"Je ne fais pourtant de tort à personne,
En suivant mon chemin de petit bonhomme,
Mais non, les braves gens n'aiment pas que,
L'on suive une autre route qu'eux."
La mauvaise réputation, Georges Brassens
Les larmes prouvent leur amour, elles n'apportent pas leur remède (Shakespeare).
Pour une fois, ce n'est pas Maman qui a séché les larmes de tristesse des autres, mais les autres qui ont séché ses larmes de joie.
On était restés comme deux incrédules sur le perron et Maman, pour qui rien n'est grave dans la vie si celle-ci n'est pas en danger, se mit à rire en contemplant le spectacle désolant de son piano en acajou noyé sous l'orage.
Sabrina, moi je l'aimais bien, elle était gentille et me donnait toujours des bonbons et des livres ; elle disait souvent que la vie, ça devrait être juste ça, des bonbons à manger et des livres à lire, rien de plus.
Elle m'a déposé un baiser sur la joue et regardé droit dans les yeux.
- Ne renonce jamais à tes rêves mon ange, même pour de l'argent.
- Pourquoi ?
Elle a tourné son regard vers la fenêtre avec un air mélancolique.
- Parce qu'il y a bien assez d'adultes dans le monde comme ça.
Quand j'ai raconté ça à Maman, elle m'a conseillé de le laisser tranquille quelque temps, parce que des fois, quand on est vraiment mal, on a besoin d'avoir la tête dans les nuages pour mieux retomber sur le plancher des vaches, et que si on essaie de faire redescendre trop vite un parachute, le seul résultat qu'on obtient, c'est de le faire s'écraser.
Elle m'a fait jurer de ne plus gober toutes les bêtises des autres et m'a dit que dans la vie, il faut toujours avoir sa propre expérience pour se faire une idée, parce que si on écoute trop les autres, on finit par ne plus rien faire du tout.
Ils étaient habillés tout en noir comme Tata Myriam et je me sis dit que ça devait être des gens très importants eux aussi qui vivaient dans la réalité des choses, pas comme Maman et moi.
Dans la voiture, il n'y avait personne mais il flottait une légère odeur de musc et de cigarette mouillée, j'étais allongé seul à l'arrière, ma tête posée sur un oreiller de fortune composé de l'écharpe léopard de Lulu et de la veste de Rita, mon corps recouvert par le manteau coloré de Maman et la robe de chambre de Sabrina, mes yeux protégés de la lumière par les lunettes de soleil de Max, et tout ce bazar de vêtements m'a fait sourire quand j'ai constaté que tout le monde avait apporté sa pierre à l'édifice de mon sommeil.