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EAN : 9782373057591
Aux forges de Vulcain (19/01/2024)
3.63/5   34 notes
Résumé :
Anna est féministe et engagée. Anna veut un enfant à tout prix. Elle conçoit son expérience de la maternité comme un projet de couple, comme une nécessité personnelle, tout en soutenant le droit à l'avortement et les parents seuls. Pourtant, Mathias ne se sent pas prêt. Elle a trente-et-un ans, et les gens de son entourage (ses amies, sa mère, son gynéco, les amies des amies de sa grand-mère) lui rappellent en permanence que l'horloge tourne.
Mais le processu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Lorsque l'enfant paraît (après un long parcours)

Marie-Fleur Albecker raconte dans son nouveau roman le combat d'un couple trentenaire pour avoir un enfant. L'occasion d'explorer les notions de famille, de procréation médicalement assistée, de maternité et de période post-partum avec acuité et humour. Une chronique douce-amère loin des clichés et des injonctions.

«C'est un roc! … c'est un pic! … c'est un cap! Que dis-je, c'est un cap? … C'est une péninsule!» Prenons la fameuse tirade du nez dans le Cyrano d'Edmond Rostand pour résumer ce roman bien envoyé qui retrace le combat d'un couple trentenaire pour avoir un enfant et le parcours d'une mère aujourd'hui.
Après s'être mise d'accord avec son compagnon pour fonder une famille, Anne va très vite se heurter à un roc. Car dans ce domaine, il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. Toutes les tentatives menées pour tomber enceinte vont connaître l'échec. Les conseils des amis, les injonctions de la société, les modes d'emploi du milieu médical ne font qu'augmenter la pression au sein de couple.
Qui va devoir s'attaquer à un pic, la procréation médicalement assistée. Il n'est alors plus question d'amour mais de technique, de calculs de probabilité, d'examens répétés. Une épreuve qui demande beaucoup d'abnégation et une farouche volonté. Après des mois, Matthias est sur le point de jeter l'éponge. Lui qui normalement devrait «tirer un coup puis masser les pieds de sa meuf en lui achetant des fraises un soir si elle a une envie soudaine». Mais aujourd'hui il doit «déposer sa semence dans l'urne sacrée, l'éprouvette du Saint Docteur, et regarder Anne se torturer de toutes les manières possibles parce que «ça ne prend pas», se piquer, ne plus dormir, attendre, courir, écarter les jambes, prise de sang, recommencer, et attendre, attendre, la déception, et recommencer.»
Finalement, après un premier faux espoir, Camille tombe enceinte. Commence alors une nouvelle période de doutes et les mille questions qui accompagnent ces neuf mois tout sauf paisibles.
Mais le couple finit par atteindre son cap: la maternité. Une étape qui a beau être préparée, disséquée, analysée, elle va très vite se heurter à une évidence: «Quand l'enfant est là, il bouscule tout par sa simple présence, si simple et si intimidante.»
Il faut maintenant aborder la péninsule. Une péninsule baptisée post-partum et qui, elle aussi, est tout sauf simple à gérer.
«J'étais devenue celle que j'aurais un peu méprisée avant: une femme qui donne tout aux autres, dépossédée de son corps, et qui s'en fout. Qui veut seulement que ça s'arrête, que tout disparaisse, revenir avant. Une femme étoile de mer, posée sur le fond des mers, incapable de nager, enterrée dans le sable. Qui a trahi ce qu'elle était.»
Avec son style corrosif, Marie-Fleur Albecker n'hésite pas à bousculer les idées reçues sur la famille et la maternité, à s'éloigner des clichés et des injonctions pour dire qu'en cette affaire rien n'est simple, que très – trop – souvent, on minimise l'affaire et on ne veut pas voir la réalité dans toute sa violence. Oui, la PMA est un tue-l'amour, oui l'accouchement se fait dans la douleur, oui l'arrivée d'un enfant aliène votre liberté et oui, on ne revient pas à une vie normale après avoir eu un enfant.
En refermant Une maman parfaite, on pense à Toucher la terre ferme de Julia Kerninon qui raconte aussi le choc qu'aura été pour elle la maternité et cette dichotomie entre la femme d'avant et la femme d'après ou encore à Toutes les femmes sauf une de Maria Pourchet, la confession d'une mère qui vient d'accoucher à sa fille. Trois regards de femmes qui disent toute la complexité d'une problématique et qui en révèlent toutes les nuances là où le manichéisme et bien fréquemment de mise. Éclairant, sinon salutaire!
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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« Une maman parfaite » dresse les portraits de plusieurs femmes : Hélène la mère de l'héroïne « Parce qu'on voulait créer de la joie, voilà. », Louise la meilleure amie « parce que les femmes sont faites pour porter la vie », par contraste à Gabriele l'autre meilleure amie « Si seulement je n'étais pas une femme. » et enfin Anne l'héroïne « (…) mais j'ai toujours SU que je voulais être mère. ». Quatre femmes, quatre situations, aucune vérité absolue. Marie-Fleur Albecker explore les profondeurs de la maternité, des pressions sociales, et des défis rencontrés par la femme d'aujourd'hui qui aspire à devenir mère tout en restant femme avant tout.

