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Critique de MarcelineBodier


Bugan Chuluu est le deuxième roman de Valérie Anvers, après Indélébile, qui a obtenu un des prix des étoiles 2018 de Librinova. Elle m'a permis de le lire en avant-première et je la remercie pour cette très belle lecture et cette marque de confiance.

Indélébile était un condensé de vie en huis-clos entre une poignée de personnages ; Bugan Chuluu plonge beaucoup plus loin dans l'intimité d'un plus grand nombre de personnages : mais on y retrouve la même manière de les suivre pour comprendre de l'intérieur ce qui les fait changer, ce qui fait que des humains changent, et surtout, on y retrouve le même humour.

C'est un roman qui sort de l'ordinaire de plusieurs manières.

D'abord par son choix de thèmes. Certes, pris un par un, les thèmes de la paternité, de l'amour et de l'écriture ne sont pas originaux. Mais c'est la manière dont l'auteure les associe qui l'est : la paternité, que ce soit sous forme de recherche du partenaire qui sera père, de recherche de son propre père ou d'interrogations sur son rôle, fournit le principal fil conducteur de l'histoire de chaque personnage. le père peut être incarné par une mère, cette mère peut être elle aussi absente tout en étant physiquement présente... En tout cas, la paternité pose problème parce qu'elle interfère avec les histoires d'amour des parents, et celles des enfants qui naissent de leurs unions. D'autant plus que ce n'est pas uniquement de la paternité biologique qu'il s'agit, mais aussi de celle des livres : un des personnages principaux est écrivain, et la faille sur laquelle il est assis, celle dont on imagine qu'elle nourrit son écriture tout autant que ses choix amoureux, est justement celle du rapport à son père... Bref, un bon livre, c'est un livre qui court après quelque chose, et Bugan chuluu court après le père, le père absent. le roman se présente comme une tranche de vie d'une famille et de ses voisins, et c'est en fait une plongée dans les racines conscientes et inconscientes de leurs liens.

Ensuite par sa manière de revisiter le roman initiatique : tous les personnages sortent du livre transformés par les événements qu'ils ont vécus, et ce, qu'ils soient adolescents ou quinquagénaires. Pourtant, quand on parle de roman initiatique, on s'attend à ce que ce soient de véritables épreuves qui transforment les protagonistes. Mais ce n'est pas le cas : ce qui se passe dans le livre n'est pas de l'ordre de l'épreuve exceptionnelle ou du drame sortant de l'ordinaire. C'est plutôt la manière dont l'auteure s'attarde sur le cheminement intérieur de ses personnages principaux qui nous fait vivre et progresser au rythme de leurs transformations, jusqu'à les éprouver nous-mêmes.

Enfin par son écriture. J'ai eu sans arrêt envie de m'arrêter pour noter les formules qui traduisaient de manière parfaite des pensées que j'aurais pu avoir moi-même, mais en les exprimant de manière bien plus confuse. le roman alterne les récits de deux narrateurs : un adolescent qui s'exprime comme il parle, et un homme de ma génération qui est également écrivain. La magie de l'écriture de Valérie Anvers m'a fait plonger avec les mêmes délices dans chaque chapitre, qui sonne toujours parfaitement juste.

Cerise sur le gâteau, de très nombreux passages du livre sont très drôles. Il ne s'agit pourtant jamais de blagues, mais il y a un tel humour et une telle dérision que je n'ai pu m'empêcher d'éclater de rire à la lecture de certaines scènes improbables et pourtant tellement justes. Au final, Bugan Chuluu est assez long, mais il donne l'occasion de vivre avec les personnages pendant plusieurs jours et de les retrouver avec bonheur comme on retrouve des amis dont on a envie de savoir ce qu'ils deviennent, jusqu'à la dernière page où on les quitte à regret mais en ayant compris quelle est l'image que contient le titre ; une très belle réussite.
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