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Critique de Eve-Yeshe


Eliot Peters, citoyen américain, apprend brutalement le décès accidentel de sa fille Evridiki (Eurydice) alors qu'elle effectuait des recherches sur les vestiges de théâtres, en Grèce, notamment sur l'île de Kalamaki. En se rendant sur place pour s'occuper des formalités, il va l'enterrer sur sur l'île, dans le petit cimetière face à la mer. Ensuite, il faut continuer à vivre…

Bien installé et intégré comme architecte aux USA, car sa famille a dû quitter la Grèce autrefois, il a presque malgré lui, inculqué l'amour de ce pays, sa philosophie, sa culture à sa fille qui a senti l'appel des racines familiales. Finalement il choisit de s'installer sur l'île, et de reprendre les recherches de sa fille.

C'est ainsi que sa route va croiser celle de Yannis, un enfant autiste, que sa mère a du mal à apprivoiser : il refuse les contacts corporels, (on imagine la frustration douloureuse de la mère), les seuls contacts se font dans la mer quand elle lui apprend à nager, ou sur le chemin du retour en scooter.

Yannis pique de violentes colères, cassant tout, dès que l'angoisse l'envahit : les relations compliquées entre Maraki, sa mère et Andréa, son père, le maire de la ville, car l'autisme les a poussés vers le divorce, par exemple. Cet enfant est une éponge pour les émotions des autres et a mis en place des rituels pour tenter de se rassurer : les bols doivent être jaunes, il fait des pliages pour tenter de maîtriser les situations, va compter les clients du bar, ou l'arrivée des bateaux et les kilos de poissons pêchés tous les jours et traduit tout en chiffres…

Tout changement le perturbe et provoque des crises, mais dans le village il occupe une place particulière, chacun vivant en fonction de lui, de son rythme…

J'ai adoré la complicité qui se noue, peu à peu avec Eliot, qui remarque très vite son intelligence, sa maîtrise des chiffres, du calcul et va l'initier aux grands mythes grecs.

La mère de Maraki est très attachante car elle se bat seule pour assumer son fils, financièrement et affectivement. Elle va pêcher à l'aube avec son matériel traditionnel et Metin Arditi explique la fabrication de la palangre, comment la fabriquer à la main, comment l'utiliser…

Tous les personnages sont intéressants : Andréas, le maire qui veut à tout prix faire passer un projet immobilier qui va défigurer l'île, le prêtre qui donne des conseils, Grigoris qui tient le café Stamboulidis, le tout dans ce qui ronge la Grèce, avec les magouilles, les comptes truqués pour accéder à l'euro, la rancoeur contre Bruxelles qui étrangle les habitants…

Metin Arditi m'a fait rêver, aussi, avec la suite de Fibronacci et le Nombre d'Or qu'on utilise en architecture (répartir les gradins d'un amphithéâtre) ou dans les proportions d'une statue. Avec lui tout est simple et harmonieux.

L'Histoire de la Grèce, sa culture, son passé, sa haine des turcs qui l'ont occupée, les grecs d''Asie Mineure chassés d'Istambul en 1955, en passant par les nazis, puis la dictature des colonels, se mêlent harmonieusement à la petite histoire de nos protagonistes, sur fond de philosophie, d'architecture, archéologie…

L'auteur pose une question importante : l'île doit-elle rester une réserve avec sa plage protégée, ses pêcheurs, sa vie simple ou doit-elle céder aux sirènes de la spéculation immobilière, en attirant des étrangers riches, dans un hôtel luxueux, et des bateaux de tourisme énormes, ou étudier un autre projet qui respecte davantage la culture grecque ancienne?

Une mention spéciale à Kosmas, le prêtre orthodoxe, qui est à l'écoute de ses fidèles et aide Eliot pour affronter son deuil, parlant de religion avec douceur, sans être rigide dans ses conseils, loin des dogmes ou des diktats et à sa théorie des trois ancrages que nous propose le Christ : le libre arbitre, la Résurrection « à chaque instant l'être recommence. La vie reprend ses droits » et la troisième ancre : la vie renaît par le travail.

J'aime beaucoup Metin Arditi que j'ai découvert avec « La confrérie de moines volants » et dont j'ai adoré « le Turquetto » et une fois de plus l'enthousiasme est présent. L'histoire est belle, de même que l'écriture sobre, sans jamais pontifier, le soin apporté au style, à la présentation, chaque chapitre ayant un titre et non un simple numéro, et racontant une petite histoire.

Son approche de l'autisme est très fine, de même que ses répercussions sur la famille, les autres en général, et l'auteur l'intègre de fort belle manière dans le scénario, dans la réflexion sur le temps qui passe, le nécessité ou non du changement, le deuil. Tout est harmonieux dans ce récit, et l'auteur réussit même à faire rêver, lorsqu'il parle du parfum du Nombre d'Or.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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