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Critique de audelagandre


« Une maman parfaite » dresse les portraits de plusieurs femmes : Hélène la mère de l'héroïne « Parce qu'on voulait créer de la joie, voilà. », Louise la meilleure amie « parce que les femmes sont faites pour porter la vie », par contraste à Gabriele l'autre meilleure amie « Si seulement je n'étais pas une femme. » et enfin Anne l'héroïne « (…) mais j'ai toujours SU que je voulais être mère. ». Quatre femmes, quatre situations, aucune vérité absolue. Marie-Fleur Albecker explore les profondeurs de la maternité, des pressions sociales, et des défis rencontrés par la femme d'aujourd'hui qui aspire à devenir mère tout en restant femme avant tout.

Le récit est centré sur le personnage d'Anne, aspirante à la maternité, qui pensait que tout serait simple une fois la décision prise. Elle se débat entre ses désirs profonds et ses valeurs féministes. « Mais c'est… Ma vie ne sera pas complète sans ça. Je sais que c'est con, est-ce que c'est vraiment féministe ? » Doit-on renoncer à ses idées, au droit de défendre des valeurs féministes lorsqu'on souhaite être mère ? Anne représente une juxtaposition intéressante de convictions politiques, de désirs personnels et d'attentes sociales qui pèsent sur elle en raison de son âge.

« Une maman parfaite » commence comme une comédie, l'humour est franc, grinçant, et corrosif. On rit jaune, on rit franchement, on éclate de rire, et puis… on rentre doucement dans des périodes où le rire devient plus difficile. Marie-Fleur Albecker varie les tonalités pour ce roman qui envoie toute sorte d'émotions, du choix au résultat. Loin d'être un long fleuve tranquille, la maternité est « un putain d'iceberg ».

La construction d'« Une maman parfaite » se calque sur la chronologie de la vie qui, selon son expérience personnelle, va parler plus à une femme qu'à une autre. le roman donne l'impression d'être autour une table, entre bonnes copines, pour parler à bâtons rompus de tous les aspects de la maternité. En fonction de votre vécu et peut-être des expériences difficiles par lesquelles vous êtes passées pour devenir mère…certaines parties vous parleront plus que d'autres, certaines vous feront éclater de rire et d'autres, au contraire, vous nouerons la gorge.

Revenons sur le parcours d'Anne puisque c'est d'elle qu'il s'agit dans le roman. Devenir mère ressemble pour elle à un parcours du combattant. Dès lors que la décision est prise, rien n'est simple. de la conception en passant par un parcours PMA, à l'accouchement, rien ne lui sera épargné. En bonus, elle gagne le ticket du post-partum. Anne a 30 ans, et avoir 30 ans sans être mère constitue en soi un sujet de discussion permanent où chacun s'octroie le droit de donner son avis.

« Même la fécondité de ton utérus devient un objet étalé en pâture sur le comptoir du café du Commerce. Fataliste : « Wow, ça fait trois ans que vous essayez et rien ? Laissez tomber, c'est que vous deux ça marchera pas ! », graveleux : « Ton mec ne sait pas comment s'y prendre, c'est ça ? je vais lui montrer ! », philosophe : « Laisse faire les choses, il faut lâcher prise », optimiste : « Cette fois-ci c'est la bonne, allez ! », pessimiste : « Bah faut pas forcer la nature, c'est que tu n'es pas faite pour être mère, c'est tout ! », vieux : « Vous êtes jeunes, vous avez le temps », et surtout, surtout, mystère de la vie : « C'est dans la tête, il faut arrêter d'y penser. »

Si vous avez été enceinte, vous connaissez « la chaleur des remarques non sollicitées », les demandes intempestives à être grand-mère, les gens qui vous touchent le ventre sans vous demander la permission comme si votre corps était en mode portes ouvertes, « À partir du moment où votre ventre commence à se voir, on dirait que votre utérus et son contenu sont la propriété du tout-venant, qui a un droit absolu de toucher, de commenter, de prédire, de conseiller, voire d'insulter ; »

