Par les bois du Djinn - Parle et bois du gin : Poésies complètes

LE FLEMARD

- Mon ami Leflémard, dès ses tendres années,
Au charme dangereux des grasses matinées
S'adonnait vacheusement.
Des tissus adipeux le développement,
Résultant de cette paresse,
L'a jeté dans la tombe, étouffé par la graisse.

Il a raison, mon médecin,
L'abus du lit n'est pas un travers sain.

Fables d'Esope fils

Conseils à un voyageur timoré qui s'apprêtait à traverser une forêt hantée par des êtres surnaturels

Par les bois du Djinn, où s'entasse de l'effroi,
Parle et bois du Gin ou cent tasses de lait froid.

( Le lait absorbé froid, en grande quantité, est bien connu pour donner du courage aux plus pusillanimes. )

Vers holorimes

Proposition folichonne d'un peintre un peu loufoc qui voulait entraîner une jeune femme dans des cryptes, à seule fin de lui peindre le dos avec de la couleur verte

Je dis, mettons, vers mes passages souterrains
Jeudi, mes tons verts, mais pas sages, sous tes reins.

Vers holorimes - sept brefs poèmes III

Indignation bien légitime contre une légende sottement accréditée et depuis trop longtemps
Le fils d'un eunuque eut mille enfants, cré tonnerre !
Non, la stérilité n'est pas héréditaire.

He came along holding in his hands dirty, dirty, dirty,
A big nail, pointed, pointed, pointed
And a hammer, heavy, heavy, heavy,
He propped the ladder, high, high, high,
Against the wall, white, white, white,
He went up the ladder, high, high, high,
Placed the nail pointed, pointed, pointed,
Against the wall- toc! toc! toc!
He tied to the nail a string long, long, long,
And at the end of it a salt herring, dry, dry, dry,

Mes insolations


L'explorateur

Ah ! j'en puis raconter, de tragiques histoires !!!
Lorsque nous traversions les déserts du Thibet,
Nous n'étions pas mariols et nous faisions des poires !
Pensez : c'était la boustifaille qui manquait !

Pas de restaurants dans ces immensités noires !
Pas de Duval ! Pas de Chartier ! Pas de Buffet !
Pour calmer les cris de mes dents attentatoires,
Je songeai que mon boy était bien grassouillet.

L'un de nous, bon tireur, couche un yack sur le sable.
Un yack ! Voilà de quoi calmer nos estomacs ;
Et, sans tergiverser, nous nous mettons à table.

Nous mangeâmes un quart de l'animal ; mais diable !
Le soir, nos cœurs battaient de façon effroyable !
Ca devait arriver : c'est le mal du quart d'yack.

p.258

Léger spécimen
de vers néo-alexandrins *


  Le vers néo-alexandrin, dont j’ai l’honneur d’être l’auteur, se
distingue de l’ancien en ce que, au lieu d’être à la fin, la rime se
trouve au commencement (c’est bien son tour).
  Ce nouveau vers doit se composer d’une moyenne de douze
pieds ; je dis d’une moyenne parce qu’il n’est pas nécessaire que
chaque vers ait personnellement douze pieds.
  L’important est qu’à la fin du poème, le lecteur trouve son
compte exact de pieds, sans quoi l’auteur s’exposerait à des
réclamations, des criailleries parfaitement légitimes, nous en
convenons, mais fort pénibles.
  Voici un léger spécimen de ces vers néo-alexandrins :

Cher ami gardéniste, amateur de bonne………………………11
Chère, on t’appelle à l’appareil téléphonique…………….12
Allô ! qu’y a-t-il ? – Voici……………………….………………….……...7
À l’Hôtel Terminus (le fameux Terminus !) ……………… 12
Nous nous réunirons……………………….…………………………......…6
(Nounous, le présent avis n’est pas pour votre fiole).14
Samedi… (non lundi) 20 mars à 7 heures précises… 14
Ça me dit, cette proposition, et à toi aussi j’espère…..17
Lundi 20 mars donc… (non samedi, mais non lundi).13
L’un dit une chose, l’autre une autre, voilà…………….…..16
  comme on se trompe
On se les calera bien, fois d’Alf …………………………………..…9
Onse Allais ! après quoi suivront………………………………..… 8
Concert varié, danses lascives, bref le programme….14
Qu’on sert d’habitude dans nos cordiales et charmantes
  petites soirées……………………….……………………….…........…. 20
Amène ta bonne amie, ça nous fera plaisir……….……....13
Amen ! Alphonse Allais……….………………….…………………….....6
……….………………….………………….………….……………….….…..............‒‒‒
……….…….………………….………….………………….……………..............…192

            Or 192/16 = 12 C.Q.F.D.


p.17

* Ce léger spécimen a servi de convocation imprimée
à un dîner du Gardénia, le 20 mars 1899.

             Fables


Ne jugez pas les gens sur la mine

Par un certain Dumont, géant d'aspect robuste,
Aglaé remplaça son gentil Cyprien.
Hélas, quel désespoir ! Au pieu (châtiment juste !)

      Le fort Dumont valait rien.

            Le Sourire, 29 juin 1901.

p.198

             Fables


Prompte réparation d'une erreur

Devenu le mari d'une exécrable rosse,
      Il la tua dès le réveil,
Au lendemain de son absurde noce.

      La nuit porte conseil.

            Le Sourire, 24 février 1900.

p.196

Vers holorimes


Rimes riches

Le bœuf à la vache :
   D'où te vint
   L'air boulot ?
   L'herbe ou l'eau ?
   Doute vain.

   Quelle panse !
   Quelle pense
   Au saigneur !

Réponse de la vache :
   J'ai — mi-saoule —
   Gémi sous le
   Faix nouveau.

   Aide ! Grâce !
   — Et de grasse
   Fais-nous veau !

p.59