Le récit est centré sur le personnage d'Anne, aspirante à la maternité, qui pensait que tout serait simple une fois la décision prise. Elle se débat entre ses désirs profonds et ses valeurs féministes. « Mais c'est… Ma vie ne sera pas complète sans ça. Je sais que c'est con, est-ce que c'est vraiment féministe ? » Doit-on renoncer à ses idées, au droit de défendre des valeurs féministes lorsqu'on souhaite être mère ? Anne représente une juxtaposition intéressante de convictions politiques, de désirs personnels et d'attentes sociales qui pèsent sur elle en raison de son âge.

« Une maman parfaite » commence comme une comédie, l'humour est franc, grinçant, et corrosif. On rit jaune, on rit franchement, on éclate de rire, et puis… on rentre doucement dans des périodes où le rire devient plus difficile. Marie-Fleur Albecker varie les tonalités pour ce roman qui envoie toute sorte d'émotions, du choix au résultat. Loin d'être un long fleuve tranquille, la maternité est « un putain d'iceberg ».

La construction d'« Une maman parfaite » se calque sur la chronologie de la vie qui, selon son expérience personnelle, va parler plus à une femme qu'à une autre. le roman donne l'impression d'être autour une table, entre bonnes copines, pour parler à bâtons rompus de tous les aspects de la maternité. En fonction de votre vécu et peut-être des expériences difficiles par lesquelles vous êtes passées pour devenir mère…certaines parties vous parleront plus que d'autres, certaines vous feront éclater de rire et d'autres, au contraire, vous nouerons la gorge.

Revenons sur le parcours d'Anne puisque c'est d'elle qu'il s'agit dans le roman. Devenir mère ressemble pour elle à un parcours du combattant. Dès lors que la décision est prise, rien n'est simple. de la conception en passant par un parcours PMA, à l'accouchement, rien ne lui sera épargné. En bonus, elle gagne le ticket du post-partum. Anne a 30 ans, et avoir 30 ans sans être mère constitue en soi un sujet de discussion permanent où chacun s'octroie le droit de donner son avis.

« Même la fécondité de ton utérus devient un objet étalé en pâture sur le comptoir du café du Commerce. Fataliste : « Wow, ça fait trois ans que vous essayez et rien ? Laissez tomber, c'est que vous deux ça marchera pas ! », graveleux : « Ton mec ne sait pas comment s'y prendre, c'est ça ? je vais lui montrer ! », philosophe : « Laisse faire les choses, il faut lâcher prise », optimiste : « Cette fois-ci c'est la bonne, allez ! », pessimiste : « Bah faut pas forcer la nature, c'est que tu n'es pas faite pour être mère, c'est tout ! », vieux : « Vous êtes jeunes, vous avez le temps », et surtout, surtout, mystère de la vie : « C'est dans la tête, il faut arrêter d'y penser. »

Si vous avez été enceinte, vous connaissez « la chaleur des remarques non sollicitées », les demandes intempestives à être grand-mère, les gens qui vous touchent le ventre sans vous demander la permission comme si votre corps était en mode portes ouvertes, « À partir du moment où votre ventre commence à se voir, on dirait que votre utérus et son contenu sont la propriété du tout-venant, qui a un droit absolu de toucher, de commenter, de prédire, de conseiller, voire d'insulter ; »

