de ce même village partis voir ailleurs si l'existence valait mieux le coup d'y être vécue. Parfait se dit-on alors, dans une logique de vase communicant : voilà de quoi compenser les uns, voilà de quoi satisfaire les autres. Sauf que la nature humaine encline à se déplacer n'est pas tout aussi apte à accepter la différence, ni s'adapter à l'imprévu :
- Les locaux âgés sont mal embouchés. Encore accrochés à l'espoir du retour des leurs, ils accueillent à leur manière butée cette horde de migrants avec leurs humanitaires, tous venus d'on ne sait où, vite qualifiés d'envahisseurs
- Les migrants quant à eux n'envisageaient pas vraiment l'Europe à l'image de ce village décrépi, vieillissant et sclérosé. Encore moins par l'entremise de la Ruine qui leur a été allouée, le temps de trouver autre chose.
D'autres dynamiques se mettront alors en place. Un mouvement d'attraction et de compassion tout d'abord, d'un groupe de « sardes campidanaises d'heureuse et pipelette nature », enfin débarrassées de leur rejet initial, mais aussi un mouvement de repli sur soi et de rejet définitif pour les Autres, ces maris fermés, ces villageois irrémédiablement obtus aux migrants comme aux humanitaires qui les accompagnent. le village est désormais divisé, même si les liens se créent par ailleurs. Des liens palpitants, le savoir-faire de l'autrice parvenant à nous faire aimer ses personnages à travers leurs aspérités, en donnant du relief à cette humanité en souffrance. Avec Miléna Agus, personne ne semble épargné, mais personne n'est délaissé non plus. le ton déployé, impertinent et drôle, donne toute la saveur à ce récit vu de l'intérieur, avec une narratrice et son « nous » pour évoquer l'action de ces villageoises aidantes, un judicieux point de vue au service de ces femmes libres, drôles, exubérantes, insolentes et fières, en plus d'être actives : « Nous avions au moins une bonne raison de vivre : nous rendre utiles à ceux qui avaient eu encore moins de chance que nous. Mais que pouvions-nous faire ? Nous avons un dicton, nous les Sardes : « Commence par sauver tes brebis, tu penseras au reste plus tard. » »

N'empêche, sans avoir la prétention de résoudre le douloureux sujet des migrants, ce roman aux contours vaguement utopiques s'attife par moments de la panoplie du sauveur, de par les idées d'échanges mises en place, la dynamique humaine qui s'y instaure, tout en prenant les richesses là où elles se trouvent, c'est à dire pas forcément où l'on croit. Une chouette bouffée d'oxygène, vitaminée de rires et de tendresse bougonne.



« Toujours en rêve, Le Professeur, en dévisageant Lorena, lui disait : « Et pourtant, qu'est-ce que tu me fais bander. Tu me fais bander à mort. Mais tu n'affoles pas mon coeur. »
Lorena manquait défaillir, mais le rêve prenait fin avant qu'ils ne passent à l'acte. »
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