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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


“Quand on tombe dans l'eau, la pluie ne fait plus peur.”
(proverbe russe)

Il semblerait que Niccolò Ammaniti a écrit son premier roman, "Branchies", dans le cadre de la procrastination, à l'époque où il rédigeait une thèse sur les neuroblastomes. Quel dommage que toutes nos procrastinations n'aboutissent pas aux mêmes résultats !
Considéré comme l'un des plus talentueux écrivains italiens de ces dernières décennies, l'auteur a gagné sa notoriété grâce à ce court roman, "Je n'ai pas peur" (2001), une très agréable découverte babéliote, lue d'une traite.
J'y ai retrouvé des sensations de ma première lecture de "Stand by me" de Stephen King, relevées par une pincée de poivre noir à la William Irish, mais tout cela reste très subjectif : "Je n'ai pas peur" est un récit profondément italien, bien ancré dans l'été particulièrement caniculaire de 1978, dans un petit patelin au sud de l'Italie, Acqua Traverse.

Le petit Michele passe ses vacances entre les champs de blé mûr et des chemins poussiéreux chauffés à blanc, en compagnie de ses camarades du village. En relevant un défi idiot, il va s'aventurer dans une maison délabrée sur une colline proche, et il trouvera quelque chose de très inquiétant. Quelque chose qui va changer le reste de cet été chaud et léthargique en cauchemar, et qui le mettra pour la première fois de sa vie véritablement face à la mort.

L'histoire, racontée du point de vue d'un petit garçon de neuf ans, nous permet d'entrer à la perfection dans le monde poétique des garnements de la campagne, où il reste encore beaucoup de place pour le mystérieux et le surnaturel. Mais l'auteur ne se laisse pas envahir par le sentimentalisme : ce monde enfantin est, certes, plein de camaraderie et de compassion, mais aussi d'alliances secrètes, trahisons et violences entre copains. Et juste un étage au-dessus se trouve l'incompréhensible et impitoyable monde des adultes.
Ceci n'est pas encore tout à fait compris par le petit Michele, qui regarde son guignard de père avec une mansuétude presque paternelle, mais le Michele adulte, qui revoit toute l'histoire avec recul, le sait très bien.
Les deux lignes narratives sont étroitement liées l'une à l'autre : le cruel monde des enfants copie celui des adultes par sa hiérarchie basée sur la loi du plus fort.
Dans le trou puant où le garçon fait sa découverte, les jeux et l'imagination enfantines se superposent à la dure réalité, injuste et sans compromis, des adultes ; l'endroit devient une sorte de porte symbolique entre les deux. Tout comme Alice au Pays des Merveilles, Michele tombe dans un trou pour découvrit un monde qui ne tient pas debout, qui ne donne plus aucun sens, mais qui s'appelle, hélas, la vraie vie.

Ammaniti sait raconter de façon suggestive, presque cinématographique, avec une grande maîtrise de la gradation. Soleil de plomb, terre brûlante, champs de blé sans fin, virées sauvages à vélo, maison en ruine, moments mortifères de danger et de stress intense, revirements et surprises sont décrits avec la précision des vidéoclips en couleur. La trame narrative n'est pas embellie par des fioritures inutiles ; la quantité et le caractère des effets dramatiques sont dosés plus que raisonnablement. Par bonheur, le livre se dispense aussi des considérations moralisatrices sur le bien et le mal, le crime et le châtiment, le courage et la lâcheté, que l'histoire pourrait potentiellement offrir. Avec son style solide et sa sincérité, le roman devrait ravir un large public, y compris les lecteurs exigeants.
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