« Une maman parfaite » c'est aussi le récit de l'accouchement (attention, Mesdames les futures mères, ça envoie du réalisme), la rencontre avec bébé (qu'elle se fasse immédiatement ou pas), la tornade du quotidien, les corps épuisés, les engueulades de couple pour trois fois rien, la libido en berne, et les crises de larmes en rafale. Mais l'humour utilisé par Marie-Fleur Albecker dédramatise des situations d'anthologie. « Louise dit qu'il faut manger son placenta après avoir accouché, que ça redonne la pêche, qu'elle regrette de ne pas l'avoir fait. Tu m'étonnes, manger un bout de son utérus, en voilà une idée qu'elle est bonne ! Moi qui ai déjà du mal à me mettre à manger des légumineuses… »

Autre point que j'ai trouvé à la fois drôle et passionnant est la place des hommes dans ce schéma d'« Une maman parfaite ». de la conception à la réalité terrain, j'avoue avoir ri, été en colère, et un peu plaint (nan, je rigole) ces pauvres êtres sans défense. Vous avez remarqué à quel point les hommes deviennent des super héros ? « Quel papa formidable, quelle chance vous avez ! » Je me demande tout de même dans quel monde un homme qui change les couches alors que sa compagne ne peut pas marcher sans difficulté est un « papa formidable ». Marie-Fleur Albecker s'en donne à coeur joie et quel bien cela fait de rire ! Ne nous mentons pas, et je le répète sans arrêt à mes filles : le jour où tu as un enfant, la charge TE reviendra, dans TOUS les domaines. Ne crois surtout pas que tu auras, à terme, l'aide promise !

Lisez plutôt : « Être un homme et pouvoir n'être pas responsable, ne pas connaître les vaccins et les allergies ni même le nom et l'adresse du pédiatre. Être un homme et répondre au dit pédiatre : « J'ai pas le carnet de santé, ma femme ne l'a pas préparé. » Et plus loin, un voeu pieu : « Être un homme et qu'on n'attende rien de moi ! », et encore : « Être un homme et recevoir des félicitations quand je change une couche ! », et on enfonce le clou : « Être un homme et pouvoir « aider », seulement aider, non pas avoir la responsabilité, l'écrasante responsabilité de l'entière vie d'un autre être, mais l'envisager le week-end, à ma convenance, parce que je travaille, moi. Être un homme et n'avoir de pression que pour garder mon boulot, avoir la main sur le fric. » Alléluia, priez pour nous, pauvres folles que nous sommes !

Je termine par une vision très intéressante de l'auteure sur la perte d'identité lorsque l'on devient mère. Cette perte passe par une disparition mystérieuse de son propre corps. « Rendez-moi mes seins, rendez-moi mon corps, rendez-moi mon Moi, ils sont devenus tous fous je vous jure, je suis devenue un ectoplasme au service d'un nourrisson qui, lui, occupe toute l'attention. le corps médical s'occupe à me retaper, mais c'est uniquement en tant que « la Maman de Rosa », je ne suis plus JE. » À cela s'ajoute la disparition du temps : impossible de faire en une seule journée ce qui doit être fait. « Une maman parfaite » c'est aussi « Mes journées sont courtes et interminables à la fois, rythmées par les siestes, les repas, les vomis, les cacas. Interminables, surtout. », l'absence de désir sexuel « Les relations sexuelles sont un dû, peut-être ? Il pense quoi, que si sa meuf se force un peu, elle va finir par aimer ? ». Il paraît que l'appétit vient en mangeant les filles !

En somme, « Une maman parfaite » est une exploration captivante, nuancée et réaliste des thèmes liés à la maternité, de la conception à la vie avec un enfant. Les femmes sont les capitaines d'un bateau qui navigue sur des eaux parfois tumultueuses, où l'intime touche aux questions fondamentales de société. L'humour franc et corrosif du début évolue vers des phases plus sérieuses, mais reste une arme parfaite pour dédramatiser, tout en disant la vérité. Un roman vraiment complet sur le sujet que je vous recommande.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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« L'accouchement est le seul rendez vous à l'aveugle où on est sûr de rencontrer l'amour de notre vie ».

Anne, la trentaine, en couple avec Matthias, est l'héroïne de ce roman, qui débute lorsqu'elle décide d'avoir un enfant, coûte que coûte… le tic tac de l'horloge biologique.

