Citations sur Six contre un (35)
« Je sais bien qu’il faut que je redresse le menton et que je les regarde dans les yeux, que je ne me laisse pas faire. Je sais bien que tout est de ma faute, que je suis une grosse chiffe molle, un gras du bide, un Big Mac, que si j’étais normal, je n’aurais pas de problème. Je n’arrive pas à me défendre. Dès qu’ils me frappent, je rentre la tête dans les épaules et je me protège avec mes bras, je m’enroule sur moi-même, je fais l’escargot. Mais je n’ai pas de coquille. »
Qu'est-ce qu'une seconde de souffrance contre une éternité de paix ?
Je ne lui dirai pas la vérité. Ni à elle ni à personne. Je ne détruirai pas le nid douillet qu'elle s'efforce de nous fabriquer, je ne lui casserai pas ses rêves. Je suis vieux, maintenant, je peux la protéger, j'ai pris cent ans en une demi-heure. Je n'ai plus rien d'un enfant, je me sens tout usé, tout vidé, tout rongé à l'intérieur.
Je vais peut-être te paraître ridicule, mais j'ai réfléchi à tout ça, au physique, à la manière dont tout le monde se juge. Regarde, dans une forêt, il y a de tout, des chênes, des bouleaux... T'as déjà entendu quelqu'un dire à un bouleau qu'il était trop maigre ou à un chêne qu'il était trop gros? Quand un arbre est rongé par la vermine, il peut s'appuyer sur les branches de ses voisins, ça l'empêche de tomber, et les autres le nourrissent de leur sève par les racines... Ils sont solidaires, en quelque sorte. C'est complètement incohérent de critiquer l'apparence des gens! C'est pas plus intelligent que de se moquer d'un arbre !
Peu de personnes imaginent qu'un enfant puisse être un tortionnaire. Un vrai, un dur. À onze, douze, treize, quatorze ans, on n'est pas un criminel !
"Bien sûr, ça arrive qu'un jeune déraille, qu'il pète un câble, mais il suffit d'être ferme, de le remettre dans le droit chemin, de le punir sévèrement pour qu'il comprenne."
La cruauté n'est pas réservée aux plus de dix-huit ans. On peut souffrir à en crever dans une cour de collège. On peut se faire torturer et vivre un enfer. Elle dérange, la violence des ados. Elle flanque la trouille. C'est pas normal, c'est trop tôt. Quand on entend à la radio qu'une fille de douze ans en a brûlé une autre, qu'une bande de quatrièmes a battu à mort un garçon de sixième, personne ne trouve les mots pour dire l'effroi. Tout le monde est paralysé. Tout le monde se tait. Moi le premier. (p.51-52)
- La danse, frère, c'est un cercle que tu traces avec le geste, quelque chose de plein... C'est une histoire que tu racontes, avec un début, un milieu, et une fin...
Il ne m’apprend pas à danser. Il installe un punching-ball dans un coin du local.
– D’abord, la musique, après, la boxe.
Pendant qu’ils s’entraînent sous les projecteurs, j’enfonce mes poings dans le sac, je tape, je frappe. De plus en plus fort, de plus en plus vrai. Je cogne. Comme une bête, comme un fou, comme si ma vie en dépendait ! Jusqu’à ce que je sente céder les premières résistances, jusqu’à ce que le corps existe, que j’arrête de survivre et que j’accepte de vivre.
Chaque jour, je retourne me noyer. J'existe contre mon gré. J'avance à reculons. Je suis le condamné qui sait son destin inéluctable.
Je n'arrive pas à me défendre. Dès qu'ils me frappent, je rentre la tête dans les épaules et je me protège avec mes bras, je m'enroule sur moi-même, je fais l'escargot. Mais je n'ai pas de coquilles
Je ne raconte pas la fin. Il n'y pas de fin.
Tout a une suite.