« Une maman parfaite » c'est aussi le récit de l'accouchement (attention, Mesdames les futures mères, ça envoie du réalisme), la rencontre avec bébé (qu'elle se fasse immédiatement ou pas), la tornade du quotidien, les corps épuisés, les engueulades de couple pour trois fois rien, la libido en berne, et les crises de larmes en rafale. Mais l'humour utilisé par Marie-Fleur Albecker dédramatise des situations d'anthologie. « Louise dit qu'il faut manger son placenta après avoir accouché, que ça redonne la pêche, qu'elle regrette de ne pas l'avoir fait. Tu m'étonnes, manger un bout de son utérus, en voilà une idée qu'elle est bonne ! Moi qui ai déjà du mal à me mettre à manger des légumineuses… »

Autre point que j'ai trouvé à la fois drôle et passionnant est la place des hommes dans ce schéma d'« Une maman parfaite ». de la conception à la réalité terrain, j'avoue avoir ri, été en colère, et un peu plaint (nan, je rigole) ces pauvres êtres sans défense. Vous avez remarqué à quel point les hommes deviennent des super héros ? « Quel papa formidable, quelle chance vous avez ! » Je me demande tout de même dans quel monde un homme qui change les couches alors que sa compagne ne peut pas marcher sans difficulté est un « papa formidable ». Marie-Fleur Albecker s'en donne à coeur joie et quel bien cela fait de rire ! Ne nous mentons pas, et je le répète sans arrêt à mes filles : le jour où tu as un enfant, la charge TE reviendra, dans TOUS les domaines. Ne crois surtout pas que tu auras, à terme, l'aide promise !

Lisez plutôt : « Être un homme et pouvoir n'être pas responsable, ne pas connaître les vaccins et les allergies ni même le nom et l'adresse du pédiatre. Être un homme et répondre au dit pédiatre : « J'ai pas le carnet de santé, ma femme ne l'a pas préparé. » Et plus loin, un voeu pieu : « Être un homme et qu'on n'attende rien de moi ! », et encore : « Être un homme et recevoir des félicitations quand je change une couche ! », et on enfonce le clou : « Être un homme et pouvoir « aider », seulement aider, non pas avoir la responsabilité, l'écrasante responsabilité de l'entière vie d'un autre être, mais l'envisager le week-end, à ma convenance, parce que je travaille, moi. Être un homme et n'avoir de pression que pour garder mon boulot, avoir la main sur le fric. » Alléluia, priez pour nous, pauvres folles que nous sommes !

Je termine par une vision très intéressante de l'auteure sur la perte d'identité lorsque l'on devient mère. Cette perte passe par une disparition mystérieuse de son propre corps. « Rendez-moi mes seins, rendez-moi mon corps, rendez-moi mon Moi, ils sont devenus tous fous je vous jure, je suis devenue un ectoplasme au service d'un nourrisson qui, lui, occupe toute l'attention. le corps médical s'occupe à me retaper, mais c'est uniquement en tant que « la Maman de Rosa », je ne suis plus JE. » À cela s'ajoute la disparition du temps : impossible de faire en une seule journée ce qui doit être fait. « Une maman parfaite » c'est aussi « Mes journées sont courtes et interminables à la fois, rythmées par les siestes, les repas, les vomis, les cacas. Interminables, surtout. », l'absence de désir sexuel « Les relations sexuelles sont un dû, peut-être ? Il pense quoi, que si sa meuf se force un peu, elle va finir par aimer ? ». Il paraît que l'appétit vient en mangeant les filles !

En somme, « Une maman parfaite » est une exploration captivante, nuancée et réaliste des thèmes liés à la maternité, de la conception à la vie avec un enfant. Les femmes sont les capitaines d'un bateau qui navigue sur des eaux parfois tumultueuses, où l'intime touche aux questions fondamentales de société. L'humour franc et corrosif du début évolue vers des phases plus sérieuses, mais reste une arme parfaite pour dédramatiser, tout en disant la vérité. Un roman vraiment complet sur le sujet que je vous recommande.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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