Marie-Fleur Albecker, à travers ce roman, explore la maternité dans tous ses états : la PMA, l'attente, la grossesse, la préparation, l'accouchement, la rencontre avec son enfant, le bouleversement de la vie d'une femme
devenue maman, la dépression post-partum, la place du père, les mères solo, les injonctions sociales…

Un monologue, ponctué de points info, interrompu parfois par la voix de Matthias, le papa, et par Louise, da meilleure amie, maman solo.

La plume de Marie-Fleur Albecker est grinçante, corrosive, ironique et loin du politiquement correct.

Un livre résolument féministe, qui nous interroge sur la maternité jusqu'à l'ultime tabou, peut on regretter d'avoir enfanter ?

Je vous pose la question !
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J'ai demandé ce livre en SP sur Netgalley car le résumé annonçait un discours original sur la maternité et j'ai une vision très qualitative des ouvrages publiés par l'éditeur depuis je j'ai lu le cycle de la Tour de garde.

Malheureusement je n'ai rien trouvé de neuf dans ce roman. Si les sentiments décrits par l'autrice sont parfaitement valides (je suis passé par les mêmes à la naissance de ma 1ère fille il y a 17 ans), ils ont déjà été couchés sur le papier des centaines de fois. La narratrice mentionne Annie Ernaux, à juste titre, mais les reflexions qu'elle développe dans l'ouvrage (que ce soit sur la PMA, la grossesse ou la maternité) on les trouve depuis un bonne dizaine d'années déjà en livres, dans des blogs, ou même sur les forums dédiés à la maternité que la narratrice semble tant mépriser (au passage, on notera que bitcher sur les "Gygy" "zhom" et autres "BB1" qu'on trouve sur les forums c'est pas hyper sororal pour quelqu'un qui se dit féministe). Il n'y a pas une ligne de ce roman que je n'ai déjà lue ailleurs.

Sur le plan formel, la fiction n'apporte rien si ce n'est des personnages stéréotypés (le type médiocre qui devient père pour faire plaisir à sa conjointe) et auxquels on peine à s'attacher. On regrettera que le cercle amical de la narratrice se limite à deux situations extrêmes (celle qui ne veut pas d'enfant et la mère fusionnelle), ce qui bien sur n'aide pas à développer une vision nuancées sur le sujet.

Je me suis demandée qui pourrait être touché par ce livre. À la lectures des critiques il pourrait éventuellement intéresser des lectrices nullipares qui ignorent tout du sujet, ou les lecteurs masculins qui d'ordinaires ne s'occupent pas "d'histoires de bonne femmes". Mais bon, 270 pages, ça fait long pour une note de blog.

Et pour finir sur une note constructive, j'en profite pour signaler ce très beau texte de Béatrice Kammerer (qui était à l'origine une note de blog, justement), qui date de 2015 (déjà) et me semble infiniment plus percutant sur le sujet : https://www.slate.fr/story/100251/menteuses-de-meres-en-filles
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Anne et Matthias ne conçoivent pas. Anne a passé la trentaine et croit que c'est fichu. Elle prend le relais des injonctions sociales à la procréation pour demander rapidement une PMA, puis des FIV. le parcours est long, semé d'embûches physiques pour Anne et de doutes pour Matthias.
Lorsque l'enfant paraît, rien ne se passe comme prévu. Au lieu de l'instinct maternel, c'est la dépression qui pointe et qui devient la compagne d'Anne, malgré une mère compréhensive et des amies présentes.
L'on passe de la première à la troisième personne sans vraiment savoir pourquoi, sans que l'on perçoive vraiment de changement de point de vue global.
C'est sans doute un livre qui intéressera les couples primipares, pour ma part j'ai déjà lu ailleurs des épisodes comparables et je n'ai pas compris ce qu'apportait cette narration alternée. Ce n'était sans doute plus le bon moment pour moi…
Merci à NetGalley et aux Forges de Vulcain pour cette lecture !
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critiques presse (1)
Bibliobs
02 février 2024
A travers un récit juste et volontiers sarcastique, la géographe et écrivaine raconte concrètement et avec une grande franchise ce que veut dire être mère.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
« L’accouchement est le seul rendez vous à l’aveugle où on est sûr de rencontrer l’amour de notre vie ».
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(Les premières pages du livre)
La maternité.
Pourquoi n’en entend-nous pas parler?
Ou plutôt, pourquoi n'entendons-nous à ce sujet que les avis non sollicités sur nos vies intimes?
« Elle a 35 ans, toujours pas d'enfant, c’est: bizarre – contre-nature – elle doit avoir un problème » (rayez la mention inutile)
Tout le monde a un avis sur ce que les femmes devraient avoir dans le tiroir, mais
il doit rester fermé, le tiroir.
Y a pas de pourquoi qui tienne. Une femme, c’est fait pour être mère.
Et pourtant, de cette gageure, on ne sait rien, ou si peu.
(Saviez-vous que ça se prononce «gajure»?)
La maternité c’est comme ça, ça s'écrit comme ça se prononce. Et pourtant, un putain d’iceberg, pardonnez ma vulgarité.
Un joli glaçon émergé, et en-dessous, tout ce qui a été pensé, ressenti, connu,
mais crié à voix basse, dit mais pas écrit, peut-être, par la mère, si la fille est chanceuse,
mais quelle mère peut dire à sa fille: ça a été si difficile ?
ou sinon, murmuré d’une amie à une autre.
Mais ce n'est pas si simple, car il y a celles pour qui c’est facile, comme une respiration, comme une gorgée d’eau.
Mais qui pour mander cette chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus commune, la plus terrible, la plus solitaire, la plus aliénante, la plus naturelle, la plus simple, la plus complexe, la plus exigeante ; enfin une chose dont on trouve des milliards d'exemples dans les siècles passés, et que pourtant l’on tait.
Nous avons jeté notre langue aux chiens.
L'amour, le couple, nous l’avons lu, vu, discuté, décortiqué jusqu’à la nausée.
Mais la maternité ?
Faudra vous débrouiller toute seule, oui, ma bonne dame.

