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Critique de Roggy


Dans cet essai/témoignage Svetlana Alexievitch a donné la parole aux voix solitaires qui ont besoin de se souvenir, qui parlent aux vivants mais aussi aux morts.
Les différents monologues sont des moments d'introspection parfois très dérangeants, semblables à une thérapie pour extirper des mots d'horreur, des témoignages glaçants, de dégâts innommables.
Mais étonnamment il y a autant d'amour que d'horreur dans la profondeur de ces déclarations de la part de ceux qui ont côtoyé de près la mort et qui savent ce qu'ils ont perdu.

Dans ce recueil de confessions post-apocalyptiques, l'auteure biélorusse y mêle également des souvenirs de guerre, car pour les victimes toutes les tragédies se ressemblent.

Toutes les catastrophes ont cette double facette de servir à montrer la vraie nature des gens car la mécanique du mal fonctionne même en temps d'apocalypse.

Certains témoins se posent la question de savoir qui sont les coupables de cette gigantesque catastrophe technologique ?

Il en ressort une constatation assez alarmante sur le peuple russe, ukrainien et biélorusse et l'éducation militaire qu'ils ont reçue.
La vie humaine a un prix très bas dans la vision des dirigeants, il existe une sorte de fatalisme asiatique qui fait que les gens acceptent leur sort, aussi tragique soit-il.
Les hommes sont élevés comme des soldats, mobilisés en permanence, toujours prêts à faire l'impossible.
Toute l'énergie est investie dans le processus de survie.
Nourris par la propagande qui propose la mort comme un moyen de donner un sens à la vie, beaucoup succombent à une sorte de fatalisme primitif.

Pourquoi les gens ont gardé le silence quand ils savaient quelle était la dimension de la catastrophe ?

Beaucoup ont obéi sans murmurer à cause de la discipline du parti communiste.
Tous ont accepté d'aller en mission dans la zone catastrophée, par peur d'être exclus, ou parce qu'on leur a promis des primes exceptionnelles.

C'est un livre dur, éprouvant à la lecture et parfois surréaliste.
On repère entre les lignes des bribes intimes, de petites voix qui tentent de se faire entendre de très loin, de manière bouleversante.

Radiations, cancers, aliénations mentales, malformations et mutations génétiques, les enfants de Tchernobyl ont vu leur formule sanguine changer et ont ainsi une autre perspective de la mort.
Ces témoignages bouleversants nous clouent sur place et ouvrent une faille dans la compréhension des dangers auxquels nous sommes tous exposés.

Svetlana Alexievitch a reçu le prix Nobel de littérature 2015 pour "son oeuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque".

Notre devoir de mémoire consiste aussi à garder les yeux ouverts sur ces inhumanités auxquelles on ne doit pas s'habituer.



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