Le joueur de billes

J'ai trois catégories de souvenirs : ceux que je veux oublier, ceux que je suis incapable d'effacer et ceux que je ne me rappelle pas avoir refoulés jusqu'à ce qu'ils refassent surface.

Les gens ne mesurent jamais tout à fait les conséquences de leurs mauvaises actions sur les autres. Les blessures sont des racines, elles se propagent, s’étendent, rampent sous la surface et gangrènent d’autres parties de la vie des gens a qui elles font du mal.

C’est toujours sur la terre ferme que je lutte pour respirer. C’est toujours sur la terre ferme que j’ai l’impression de me noyer.

- Les noms qu'on donne aux billes varient en fonction des lieux, dit-il en refaisant le même geste pour que je comprenne bien. Parfois on les appelle des calots, des boulets ou des mammouths, mais mes frères et moi on préfère dire que ce sont des alliées.
Des alliées. Ça me plait. Même si je suis enfermé tout seul dans ce placard, j'ai des alliées. J'ai l'impression d'être un soldat. Un prisonnier de guerre.

Maman est à l'école avec Angus. Il est dans la panade parce qu'il a été surpris en train de boulotter les hosties, alors qu'en tant qu'enfant de chœur, il était censé les ranger après la masse. Il en a mangé un sac entier, trois cent cinquante pour être précis. Quand on lui a demandé ce qu'il avait à dire pour sa défense, il a réclamé à boire parce qu'une dizaine d'entre elles s'étaient collées à son palais.
- Ma bouche était sèche comme la chatte d'une nonne, a-t-il murmuré tard la nuit précédente quand nous étions tous couchés et on a failli se pisser dessus tellement on riait.

Plus tard, ce soir-là, une fois les autres endormis, je lui ai demandé pourquoi il avait fait ça pour moi, pourquoi il s'était accusé à ma place.
- Je ne l'ai pas fait pour toi. Je l'ai fait pour elle. Elle ne veut pas que tu la déçoives mais avec moi, elle a l'habitude.
Maman avait raison quand elle disait qu'Hamish était intelligent, parce qu'il m'a lancé un regard calculateur en ajoutant :
- Tu me dois une fière chandelle. [...]
Cette histoire peint un portrait fidèle d'Hamish. Il aurait fait n'importe quoi pour me sauver la mise.

Tu as toujours été intéressante. J'ai toujours eu l'impression que tu avais des tas de questions à poser mais que tu te retenais. J'attendais que tu te décides mais tu ne l'as jamais fait.

Moi je pense plutôt que le silence et la tolérance sont les meilleurs moyens d'avancer, même si c'est difficile d'être tolérant, surtout quand on ne sait pas quel est le problème ni si même il y en a un. On m'a dit que mon comportement prouve qu'il y en a un. Mon comportement fait de silence et de tolérance. C'est un cercle vicieux.

J'ai appris une chose [...]: garder un secret me donne du pouvoir.

Papa,
Tu as le monde dans le creux de ta main.
Je t'aime.