Prélude
Maman mais pourquoi?

Hélène (c’est la mère de l’héroïne)
Vous allez rire, mais je ne me suis jamais posé la question.
Parce que c’est la vie non ? La joie ?
Parce qu'on voulait créer de la joie, voilà.
Tout simplement.

Louise (c’est la meilleure amie de l’héroïne)
Alors, cette question !
Parce que c’est comme ça, quoi. Anne va encore dire que je suis hyper conformiste, mais bon voilà, c’est comme ça, voilà.
Parce que les gens ont des enfants.
Parce qu’il faut continuer la famille. La lignée.
Parce que ma gynéco m'a dit qu’à partir de trente ans, il fallait y penser.
Parce que les femmes sont faites pour porter la vie. Je sais, Anne va encore râler que je suis de droite, mais c’est vrai, quoi, on a un utérus, c’est pour quoi faire sinon? C'est pas pareil que l’appendice quand même.
En fait, au début je me suis pas trop posé la question, et finalement, quand j'ai perdu le premier, j'ai su que j'en voulais un. Et je me suis débrouillée pour en avoir un. Il me le fallait.
Je peux vous faire une liste!
J'ai voulu un enfant parce que:
- on me dit que j'ai l’âge;
- j'ai fait tout ce qu'il fallait pour ça;
- être une femme c’est être une mère;
- Karim n’a pas le droit de gagner sur ce coup-là (Karim, c’est mon ex);
- ça sera un enfant très beau, puisque Karim et moi sommes très beaux;
- ça donnera un sens à ma vie;
- mon Corps n'aura pas le dernier mot;
- mon corps en est capable;
- je suis seule, tellement seule;
- c’est l’ordre des choses.
Et peut-être ne sont-ce que des mauvaises raisons: mais, après tout, y en a-t-il de bonnes ? J’obtiens ce que je veux, maintenant. Je suis Maman.

Anne (c'est elle l’héroïne)
Bien. D'abord, si je peux me permettre, j'aimerais qu’on dise «mère», pas «maman». C'est très aliénant, maman, c’est infantilisant. D'ailleurs, pour être inclusif, il vaudrait mieux dire « parent mais pourquoi?» Enfin bref. Je vous le dis, voilà.
Justement, nous, c’est notre projet, à deux. Notre enfant, c’est un projet de couple. Enfin, pour moi... je veux pas dire... pour d’autres, chacune fait comme elle a envie!
Mais quand même c’est vrai que pour moi c’est une envie depuis, je ne sais pas, je ne peux pas dire « viscérale » parce que je ne crois pas trop à tout ça, je sais bien que c’est un construit social, mais j'ai toujours SU que je voulais être mère. Donc, c’est comme Ça. Enfin c’est sûr qu'avec le bon père, c’est là que ça devient concret. Je sais que Matthias sera un bon père, voilà, je l'aurais pas fait avec n'importe qui.
Mais c’est. ma vie ne sera pas complète sans ça. Je sais que c’est con, est-ce que c’est vraiment féministe ? Mais c’est comme ça. On dit beaucoup de choses sur le désir d’enfant, que l'enfant n’est pas un objet, qu’il faut « un papa et une maman ». C’est n'importe quoi. Moi, je comprends ça, vouloir un enfant à tout prix. Je ne sais même pas si c’est pour moi, pour lui, pour la société. Je crois que je l'aurais même fait toute seule, en fait. Je dois être un peu tarée, ou bien c’est la société qui l’est. Va savoir.

