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Critique de Yvan_T


D'abord auto-édité par son auteur philippin, ce one-shot est maintenant publié en français par les éditions Cà & Là. Encreur sur plusieurs séries très connues, Gerry Alanguilan n'est pas vraiment un inconnu dans le monde du comics, mais ce récit qu'il signe en solo est pour le moins surprenant.

Il n'y a pas longtemps, on retrouvait déjà les poulets au centre d'un postulat de départ intéressant dans « Tony Chu, détective cannibale », où, suite à une pandémie de grippe aviaire ayant décimée 116 millions de personnes à travers le monde, la volaille était devenue le premier produit de contrebande. le point de départ de cette histoire est tout aussi loufoque, mais le récit qui en découle est beaucoup plus profond.

L'idée de base est qu'en 1979, suite à un phénomène inexplicable, les poulets sont subitement devenu conscients et ont non seulement progressivement appris à parler et à écrire, mais ont également fini par revendiquer des droits identiques aux humains. Ce chamboulement ne s'est évidemment pas déroulé dans la douceur et laisse encore des traces bien visibles dans la société d'aujourd'hui. Car le récit débute vingt-cinq ans après cette prise de conscience des gallinacés et invite à suivre le quotidien de Jake Gallo, un jeune coq qui a du mal à trouver sa place dans la société.

« Elmer » propose tout d'abord une émouvante chronique familiale et une quête de soi touchante. Entre son frère devenu star du grand écran, une soeur qui annonce son mariage mixte avec un humain et son incapacité à trouver du travail, la vie de Jake n'est pas de tout repos. Mais c'est surtout la relation père-fils que l'auteur développe avec brio tout au long de ce one-shot. C'est au travers du journal intime du père, Elmer, que le lecteur va non seulement découvrir toute l'histoire de la famille Gallo, mais également celle des gallus gallus et de leurs efforts pour parvenir à cohabiter avec les humains.

Et c'est là que se trouve le principal intérêt de ce chef-d'oeuvre, car le chemin emprunté par ces poulets intelligents pour accéder à des droits fondamentaux, n'est pas sans rappeler quelques tristes passages de l'Histoire du genre humain. de leur élevage en batterie, qui fait inévitablement allusion aux fameux camps nazis, à leur exécution sanglante, qui a tout d'un génocide, la liste des maltraitances dont ils étaient victimes n'est pas mince. Et maintenant qu'ils ont quitté le règne animal, le bilan du genre humain n'est malheureusement pas beaucoup plus positif, car au menu des gallinacés, on retrouve intolérance, racisme et exclusion, mais heureusement également quelques histoires qui font chaud au coeur, comme celle du fermier Ben, véritable héros de la résistance. Malgré une approche particulièrement déstabilisante, l'auteur brosse finalement un monde particulièrement réaliste et familier et aborde de nombreux thèmes universels. Si l'approche anthropomorphique des personnages permet de créer une certaine distance vis-à-vis des faits relatés, la vision du genre humain offerte par l'auteur n'est pas moins triste pour autant. A la fois universelle, intimiste, drôle et émouvante, cette mise à nu du manque d'acceptation de la différence est d'une intelligence rare.

Derrière une couverture sobre et élégante, l'auteur propose un dessin noir et blanc précis et réaliste qui accompagne brillamment ce récit riche en émotions et invitant à la réflexion. Est-ce le postulat de base de cette histoire qui est absurde ou l'intolérance qui anime notre monde ?

Quoi, qu'il en soit, Gerry Alanguilan a probablement raison de supposer que quand les poules auront des dents, l'homme, lui, sera toujours intolérant !
Lien : http://brusselsboy.wordpress..
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