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Critique de Lamifranz


Paru en 1925, tout comme « Feu de joie » (1920) qui le précède, « le mouvement perpétuel » est une illustration de la période surréaliste d'Aragon, lorsque, avec Eluard, Breton, Soupault et quelques autres, il était à l'avant-garde de cet extraordinaire élan poétique. Nous sommes au tout début du mouvement, à peine sorti de l'aventure dadaïste, et tout récemment codifié par André Breton dans son « Manifeste du surréalisme » (1924).
Aragon est sans doute le plus classique des surréalistes, il maîtrise parfaitement toutes les formes de versification. Mais ici, au tout début de sa carrière poétique, il se veut, comme ses amis surréalistes, partisan d'une liberté totale qui laisse s'exprimer la pensée en dehors de toute intervention de la raison, de l'esthétique ou de la morale.
Au niveau de la poésie, cette résolution (révolution ?) ne peut que passer par une déstructuration, un bouleversement des valeurs, une refonte, une re-création, en quelque sorte de la tradition. C'était déjà ce que faisait Apollinaire. Les surréalistes y ajoutent l'idée de la pensée libérée.
Alors bien sûr, une théorie aussi révolutionnaire ne peut qu'être provocatrice, insolente, et même transgressive :
Scène de la vie cruelle
Je crois qu'elle m'oublie
A la folie
J'attends qu'elle m'embrasse
Avec grâce
Mais si elle me trahit
Oui
Bien qu'aussi bellE qu'unE statuE
Je la tuE

Provocation sur la forme comme sur le fond, mais cela n'enlève rien à la poésie. Aragon montre qu'il sera – qu'il est déjà – un très grand poète :

Les approches de l'amour et du baiser :

Elle s'arrête au bord des ruisseaux
Elle chante
Elle court
Elle pousse un long cri vers le ciel
Sa robe est ouverte sur le paradis
Elle est tout à fait charmante
Elle agite un feuillard au-dessus des vaguelettes
Elle passe avec lenteur sa main blanche sur son front pur
Entre ses pieds fuient les belettes
Dans son chapeau s'assied l'azur
Le surréalisme, c'est aussi le pouvoir de l'image : des poètes comme Eluard et Aragon (entre autres) ont le pouvoir de faire naître les images à partir des mots, il y a une sorte de magie qui s'élève du poème :
Isabelle :
J'aime une herbe blanche ou plutôt
Une hermine aux pieds de silence
C'est le soleil qui se balance
Et c'est Isabelle au manteau
Couleur de lait et d'insolence

Aragon est un écrivain qui sur bien des points peut être contesté, mais sa poésie, une des plus belles de notre littérature, reste une des plus belles respirations de notre langue, et ce, dès ses premiers recueils, comme ici.
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