Gabrielle (c’est une autre amie de l’héroïne)
Pour rien au monde, et merci bien !
Non, je ne veux pas d'enfant. Non, je ne changerai pas d'avis. Non, je ne suis pas dégénérée. Non, je ne ressentirai pas l'horloge biologique. Non, ce n'est pas parce que je n'aime pas les enfants.
Pourquoi me forcez-vous sans cesse à dire non? Pourtant je ne suis pas quelqu'un qui dit non. Et, pour cette seule chose, je dois dire non, sans cesse, à tous, tout le temps.
Au vrai, si j'avais vraiment le choix, je ne serais pas contre avoir un enfant, mais comme un homme : juste pouvoir rentrer à la maison, jouer dix minutes au cheval, risette sur la joue, et c’est bon maintenant laissez-moi travailler. Comme un homme, surtout, sans aucune attente portée sur ma manière d’être mère, libre de rater, libre d’être mère par intermittence, libre d'abandonner, pourquoi pas, mon enfant. Libre enfin, d’être femme même sans enfant. D'un père qui abandonne son enfant, on dira qu’il a jeté sa gourme, au pire que c’est un irresponsable, mais il ne subira pas l’opprobre comme une femme. Qu'est-ce que j'en sais, moi, si je vais aimer mon enfant ? La «nature» a bon dos, mais je n’y crois pas du tout, moi, à la nature. L'horloge biologique, je l’attends de pied ferme. Parce qu’elle n'existe pas.
Pourquoi avons-nous obligation d’enfanter, je vous le demande ? Le monde n’a pas assez d’enfants malheureux ? Sommes-nous en voie d’extinction ? Parce que « c’est la nature », mais savez-vous, Je ne souhaite pas retourner vivre dans une grotte à manger du mammouth cru parce que « c’est la nature ». Mon bonheur ne passe pas par là, ne vous en déplaise, à vous tous.
Jusques à quand, enfin, cesserez-vous de me demander pourquoi ? Si seulement je n'étais pas une femme.

I Décider
Point info 1.
Je suis comme ça, moi, je cite mes sources, je diffuse l'information.
Je vous en prie, c’est gratuit, et puis vous en aurez pour votre argent. Ça vous reposera entre deux passages de bonnes femmes qui se plaignent.
On est comme ça, nous les bonnes femmes. Alors, commençons par nos âges.
« En 2015, en France, les femmes donnent naissance à leur premier enfant à 28,5 ans en moyenne, soit quatre ans et demi plus tard qu’en 1974. L'âge à la première maternité ne cesse d'augmenter depuis cette date. Sa hausse est toutefois moins rapide depuis une quinzaine d'années. (...)

En 2012, les femmes les moins diplômées ont leur premier enfant quatre ans plus tôt que les plus diplômées. » Source : Sabrina Volant, in Insee Première, n°1642, 27/03/2017.

Je vais vous parler de trentenaires diplômées. Pas forcément représentatives de grand choses, mais je les connais. Celles qu’on voit dans les séries quand qu'elles essaient de trouver un mec.
Et puis ensuite elles disparaissent. À ce qu’il paraît, ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

C'est Anne qui parle :
Ça a débuté comme ça. Et on ne savait pas, on ne savait vraiment pas, que notre voyage à nous, il ne serait pas imaginaire, qu’il allait nous traîner de déceptions en fatigues, de la vie à la mort. Mais ça, on ne le savait pas, parce que ça a l’air si simple.
C’est une chose que de vouloir un enfant, c’en est une autre d'en faire.
Je dis ça maintenant, évidemment sur le moment ce n'est pas comme ça que j'y pensais. Je pensais que ça viendrait sans problème, que ce serait simple. Je ne pensais même pas que j'étais si vieille que ça.

J'avais en tête mes copines pour qui c’est arrivé sous pilule, ou au bout d’un mois après l'avoir arrêtée, enfin bien sûr c’est pas la chose la plus naturelle du monde ? On n’a pas conquis, en tant que femmes, le droit de faire un enfant si on veut, quand on veut ? Bah bien sûr, je ne savais pas combien de nanas avaient fait des fausses couches, ça ne se dit pas, et puis c'est tellement, je ne sais pas. insultant, limitant, violent, de t'entendre dire, alors que potentiellement tu n'es même pas à la moitié de ta vie, que c'est là, maintenant, qu’il faut se dépêcher. La Nature. Je hais ces conneries. Qu'on se batte pour la préserver, bien sûr, mais qu’on ne me ramène pas à Ça. Je ne suis pas un rat de laboratoire. Enfin ça, c’est ce que je croyais.

D'abord il y a eu les études, chez moi ça a trainé avec la reconversion, je suis passée du contrôle de gestion à professeure des écoles, de la maxi tune et du néant de sens total à l’exact inverse. Et mon nouveau boulot était crevant, contrairement à ce qu’en pensent Jean-Michel et Mme Michu, et il a fallu attendre d’avoir un poste fixe pour que je puisse un peu me projeter... pareil pour les mecs, ça a pas mal défilé au début, et puis ensuite il y a eu Matthias. D'abord on a attendu parce qu'on voulait profiter, profiter de quoi on ne le savait pas encore, c’est après qu'on réalise, mais bref, profiter de la vie, de la Jeunesse, ce genre de conneries. On voyageait beaucoup, Matthias commençait à bien gagner sa vie, c’est pas avec mon salaire qu’on aurait pu découvrir le Japon, on sortait, on manifestait le premier mai, pas très original j'imagine.
Matthias voula
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Je ne sais même pas comment j'ai fait pour tenir tout ce temps, un an ou presque, je ne saurais même pas le dater, aujourd’hui quand j'y pense c’est comme un brouillon figé de jours et de nuits, un temps indéfini et glacé interminable. Moi, le plus souvent, j'étais comme une poupée mécanique, et à l'intérieur, je m'étais recroquevillée dans une grotte, qui sait, peut-être dans un ventre, le mien, j'étais redevenue un fœtus, un être en devenir, et j'attendais pour ressortir, parce que je ne savais pas comment être moi et être mère. p. 254
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Et puis j'avais découvert une abomination hormonale enfin je ne sais pas trop, pourtant «tout à fait classique» disait ma mère : l’hypervigilance. La nuit, j'entendais le moindre petit bruit que faisait le bébé, même au bout du couloir avec la porte fermée, j'avais l'impression de ne plus jamais atteindre le sommeil profond et que même dans mon sommeil je devais être disponible au moindre besoin de l’enfant. Je me levais souvent pour vérifier qu'elle allait bien, qu’elle était encore vivante. Je rêvais que je ne dormais pas car j'écoutais le bruit de sa respiration. J'essayais vraiment de dormir en même temps que ses siestes, je me couchais dans mon lit et tout, mais non, même chose, mes pensées tournaient et retournaient autour de tout ce que devais faire, de ce que je faisais mal, et surtout, je me disais, je me souviens, je n’arrêtais pas de me dire: «il faut que je dorme, il faut que je dorme, que je dorme...» Mais rien.
Je me suis dit au début que c'était ça l’instinct maternel, que ça voulait dire que j'étais une mère comme les autres, même si j'avais l'impression de ne pas, de ne pas... percevoir le bébé comme j'aurais dû. p. 164-165
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Les femmes sont quand même les seules à qui on arrive à faire croire que souffrir est un pouvoir. Non, souffrir c'est souffrir : si les mecs accouchaient, on serait sur des césariennes programmées avec assistance post-partum depuis la fin du XIXe siècle, croyez-moi.
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Le jeudi 20 septembre 2018, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr ) avait la joie d'accueillir Marie-Fleur Albecker, autour de la récente publication de son premier roman, "Et j'abattrai l'arrogance des tyrans", aux éditions Aux Forges de Vulcain.
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